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Projet Cigéo à Bure : non à l’enfouissement des déchets radioactifs !

Bure : c’est dans ce petit village de la Meuse que l’industrie nucléaire veut enfouir ses déchets les plus dangereux, qui resteront radioactifs pendant des centaines de milliers d’années.


Nouvel échec des contorsionnistes du cirque CIGÉO : ils n’ont pas réussi à entrer dans la loi Macron

10 décembre 2014 |




Après avoir tenté en vain de glisser le projet CIGÉO (projet d’enfouissement des déchets radioactifs en couche géologique profonde à Bure) dans le projet de "loi de transition énergétique pour la croissance verte", les relais politiques de l’industrie nucléaire ont tenté de le faire passer en douce au sein du projet de "loi pour la croissance et l’activité". Grâce à la mobilisation des opposants au projet, le gouvernement a été à nouveau contraint de reculer.

Les alliés d’EDF & co n’auront pourtant pas économisé leurs efforts. Prestidigitation, boniments, maquillage, hypnose, ventriloquisme : nous décryptons quelques-unes des contorsions intellectuelles des partisans du grand cirque CIGÉO.



La pression concertée fait à nouveau reculer le gouvernement

Au milieu de plus d’une centaine d’articles de loi sans aucun lien avec le nucléaire, on trouvait jusqu’à début décembre un article n°72, relatif à la "Procédure d’autorisation des centres de stockage en couche géologique profonde - CIGÉO".

La coordination Bure-Stop, le Réseau "Sortir du nucléaire" et les Amis de la Terre sont immédiatement montés au créneau de concert dès qu’il a été révélé, courant novembre, que les pro-nucléaire essayaient de faire passer en douce le projet CIGÉO dans la "loi pour la croissance et l’activité" pilotée par le ministre de l’économie Emmanuel Macron.

Alertés par les associations, quelques élus écologistes ont relayé la pression sur le gouvernement, indiquant que les députés EELV voteraient automatiquement contre cette loi si elle prévoyait la mise en œuvre de CIGÉO.

Face à cette pression concertée des associations antinucléaires et des élus écologistes, Bercy déclarait le 4 décembre à Libération que l’article incriminé "est supprimé dans la version préparée pour le conseil des ministres" du mercredi 10 décembre.

Restons cependant vigilants car de nombreux élus continuent de tenir l’autorisation de CIGÉO pour une évidence et une formalité qui sera vite réglée (comme en témoigne un amendement au Projet de Loi de Finances Rectificatives 2015, qui détaille les retombées fiscales pour les communes concernées et reconduit l’enveloppe de 60 millions d’euros destinée aux départements de Meuse et Haute-Marne pour faire passer la pilule).

Et les partisans de CIGÉO ont plus d’un tour dans leur sac pour faire passer ce projet, même si les ficelles de ces numéros d’illusionniste sont grosses !

Jugez plutôt...

Prestidigitation : faire disparaître 18,5 milliards d’€ de coûts gênants

Selon l’étude d’impact du projet de loi Macron, "Le coût du projet a été estimé entre 13,5 et 16,5 Milliards d’euros en 2005 sur la durée totale d’exploitation (€ courants 2003), coût qui fait l’objet d’une actualisation suite à l’approfondissement du travail technique."

Étrangement, il n’est nulle part question du "chiffrage intermédiaire" réalisé par l’Andra quatre ans plus tard, en 2009, et qui se montait à 35 milliards d’€, soit au bas mot 18,5 milliards de plus.

chapeau

Lorsque cette estimation avait fuité dans la presse, elle avait donné lieu à d’intenses polémiques publiques et de virulentes attaques en coulisse contre l’Andra de la part d’EDF, du CEA et d’Areva. Ces derniers étant les producteurs de déchets, c’est eux qui sont censés mettre la main au porte-monnaie pour financer leur "gestion". En 2010, lors d’une audition parlementaire, André-Claude Lacoste, alors président de l’Autorité de Sûreté Nucléaire, avait ainsi "regretté que ces dissensions entre les producteurs [de déchets nucléaires, c’est-à-dire EDF, le CEA et Areva] et l’Andra aient pris publiquement un tour acrimonieux". [1]

Le député Christian Bataille, qui est pourtant un des principaux VRP du nucléaire à l’Assemblée nationale et a donné son nom à la loi de 2006 sur l’enfouissement des déchets nucléaires, notait également "les effets délétères, sur le processus, encore fragile, de création du stockage, des déclarations médiatiques de certains producteurs [de déchets nucléaires], apparemment disposés à sacrifier l’intérêt général sur l’autel des intérêts de leur entreprise. Il s’est ému d’un tel comportement de la part de responsables nationaux." Il se livrait par ailleurs à cette intéressante remarque : "ces entreprises publiques sont devenus des sociétés cotées en bourse, avant tout intéressées à maximiser leurs profits, et susceptibles, d’ici vingt ou trente ans, de passer sous contrôle privé"...

Alors que lesdits producteurs de déchets nucléaires se livraient à une "remise en cause [de] la capacité de l’Andra a réaliser les travaux nécessaires", André-Claude Lacoste les remettait à leur place, estimant "que les difficultés rencontrées par les industriels sur un certain nombre de projets […] devraient les inciter à faire preuve de plus de modestie." On ne saurait mieux dire, au vu des explosions budgétaires encourues par EDF et Areva sur les chantiers des EPR de Flamanville (Normandie) et Olkiluoto (Finlande).

En 2012, l’Andra était censée actualiser son chiffrage en 2013. En 2013, elle était censée l’actualiser pour l’été 2014. En décembre 2014, non seulement l’Andra n’a toujours pas de chiffre, mais elle compte débourser une grosse somme pour qu’on l’aide à compter : elle vient de lancer un appel d’offre européen pour une mission estimée à 600 000 euros... destinée à chiffrer les coûts de Cigéo !

Boniments : agiter l’emploi comme produit d’appel

L’étude d’impact du projet de loi précisait :

"S’agissant d’un des plus grands projets d’infrastructure d’ici 2025 l’article a donc un impact significatif au niveau économique et en terme d’emplois. Ce projet contribue à la consolidation de la filière nucléaire, qui en assure le financement. […] au-delà de la phase de construction, la mise en exploitation du centre de stockage représente un projet à même de générer une activité industrielle et de génie civil de très grande ampleur, dont l’ordre de grandeur en emplois est de 100 000 ETP.an, dont de l’ordre de 2 000 pendant la durée de la construction de 2020 à 2025, sous réserve de l’obtention des autorisations requises." [nous soulignons]

C’est donc le prétexte de l’emploi, usé jusqu’à la corde, qui est utilisé pour "justifier" l’insertion de CIGÉO au pied-de-biche dans la loi "pour la croissance et l’activité". Selon cette logique délirante, ne faudrait-il pas alors s’évertuer à produire toujours plus de déchets nucléaires, puisque leur "gestion" créerait des emplois ?

Maquillage : embellir un nombre d’emplois dérisoire

Le site officiel www.cigeo.com de l’ANDRA annonce :

"Cigéo est un projet industriel structurant pour le territoire. Il sera construit et exploité sur plus de 100 ans. Entre 1 300 et 2 300 personnes travailleront à la construction des premières installations de Cigéo sur la période 2019-2025. Après la mise en service du Centre, entre 600 et 1 000 personnes travailleront à la fois à son exploitation et sa construction (qui se poursuivra en parallèle)."

Utiliser une "loi pour la croissance et l’activité" comme cheval de Troie pour faire passer en force un GPII (Grand Projet Inutile Imposé) controversé qui créerait, selon ses promoteurs eux-mêmes, à peine quelques centaines d’emplois dans la durée : voilà qui a dû paraître, même aux fins stratèges à la solde de l’industrie nucléaire au sein de l’appareil d’État, difficile à faire avaler aux parlementaires et au public.

Mais comme l’alibi de l’emploi était la seule justification pour insérer CIGÉO dans ce projet de loi, le volume d’emplois prévisionnel a été délibérément présenté de façon trompeuse. Au moins deux médias (Le Monde et Actu-environnement) se sont ainsi laissés piéger, Le Monde parlant avec une ironie involontaire de "confusion sur les emplois créés"... Les deux articles citent en effet "100 000 emplois ETP / an" ou "ETP par an".

En réalité, il est bien écrit "100 000 emplois ETP.an" (et non pas "ETP/an" ni "ETP par an"). L’usage d’une unité de compte très peu usitée, relativement technique et facilement mal comprise n’est pas innocent : il permet d’afficher un gros chiffre qui en jette, tout en troublant les esprits. Il est habilement question de "générer une activité de très grande ampleur", pour orienter l’interprétation spontanée du chiffre donné ensuite...

Effet recherché par les rédacteurs de l’étude d’impact ? Peut-être quelque chose comme : "ouaw, cent mille emplois à temps plein par an avec CIGÉO !!" Les lobbyistes du nucléaire le savent bien : plus c’est gros, plus c’est sensationnel et plus ça passe (dans les médias). Une règle qu’appliquait par exemple l’ex-PDG d’EDF Henri Proglio, prophétisant en 2011 que la sortie du nucléaire menacerait 1 million d’emplois, soit dix fois plus que le nombre d’emplois directs et indirects de la filière nucléaire évalués par deux parlementaires pro-nucléaire dans un rapport sénatorial [2] .

Hypnose : paralyser les capacités de calcul les plus élémentaires

Que signifie "100 000 emplois ETP.an" ? C’est la même chose que "l’équivalent de 100 000 années de travail à temps plein au total pendant toute la durée du projet", ce qui est fondamentalement différent de "l’équivalent de 100 000 postes à temps plein par an sur toute la durée du projet".

En outre, l’étude d’impact se garde bien de préciser que la durée d’exploitation de CIGÉO serait supérieure à 100 ans selon l’ANDRA ; c’est que cette information aurait donné à certains l’idée de faire les petits calculs suivants.

Rapportés à cette durée de 100 ans, "100 000 ETP.an" équivalent à... seulement 1000 emplois à temps plein par an - en moyenne - si on se fie aux prévisions officielles, qui sont en la matière systématiquement surestimées. À raison de 35 milliards d’euros de coût prévisionnel, selon le "chiffrage intermédiaire" effectué par l’Andra en 2009, avec CIGÉO la création d’un seul emploi durable à temps plein reviendrait au moins à 35 millions d’euros.

CIGÉO pourrait donc, plus opportunément, faire l’objet d’une "loi pour la croissance DES COÛTS de l’activité". Bravo CIGÉO !

Ventriloquisme : faire parler la marionnette "Débat public"

Nous n’y reviendrons pas ici en détail, un "débat public" bidon était organisé par l’État en 2013 pour tenter de faire accepter le projet CIGÉO aux populations. La mobilisation des associations locales, avec l’appui du Réseau "Sortir du nucléaire", a permis de faire échouer lamentablement cette mascarade.

Dans l’étude d’impact du projet de loi Macron, nous lisons cette affirmation d’une incroyable impudence :

"Cet article fait suite au débat public qui s’est tenu en 2013 sur le projet de centre de stockage réversible en couche géologique profonde Cigéo. Il permet notamment de répondre à l’une des principales attentes exprimées lors du débat public consistant à intégrer, au démarrage de l’installation, une phase industrielle pilote qui doit permettre de tester la faisabilité des conditions de stockage et le cas échéant de les adapter." [nous soulignons]

Selon l’analyse approfondie de l’association MIRABEL LNE, sur les 1508 questions, 497 avis, 154 cahiers d’acteurs et 24 contributions recueillies par la CPDP (Commission Particulière du Débat Public) en 2013, la notion de réalisation d’un démonstrateur (phase pilote) n’a été en réalité que très vaguement abordée dans une unique question, aucun avis, un seul cahier d’acteur et deux contributions.

Comme le notait très justement la Coordination Bure-Stop, cette phase pilote est une "supercherie créée de toutes pièces PAR les opérateurs du nucléaire POUR les opérateurs du nucléaire, lors du débat public de 2013. Ces nouvelles dispositions de phase test se fondent sur des conclusions tronquées du débat public 2013. La demande de phase pilote y a été émise par les opérateurs du nucléaire (dont l’IRSN) et non par le public. Elle se réclame de plus d’une conférence de 17 citoyens sortis du chapeau après la clôture officielle du débat public. Ce pseudo démonstrateur serait en fait une installation nucléaire de base qui, sous couvert d’expérimentation, commencerait à stocker de vrais colis de déchets. Pas de vraie différence avec le projet CIGÉO si ce n’est un redécoupage pour faciliter sa mise en œuvre en deux temps."

Tout est dit...

Enterrer CIGÉO

Il aurait été inacceptable que les prochaines étapes et la définition du projet CIGÉO soient votées au détour d’une loi fourre-tout. La question des déchets radioactifs est trop grave et mérite un vrai débat de société.

Devant la volonté répétée du gouvernement de faire l’économie d’un tel débat et d’imposer coûte que coûte le projet controversé d’enfouissement des déchets radioactifs, le Réseau "Sortir du nucléaire" reste vigilant : après la loi de transition énergétique et la loi Macron, le projet CIGÉO refera-t-il surface au détour d’un autre projet de loi ?

Dangereux, ruineux et - comble de l’absurde - localisé sur une zone au potentiel géothermique très important, CIGÉO doit être abandonné. Pour éviter d’avoir à gérer pendant des millions d’années l’héritage toxique des déchets radioactifs, l’urgence n’est pas de chercher à tout prix à les glisser sous le tapis, mais bien d’arrêter d’en produire.


Notes

[1Cette citation, comme les suivantes, est issue de : Christian Bataille et Claude Birraux, Office Parlementaire d’Évaluation des Choix Scientifiques et Technologiques, Rapport sur l’évaluation du plan national triennal de gestion des matières et déchets radioactifs - Compte rendu des auditions, Tome 2.

[2Rapport sur l’aval du cycle nucléaire, Tome II : les coûts de l’électricité, Christian Bataille et Robert Galley, 1999, p. 46.

La pression concertée fait à nouveau reculer le gouvernement

Au milieu de plus d’une centaine d’articles de loi sans aucun lien avec le nucléaire, on trouvait jusqu’à début décembre un article n°72, relatif à la "Procédure d’autorisation des centres de stockage en couche géologique profonde - CIGÉO".

La coordination Bure-Stop, le Réseau "Sortir du nucléaire" et les Amis de la Terre sont immédiatement montés au créneau de concert dès qu’il a été révélé, courant novembre, que les pro-nucléaire essayaient de faire passer en douce le projet CIGÉO dans la "loi pour la croissance et l’activité" pilotée par le ministre de l’économie Emmanuel Macron.

Alertés par les associations, quelques élus écologistes ont relayé la pression sur le gouvernement, indiquant que les députés EELV voteraient automatiquement contre cette loi si elle prévoyait la mise en œuvre de CIGÉO.

Face à cette pression concertée des associations antinucléaires et des élus écologistes, Bercy déclarait le 4 décembre à Libération que l’article incriminé "est supprimé dans la version préparée pour le conseil des ministres" du mercredi 10 décembre.

Restons cependant vigilants car de nombreux élus continuent de tenir l’autorisation de CIGÉO pour une évidence et une formalité qui sera vite réglée (comme en témoigne un amendement au Projet de Loi de Finances Rectificatives 2015, qui détaille les retombées fiscales pour les communes concernées et reconduit l’enveloppe de 60 millions d’euros destinée aux départements de Meuse et Haute-Marne pour faire passer la pilule).

Et les partisans de CIGÉO ont plus d’un tour dans leur sac pour faire passer ce projet, même si les ficelles de ces numéros d’illusionniste sont grosses !

Jugez plutôt...

Prestidigitation : faire disparaître 18,5 milliards d’€ de coûts gênants

Selon l’étude d’impact du projet de loi Macron, "Le coût du projet a été estimé entre 13,5 et 16,5 Milliards d’euros en 2005 sur la durée totale d’exploitation (€ courants 2003), coût qui fait l’objet d’une actualisation suite à l’approfondissement du travail technique."

Étrangement, il n’est nulle part question du "chiffrage intermédiaire" réalisé par l’Andra quatre ans plus tard, en 2009, et qui se montait à 35 milliards d’€, soit au bas mot 18,5 milliards de plus.

chapeau

Lorsque cette estimation avait fuité dans la presse, elle avait donné lieu à d’intenses polémiques publiques et de virulentes attaques en coulisse contre l’Andra de la part d’EDF, du CEA et d’Areva. Ces derniers étant les producteurs de déchets, c’est eux qui sont censés mettre la main au porte-monnaie pour financer leur "gestion". En 2010, lors d’une audition parlementaire, André-Claude Lacoste, alors président de l’Autorité de Sûreté Nucléaire, avait ainsi "regretté que ces dissensions entre les producteurs [de déchets nucléaires, c’est-à-dire EDF, le CEA et Areva] et l’Andra aient pris publiquement un tour acrimonieux". [1]

Le député Christian Bataille, qui est pourtant un des principaux VRP du nucléaire à l’Assemblée nationale et a donné son nom à la loi de 2006 sur l’enfouissement des déchets nucléaires, notait également "les effets délétères, sur le processus, encore fragile, de création du stockage, des déclarations médiatiques de certains producteurs [de déchets nucléaires], apparemment disposés à sacrifier l’intérêt général sur l’autel des intérêts de leur entreprise. Il s’est ému d’un tel comportement de la part de responsables nationaux." Il se livrait par ailleurs à cette intéressante remarque : "ces entreprises publiques sont devenus des sociétés cotées en bourse, avant tout intéressées à maximiser leurs profits, et susceptibles, d’ici vingt ou trente ans, de passer sous contrôle privé"...

Alors que lesdits producteurs de déchets nucléaires se livraient à une "remise en cause [de] la capacité de l’Andra a réaliser les travaux nécessaires", André-Claude Lacoste les remettait à leur place, estimant "que les difficultés rencontrées par les industriels sur un certain nombre de projets […] devraient les inciter à faire preuve de plus de modestie." On ne saurait mieux dire, au vu des explosions budgétaires encourues par EDF et Areva sur les chantiers des EPR de Flamanville (Normandie) et Olkiluoto (Finlande).

En 2012, l’Andra était censée actualiser son chiffrage en 2013. En 2013, elle était censée l’actualiser pour l’été 2014. En décembre 2014, non seulement l’Andra n’a toujours pas de chiffre, mais elle compte débourser une grosse somme pour qu’on l’aide à compter : elle vient de lancer un appel d’offre européen pour une mission estimée à 600 000 euros... destinée à chiffrer les coûts de Cigéo !

Boniments : agiter l’emploi comme produit d’appel

L’étude d’impact du projet de loi précisait :

"S’agissant d’un des plus grands projets d’infrastructure d’ici 2025 l’article a donc un impact significatif au niveau économique et en terme d’emplois. Ce projet contribue à la consolidation de la filière nucléaire, qui en assure le financement. […] au-delà de la phase de construction, la mise en exploitation du centre de stockage représente un projet à même de générer une activité industrielle et de génie civil de très grande ampleur, dont l’ordre de grandeur en emplois est de 100 000 ETP.an, dont de l’ordre de 2 000 pendant la durée de la construction de 2020 à 2025, sous réserve de l’obtention des autorisations requises." [nous soulignons]

C’est donc le prétexte de l’emploi, usé jusqu’à la corde, qui est utilisé pour "justifier" l’insertion de CIGÉO au pied-de-biche dans la loi "pour la croissance et l’activité". Selon cette logique délirante, ne faudrait-il pas alors s’évertuer à produire toujours plus de déchets nucléaires, puisque leur "gestion" créerait des emplois ?

Maquillage : embellir un nombre d’emplois dérisoire

Le site officiel www.cigeo.com de l’ANDRA annonce :

"Cigéo est un projet industriel structurant pour le territoire. Il sera construit et exploité sur plus de 100 ans. Entre 1 300 et 2 300 personnes travailleront à la construction des premières installations de Cigéo sur la période 2019-2025. Après la mise en service du Centre, entre 600 et 1 000 personnes travailleront à la fois à son exploitation et sa construction (qui se poursuivra en parallèle)."

Utiliser une "loi pour la croissance et l’activité" comme cheval de Troie pour faire passer en force un GPII (Grand Projet Inutile Imposé) controversé qui créerait, selon ses promoteurs eux-mêmes, à peine quelques centaines d’emplois dans la durée : voilà qui a dû paraître, même aux fins stratèges à la solde de l’industrie nucléaire au sein de l’appareil d’État, difficile à faire avaler aux parlementaires et au public.

Mais comme l’alibi de l’emploi était la seule justification pour insérer CIGÉO dans ce projet de loi, le volume d’emplois prévisionnel a été délibérément présenté de façon trompeuse. Au moins deux médias (Le Monde et Actu-environnement) se sont ainsi laissés piéger, Le Monde parlant avec une ironie involontaire de "confusion sur les emplois créés"... Les deux articles citent en effet "100 000 emplois ETP / an" ou "ETP par an".

En réalité, il est bien écrit "100 000 emplois ETP.an" (et non pas "ETP/an" ni "ETP par an"). L’usage d’une unité de compte très peu usitée, relativement technique et facilement mal comprise n’est pas innocent : il permet d’afficher un gros chiffre qui en jette, tout en troublant les esprits. Il est habilement question de "générer une activité de très grande ampleur", pour orienter l’interprétation spontanée du chiffre donné ensuite...

Effet recherché par les rédacteurs de l’étude d’impact ? Peut-être quelque chose comme : "ouaw, cent mille emplois à temps plein par an avec CIGÉO !!" Les lobbyistes du nucléaire le savent bien : plus c’est gros, plus c’est sensationnel et plus ça passe (dans les médias). Une règle qu’appliquait par exemple l’ex-PDG d’EDF Henri Proglio, prophétisant en 2011 que la sortie du nucléaire menacerait 1 million d’emplois, soit dix fois plus que le nombre d’emplois directs et indirects de la filière nucléaire évalués par deux parlementaires pro-nucléaire dans un rapport sénatorial [2] .

Hypnose : paralyser les capacités de calcul les plus élémentaires

Que signifie "100 000 emplois ETP.an" ? C’est la même chose que "l’équivalent de 100 000 années de travail à temps plein au total pendant toute la durée du projet", ce qui est fondamentalement différent de "l’équivalent de 100 000 postes à temps plein par an sur toute la durée du projet".

En outre, l’étude d’impact se garde bien de préciser que la durée d’exploitation de CIGÉO serait supérieure à 100 ans selon l’ANDRA ; c’est que cette information aurait donné à certains l’idée de faire les petits calculs suivants.

Rapportés à cette durée de 100 ans, "100 000 ETP.an" équivalent à... seulement 1000 emplois à temps plein par an - en moyenne - si on se fie aux prévisions officielles, qui sont en la matière systématiquement surestimées. À raison de 35 milliards d’euros de coût prévisionnel, selon le "chiffrage intermédiaire" effectué par l’Andra en 2009, avec CIGÉO la création d’un seul emploi durable à temps plein reviendrait au moins à 35 millions d’euros.

CIGÉO pourrait donc, plus opportunément, faire l’objet d’une "loi pour la croissance DES COÛTS de l’activité". Bravo CIGÉO !

Ventriloquisme : faire parler la marionnette "Débat public"

Nous n’y reviendrons pas ici en détail, un "débat public" bidon était organisé par l’État en 2013 pour tenter de faire accepter le projet CIGÉO aux populations. La mobilisation des associations locales, avec l’appui du Réseau "Sortir du nucléaire", a permis de faire échouer lamentablement cette mascarade.

Dans l’étude d’impact du projet de loi Macron, nous lisons cette affirmation d’une incroyable impudence :

"Cet article fait suite au débat public qui s’est tenu en 2013 sur le projet de centre de stockage réversible en couche géologique profonde Cigéo. Il permet notamment de répondre à l’une des principales attentes exprimées lors du débat public consistant à intégrer, au démarrage de l’installation, une phase industrielle pilote qui doit permettre de tester la faisabilité des conditions de stockage et le cas échéant de les adapter." [nous soulignons]

Selon l’analyse approfondie de l’association MIRABEL LNE, sur les 1508 questions, 497 avis, 154 cahiers d’acteurs et 24 contributions recueillies par la CPDP (Commission Particulière du Débat Public) en 2013, la notion de réalisation d’un démonstrateur (phase pilote) n’a été en réalité que très vaguement abordée dans une unique question, aucun avis, un seul cahier d’acteur et deux contributions.

Comme le notait très justement la Coordination Bure-Stop, cette phase pilote est une "supercherie créée de toutes pièces PAR les opérateurs du nucléaire POUR les opérateurs du nucléaire, lors du débat public de 2013. Ces nouvelles dispositions de phase test se fondent sur des conclusions tronquées du débat public 2013. La demande de phase pilote y a été émise par les opérateurs du nucléaire (dont l’IRSN) et non par le public. Elle se réclame de plus d’une conférence de 17 citoyens sortis du chapeau après la clôture officielle du débat public. Ce pseudo démonstrateur serait en fait une installation nucléaire de base qui, sous couvert d’expérimentation, commencerait à stocker de vrais colis de déchets. Pas de vraie différence avec le projet CIGÉO si ce n’est un redécoupage pour faciliter sa mise en œuvre en deux temps."

Tout est dit...

Enterrer CIGÉO

Il aurait été inacceptable que les prochaines étapes et la définition du projet CIGÉO soient votées au détour d’une loi fourre-tout. La question des déchets radioactifs est trop grave et mérite un vrai débat de société.

Devant la volonté répétée du gouvernement de faire l’économie d’un tel débat et d’imposer coûte que coûte le projet controversé d’enfouissement des déchets radioactifs, le Réseau "Sortir du nucléaire" reste vigilant : après la loi de transition énergétique et la loi Macron, le projet CIGÉO refera-t-il surface au détour d’un autre projet de loi ?

Dangereux, ruineux et - comble de l’absurde - localisé sur une zone au potentiel géothermique très important, CIGÉO doit être abandonné. Pour éviter d’avoir à gérer pendant des millions d’années l’héritage toxique des déchets radioactifs, l’urgence n’est pas de chercher à tout prix à les glisser sous le tapis, mais bien d’arrêter d’en produire.



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