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Plus que jamais, l’industrie nucléaire profite de la lutte contre le réchauffement climatique pour se présenter comme une alternative aux énergies fossiles. Ni propre, ni décarbonée, l’énergie nucléaire n’est pourtant pas une solution miracle. Avec les énergies renouvelables et les économies d’énergie, nous ne sommes plus contraints de devoir choisir entre charbon et nucléaire. Découvrez pourquoi et comment.


Nucléaire : une fausse solution pour le climat

Article publié le 23 juillet 2015



Confrontés au déclin mondial du nucléaire, les industriels du secteur et leurs relais politiques et médiatiques essaient d’imposer l’idée que cette technologie est une solution pertinente et indispensable à la lutte contre le changement climatique. Mais qu’en est-il en réalité ?

ENGLISH VERSION



PRÉSERVER LE CLIMAT ? LE NUCLÉAIRE NE FAIT PAS LE POIDS

Au mieux, une contribution mineure...

Même en France, qui fait figure d’exception mondiale avec une électricité issue à 75 % du nucléaire, les émissions de gaz à effet de serre (GES) sont 4 fois trop élevées pour atteindre les objectifs climatiques. En 2014, plus de la moitié de la consommation d’énergie (primaire) en France provenait encore des combustibles fossiles (pétrole, gaz, charbon).

75 % des émissions mondiales de GES proviennent de secteurs sans aucun lien avec la production d’électricité (agriculture, déforestation), très peu électrifiés à ce jour (transports) ou pour lesquels l’électricité présente un très mauvais rendement en regard d’autres énergies (chauffage, certains procédés industriels).

... et totalement hors délai !

Lutter contre le changement climatique est une course contre la montre : les émissions mondiales doivent atteindre leur maximum dans les 5 prochaines années pour ensuite décliner drastiquement. Or selon une étude de l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE) parue en 2010, en mettant un réacteur en service tous les 15 jours, on ne contribuerait qu’à 9% de l’effort à fournir de réduction des émissions pour stabiliser la concentration de CO2 à 450 ppm. Les scénarios 1,5°C exigeant une réduction globale plus élevée des émissions, un tel programme - déjà impossible au regard des capacités industrielles et financières mondiales - ne pourrait y contribuer qu’à un niveau plus faible encore.

Une énergie marginale et en déclin

Au niveau mondial, le nucléaire fournit à peine 2 % de l’énergie totale consommée (environ 16 % en France). Il ne représente plus que 10,8 % de l’électricité produite, en fort déclin depuis son pic historique à 17,6 % en 1996. [1] Ce déclin va se poursuivre, les réacteurs en construction étant bien trop peu nombreux pour remplacer à moyen terme la fermeture progressive, par dizaines, de réacteurs vieillissants.

Même la Chine, qui a pourtant le plus grand nombre de réacteurs nucléaires en chantier, produit depuis 2012 plus d’électricité éolienne que d’électricité nucléaire. [2] L’énergie atomique représente moins de 3 % de sa consommation d’électricité.

Le nucléaire aussi émet des gaz à effet de serre

Extraction minière et enrichissement de l’uranium ; fabrication, transport et retraitement des combustibles ; construction et démantèlement des installations nucléaires. À toutes ces étapes, la filière nucléaire émet des gaz à effet de serre (GES). À l’instar des émissions de l’éolien, du solaire ou de l’hydroélectricité, les émissions de GES du nucléaire sont certes très inférieures à celles du charbon ou du pétrole.

Le nucléaire, c’est trop cher !

Les investisseurs se détournent de l’atome. Selon l’AIE, de 2000 à 2013, 57 % des investissements mondiaux dans de nouvelles capacités de production électrique se sont tournés vers les renouvelables, et 3 % seulement vers le nucléaire. [3] Ces dernières années, nombre de projets de réacteurs ont été abandonnés.

C’est que les coûts du nucléaire ne cessent d’augmenter. Ainsi, en France, le réacteur EPR est désormais annoncé à un coût 3 fois supérieur au budget initial, et il faudrait dilapider environ 250 milliards d’euros pour rafistoler les réacteurs nucléaires vieillissants afin d’en prolonger le fonctionnement avec un niveau de sûreté comparable à l’EPR [4]. En pure perte : il faudrait renouveler le parc 10 à 20 ans après !

A contrario, le coût des énergies renouvelables ne cesse de baisser. Ainsi, le MWh éolien terrestre est déjà bien moins cher (30 à 50 %) à produire que le MWh que génèrerait les futurs EPR [5] ou les réacteurs français après rafistolage. Et cela pourrait devenir le cas pour l’électricité solaire dès 2018. [6]

Une technologie inadaptée à un climat qui se dégrade

Si l’on considère toutes les étapes de chaque filière, le kWh nucléaire utilise beaucoup plus d’eau que le kWh éolien ou photovoltaïque [7] ; or sécheresses et canicules se multiplient ! Celles-ci peuvent en outre perturber l’exploitation des réacteurs : ainsi, 1/4 du parc nucléaire français a dû être arrêté ou fonctionner à puissance réduite à l’été 2003.

Les incendies dus à la sécheresse peuvent menacer les sites nucléaires, comme à Mayak en Russie (2010) et à Los Alamos aux États-Unis (2011). En France, lors de la grande tempête de 1999, la centrale nucléaire du Blayais près de Bordeaux a été inondée et a frôlé l’accident. Le réseau électrique peut aussi être gravement touché. Or, même arrêtés, les réacteurs nucléaires exigent d’être alimentés en électricité pour leur refroidissement, faute de quoi ils entrent en fusion.

FACE AU DANGER CLIMATIQUE, MULTIPLIER LES DANGERS NUCLÉAIRES ?

Radioactivité et déchets : une accumulation de pollutions

Des mines d’uranium aux déchets nucléaires en passant par les rejets radioactifs et chimiques des usines et des réacteurs, toute la filière nucléaire est polluante. 300 000 tonnes de combustibles nucléaires usés ont déjà été accumulées au niveau mondial. Ces déchets hautement radioactifs seront dangereux pendant des centaines de milliers d’années. Les États nucléarisés prévoient de les enterrer... mais les seuls sites d’enfouissement profond existants (Asse en Allemagne et le WIPP aux États-Unis) sont d’incroyables fiascos qui ont déjà contaminé leur environnement, alors même qu’ils abritent des déchets moins radioactifs.

Accident majeur : la possibilité d’un désastre

L’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) lui-même estime désormais qu’ « il est indispensable pour les élus de se préparer à l’idée d’un accident nucléaire » [8], et qu’un accident majeur serait « une catastrophe européenne ingérable » qui pourrait coûter jusqu’à 760 milliards d’euros. [9] D’innombrables facteurs peuvent provoquer un accident nucléaire. Après Tchernobyl et Fukushima, construire de nouvelles centrales accroîtrait le risque d’une nouvelle catastrophe, qui contaminerait de vastes territoires pour des siècles et aurait un impact considérable sur la santé ou les conditions de vie de millions de personnes.

Prolifération : terrorisme radiologique, guerre nucléaire

Plus de nucléaire, c’est plus de matières radioactives qui peuvent être détournées. En les dispersant avec de simples explosifs ("bombe sale"), un attentat peut contaminer une ville entière.

De plus, il n’existe aucune barrière étanche entre usages civils et militaires du nucléaire : tout État doté de réacteurs peut fabriquer la bombe... et l’utiliser. Il est ainsi estimé qu’un conflit nucléaire limité entre Inde et Pakistan exposerait 2 milliards de personnes à la famine [10]. Or, l’approvisionnement vital en eau potable de ces deux pays par les glaciers himalayens est menacé par le réchauffement du climat [11] : les impacts du changement climatique vont accroître le risque d’emploi des armes nucléaires.

LES VRAIES SOLUTIONS POUR LE CLIMAT

Économiser l’énergie : le plus efficace, le moins cher

D’énormes gisements d’économies d’énergie existent dans tous les secteurs : bâtiment, industrie, transport, informatique, électroménager, etc. L’AIE estime que 50 % des réductions d’émissions de GES à réaliser d’ici à 2020 doivent provenir de mesures d’efficacité énergétique. [12] Cela permettrait d’économiser en 2020 l’équivalent des émissions actuelles de la Russie, 5ème plus gros émetteur mondial de GES.

Les économies d’énergie, moins onéreuses que la production d’énergie, sont porteuses de nombreux bénéfices (réduction de la facture énergétique, création d’emplois, etc.). Ainsi, en respectant son objectif de 20 % d’économies d’énergie en 2020, l’Union européenne ferait une économie nette de 200 milliards d’euros par an ! [13]

100 % renouvelables : c’est possible !

En France, selon l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie), parvenir à 100 % d’électricité renouvelable en 2050 coûterait à peine plus cher que de maintenir le nucléaire, et le pays dispose d’un potentiel de production d’électricité renouvelable trois fois supérieur à la demande électrique actuelle. [14] Quant au scénario négaWatt, il démontre qu’en 2050 la France pourrait répondre à tous ses besoins en énergie, et non seulement en électricité, avec les renouvelables. [15]

Ces études récentes convergent avec les résultats de nombreuses autres menées ailleurs dans le monde. Ainsi, des chercheurs de Stanford ont publié en 2015 un scénario prospectif détaillé permettant aux USA d’atteindre 100 % d’énergies renouvelables en 2050, tout en réduisant de 39 % leur consommation d’énergie. [16]

Sortir du nucléaire et des fossiles : briser le verrou énergétique

Le nucléaire et les énergies fossiles sont l’épine dorsale d’un système énergétique très centralisé et peu flexible, qui incite structurellement au gaspillage d’énergie et qui entrave l’essor rapide des énergies renouvelables. Ces énergies du passé sont un verrou à faire sauter d’urgence.

La transition énergétique : l’Allemagne montre la voie

Grâce à un soutien institutionnel inscrit dans la durée, la transition énergétique permet à l’Allemagne de mener à bien une sortie du nucléaire qui sera totale en 2022, tout en maintenant ses émissions de gaz à effet de serre (GES) en baisse quasi continue depuis 25 ans. Le pays vise une réduction de ses émissions de 55 % en 2030 par rapport à 1990.

En dix ans seulement, la part d’électricité renouvelable en Allemagne est passée de 9 % à 26 % en moyenne annuelle [17], dépassant parfois 50 % les jours ensoleillés ou venteux. [18]

Contrairement à l’idée reçue, l’Allemagne n’a pas recours au charbon pour sortir du nucléaire. [19] Certes, plusieurs centrales à charbon mises en chantier entre 2005 et 2009 sont entrées en service de 2012 à 2015. Mais le développement rapide des énergies renouvelables a plus que compensé la réduction du nucléaire allemand. [20] Et depuis l’arrêt définitif de 8 réacteurs nucléaires en 2011, aucun nouveau chantier n’a démarré et pas moins de 6 projets ont été annulés ! [21] De plus, d’ici 2020, plusieurs centrales à charbon totalisant 2,7 GW seront mises durablement « sous cocon », inactives sauf urgence. [22]

En 2014, la production électrique à base de charbon a baissé de 6 % par rapport à 2013 [23] et les émissions de GES du pays de 4,3 %, tandis que sa consommation totale d’énergies fossiles atteignait son plus bas niveau en 35 ans. [24] Après la sortie du nucléaire, l’Allemagne a en perspective la sortie du charbon.

Emplois : un potentiel bien supérieur à celui du nucléaire

Avec 1,1 million d’emplois dans l’Union européenne (7,7 millions dans le monde), les renouvelables y créent à elles seules 5 fois plus de travail que le nucléaire. [25] Alors qu’en France Areva planifie des milliers de suppressions de postes, en Allemagne on comptait en 2013 quelque 1,2 million d’emplois dans les secteurs des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique réunis. [26]


Notes

[1Mycle Schneider, Anthony Froggatt, "The world nuclear industry status report 2015", juillet 2015, p.13

[3Agence Internationale de l’Énergie, "World Energy Investment Outlook 2014 Special Report", juin 2014, p.162

[4WISE-Paris / Greenpeace, "L’échéance des 40 ans pour le parc nucléaire français", février 2014

[5Alors que le coût prévisionnel de l’EPR était à l’époque encore estimé à 6 milliards, la Cour des Comptes estimait en 2010 que l’EPR produirait de l’électricité à un coût compris entre 70 et 90 € / MWh. Avec un coût de 8,5 milliards, le coût du MWh de l’EPR peut être estimé à environ 110 € / MWh. Cette estimation est accréditée par le contrat passé par EDF avec la Grande-Bretagne pour la construction de deux réacteurs EPR à Hinkley Point. Tout en bénéficiant d’une garantie financière de 10 milliards de £ accordée par l’État britannique, EDF a exigé un prix de vente garanti et indexé sur l’inflation pendant 35 ans. Fixé à 92,5 £ par MWh (environ 111 € / MWh) à signature du contrat, soit presque deux fois plus que le prix de marché actuel du MWh, avec l’inflation le prix garanti atteindra environ 120 £ / MWh (environ 144 € / MWh) en 2023, à la date – très hypothétique ! - de démarrage des réacteurs prévue par EDF (source : Liberum Capital, "Flabbergasted – The Hinkley Point Contract", 30 octobre 2013). En comparaison, en novembre 2013, l’ADEME estimait que "le prix d’achat moyen de l’électricité sur la durée de vie d’une éolienne est de l’ordre de 70 €/MWh" (source : ADEME, "Les avis de l’ADEME - La production éolienne d’électricité", novembre 2013, p.3).

[7J Meldrum, S Nettles-Anderson, G Heath, J Macknick, "Life cycle water use for electricity generation : a review and harmonization of literature estimates", Environ. Res. Lett. 8 (2013), ; L’IRENA (Agence internationale pour les énergies renouvelables) utilise cette étude pour comparer les besoins en eau des différentes énergies dans son rapport "Renewable energy in the water, energy and food nexus", janvier 2015, p.69

[8IRSN, "Les élus sont-ils prêts à gérer le post-accident ?", Repères n°24, février 2015, p.20

[9Patrick Momal, Ludivine Pascucci-Cahen, "Les rejets radiologiques massifs diffèrent profondément des rejets contrôlés", IRSN, novembre 2012

[11Gwynne Dyer, "Alerte : changement climatique, la menace de guerre", Éd. Robert Laffont, 2009, p.151-163

[12Agence Internationale de l’Énergie, "Redrawing the energy-climate map - World Energy Outlook Special Report", 2013

[13Ecofys / Friends of the Earth / Climate Action Network, "Saving energy : bringing down Europe’s energy prices for 2020 and beyond", février 2013, p.4

[17Plus précisément, de 9,2 % en 2004 à 26,2 % en 2014. AG Energiebilanzen, "Bruttostromerzeugung in Deutschland ab 1990 nach Energieträgern", 27 février 2015

[18En l’état des données en février 2015, le record historique s’est établi à 80 % de la consommation d’électricité allemande assurée par les énergies renouvelables à midi le 11 mai 2014. Agora Energiewende, "Report on the German power system", février 2015, p.14

[19Voir également : Conrad Kunze, Paul Lehmann, Energy Post, "The myth of the dark side of the Energiewende", 17 février 2015 ; traduction française par le Réseau "Sortir du nucléaire"

[20De 2010 à 2014, la production d’électricité nucléaire a baissé de 43,5 TWh/an tandis que la production d’électricité renouvelable a augmenté de 55,8 TWh/an. Agora Energiewende, "Zuwachs bei Erneuerbaren Energien macht Grafenrheinfeld-Aus spielend wett", 2 juillet 2015

[21Craig Morris, "Germany builds minus six coal plants after nuclear phaseout", 29 avril 2013 ; Craig Morris, "Zero German coal plants as a reaction to Fukushima", 27 mai 2015 ; Deutsche Umwelthilfe (DUH), "Kohlekraftwerksprojekte in Deutschland", octobre 2013 ; Bundesverband der Energie- und Wasserwirtschaft (BDEW), "BDEW-Kraftwerksliste", 13 avril 2015 et version anglaise établie par Reuters

[22Voir par exemple : Denis Cosnard, "L’Allemagne va arrêter plusieurs vieilles centrales au charbon", Le Monde, 2 juillet 2015

[23Charbon et lignite ont produit 282,6 TWh en 2013, et 264,8 TWh en 2014. AG Energiebilanzen, "Bruttostromerzeugung in Deutschland ab 1990 nach Energieträgern", 27 février 2015

[24Thomas Gerke, "Plummeting demand, renewables slightly up and fossil power generation at a 35 year low", Renewables International, 22 décembre 2014

[25Sources et méthodologie détaillée du calcul : https://www.sortirdunucleaire.org/Image4-emplois-UE

[26363 100 emplois dans le secteur des énergies renouvelables en Allemagne en 2013, d’après ObservER, 14ème bilan EurObservER, "État des lieux des énergies renouvelables en Europe", édition 2014, p.131 ; 850 000 emplois dans le secteur de l’efficacité énergétique en 2014, d’après DENNEF, "Branchenmonitor Energieeffizienz 2015", avril 2015, p.31

PRÉSERVER LE CLIMAT ? LE NUCLÉAIRE NE FAIT PAS LE POIDS

Au mieux, une contribution mineure...

Même en France, qui fait figure d’exception mondiale avec une électricité issue à 75 % du nucléaire, les émissions de gaz à effet de serre (GES) sont 4 fois trop élevées pour atteindre les objectifs climatiques. En 2014, plus de la moitié de la consommation d’énergie (primaire) en France provenait encore des combustibles fossiles (pétrole, gaz, charbon).

75 % des émissions mondiales de GES proviennent de secteurs sans aucun lien avec la production d’électricité (agriculture, déforestation), très peu électrifiés à ce jour (transports) ou pour lesquels l’électricité présente un très mauvais rendement en regard d’autres énergies (chauffage, certains procédés industriels).

... et totalement hors délai !

Lutter contre le changement climatique est une course contre la montre : les émissions mondiales doivent atteindre leur maximum dans les 5 prochaines années pour ensuite décliner drastiquement. Or selon une étude de l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE) parue en 2010, en mettant un réacteur en service tous les 15 jours, on ne contribuerait qu’à 9% de l’effort à fournir de réduction des émissions pour stabiliser la concentration de CO2 à 450 ppm. Les scénarios 1,5°C exigeant une réduction globale plus élevée des émissions, un tel programme - déjà impossible au regard des capacités industrielles et financières mondiales - ne pourrait y contribuer qu’à un niveau plus faible encore.

Une énergie marginale et en déclin

Au niveau mondial, le nucléaire fournit à peine 2 % de l’énergie totale consommée (environ 16 % en France). Il ne représente plus que 10,8 % de l’électricité produite, en fort déclin depuis son pic historique à 17,6 % en 1996. [1] Ce déclin va se poursuivre, les réacteurs en construction étant bien trop peu nombreux pour remplacer à moyen terme la fermeture progressive, par dizaines, de réacteurs vieillissants.

Même la Chine, qui a pourtant le plus grand nombre de réacteurs nucléaires en chantier, produit depuis 2012 plus d’électricité éolienne que d’électricité nucléaire. [2] L’énergie atomique représente moins de 3 % de sa consommation d’électricité.

Le nucléaire aussi émet des gaz à effet de serre

Extraction minière et enrichissement de l’uranium ; fabrication, transport et retraitement des combustibles ; construction et démantèlement des installations nucléaires. À toutes ces étapes, la filière nucléaire émet des gaz à effet de serre (GES). À l’instar des émissions de l’éolien, du solaire ou de l’hydroélectricité, les émissions de GES du nucléaire sont certes très inférieures à celles du charbon ou du pétrole.

Le nucléaire, c’est trop cher !

Les investisseurs se détournent de l’atome. Selon l’AIE, de 2000 à 2013, 57 % des investissements mondiaux dans de nouvelles capacités de production électrique se sont tournés vers les renouvelables, et 3 % seulement vers le nucléaire. [3] Ces dernières années, nombre de projets de réacteurs ont été abandonnés.

C’est que les coûts du nucléaire ne cessent d’augmenter. Ainsi, en France, le réacteur EPR est désormais annoncé à un coût 3 fois supérieur au budget initial, et il faudrait dilapider environ 250 milliards d’euros pour rafistoler les réacteurs nucléaires vieillissants afin d’en prolonger le fonctionnement avec un niveau de sûreté comparable à l’EPR [4]. En pure perte : il faudrait renouveler le parc 10 à 20 ans après !

A contrario, le coût des énergies renouvelables ne cesse de baisser. Ainsi, le MWh éolien terrestre est déjà bien moins cher (30 à 50 %) à produire que le MWh que génèrerait les futurs EPR [5] ou les réacteurs français après rafistolage. Et cela pourrait devenir le cas pour l’électricité solaire dès 2018. [6]

Une technologie inadaptée à un climat qui se dégrade

Si l’on considère toutes les étapes de chaque filière, le kWh nucléaire utilise beaucoup plus d’eau que le kWh éolien ou photovoltaïque [7] ; or sécheresses et canicules se multiplient ! Celles-ci peuvent en outre perturber l’exploitation des réacteurs : ainsi, 1/4 du parc nucléaire français a dû être arrêté ou fonctionner à puissance réduite à l’été 2003.

Les incendies dus à la sécheresse peuvent menacer les sites nucléaires, comme à Mayak en Russie (2010) et à Los Alamos aux États-Unis (2011). En France, lors de la grande tempête de 1999, la centrale nucléaire du Blayais près de Bordeaux a été inondée et a frôlé l’accident. Le réseau électrique peut aussi être gravement touché. Or, même arrêtés, les réacteurs nucléaires exigent d’être alimentés en électricité pour leur refroidissement, faute de quoi ils entrent en fusion.

FACE AU DANGER CLIMATIQUE, MULTIPLIER LES DANGERS NUCLÉAIRES ?

Radioactivité et déchets : une accumulation de pollutions

Des mines d’uranium aux déchets nucléaires en passant par les rejets radioactifs et chimiques des usines et des réacteurs, toute la filière nucléaire est polluante. 300 000 tonnes de combustibles nucléaires usés ont déjà été accumulées au niveau mondial. Ces déchets hautement radioactifs seront dangereux pendant des centaines de milliers d’années. Les États nucléarisés prévoient de les enterrer... mais les seuls sites d’enfouissement profond existants (Asse en Allemagne et le WIPP aux États-Unis) sont d’incroyables fiascos qui ont déjà contaminé leur environnement, alors même qu’ils abritent des déchets moins radioactifs.

Accident majeur : la possibilité d’un désastre

L’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) lui-même estime désormais qu’ « il est indispensable pour les élus de se préparer à l’idée d’un accident nucléaire » [8], et qu’un accident majeur serait « une catastrophe européenne ingérable » qui pourrait coûter jusqu’à 760 milliards d’euros. [9] D’innombrables facteurs peuvent provoquer un accident nucléaire. Après Tchernobyl et Fukushima, construire de nouvelles centrales accroîtrait le risque d’une nouvelle catastrophe, qui contaminerait de vastes territoires pour des siècles et aurait un impact considérable sur la santé ou les conditions de vie de millions de personnes.

Prolifération : terrorisme radiologique, guerre nucléaire

Plus de nucléaire, c’est plus de matières radioactives qui peuvent être détournées. En les dispersant avec de simples explosifs ("bombe sale"), un attentat peut contaminer une ville entière.

De plus, il n’existe aucune barrière étanche entre usages civils et militaires du nucléaire : tout État doté de réacteurs peut fabriquer la bombe... et l’utiliser. Il est ainsi estimé qu’un conflit nucléaire limité entre Inde et Pakistan exposerait 2 milliards de personnes à la famine [10]. Or, l’approvisionnement vital en eau potable de ces deux pays par les glaciers himalayens est menacé par le réchauffement du climat [11] : les impacts du changement climatique vont accroître le risque d’emploi des armes nucléaires.

LES VRAIES SOLUTIONS POUR LE CLIMAT

Économiser l’énergie : le plus efficace, le moins cher

D’énormes gisements d’économies d’énergie existent dans tous les secteurs : bâtiment, industrie, transport, informatique, électroménager, etc. L’AIE estime que 50 % des réductions d’émissions de GES à réaliser d’ici à 2020 doivent provenir de mesures d’efficacité énergétique. [12] Cela permettrait d’économiser en 2020 l’équivalent des émissions actuelles de la Russie, 5ème plus gros émetteur mondial de GES.

Les économies d’énergie, moins onéreuses que la production d’énergie, sont porteuses de nombreux bénéfices (réduction de la facture énergétique, création d’emplois, etc.). Ainsi, en respectant son objectif de 20 % d’économies d’énergie en 2020, l’Union européenne ferait une économie nette de 200 milliards d’euros par an ! [13]

100 % renouvelables : c’est possible !

En France, selon l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie), parvenir à 100 % d’électricité renouvelable en 2050 coûterait à peine plus cher que de maintenir le nucléaire, et le pays dispose d’un potentiel de production d’électricité renouvelable trois fois supérieur à la demande électrique actuelle. [14] Quant au scénario négaWatt, il démontre qu’en 2050 la France pourrait répondre à tous ses besoins en énergie, et non seulement en électricité, avec les renouvelables. [15]

Ces études récentes convergent avec les résultats de nombreuses autres menées ailleurs dans le monde. Ainsi, des chercheurs de Stanford ont publié en 2015 un scénario prospectif détaillé permettant aux USA d’atteindre 100 % d’énergies renouvelables en 2050, tout en réduisant de 39 % leur consommation d’énergie. [16]

Sortir du nucléaire et des fossiles : briser le verrou énergétique

Le nucléaire et les énergies fossiles sont l’épine dorsale d’un système énergétique très centralisé et peu flexible, qui incite structurellement au gaspillage d’énergie et qui entrave l’essor rapide des énergies renouvelables. Ces énergies du passé sont un verrou à faire sauter d’urgence.

La transition énergétique : l’Allemagne montre la voie

Grâce à un soutien institutionnel inscrit dans la durée, la transition énergétique permet à l’Allemagne de mener à bien une sortie du nucléaire qui sera totale en 2022, tout en maintenant ses émissions de gaz à effet de serre (GES) en baisse quasi continue depuis 25 ans. Le pays vise une réduction de ses émissions de 55 % en 2030 par rapport à 1990.

En dix ans seulement, la part d’électricité renouvelable en Allemagne est passée de 9 % à 26 % en moyenne annuelle [17], dépassant parfois 50 % les jours ensoleillés ou venteux. [18]

Contrairement à l’idée reçue, l’Allemagne n’a pas recours au charbon pour sortir du nucléaire. [19] Certes, plusieurs centrales à charbon mises en chantier entre 2005 et 2009 sont entrées en service de 2012 à 2015. Mais le développement rapide des énergies renouvelables a plus que compensé la réduction du nucléaire allemand. [20] Et depuis l’arrêt définitif de 8 réacteurs nucléaires en 2011, aucun nouveau chantier n’a démarré et pas moins de 6 projets ont été annulés ! [21] De plus, d’ici 2020, plusieurs centrales à charbon totalisant 2,7 GW seront mises durablement « sous cocon », inactives sauf urgence. [22]

En 2014, la production électrique à base de charbon a baissé de 6 % par rapport à 2013 [23] et les émissions de GES du pays de 4,3 %, tandis que sa consommation totale d’énergies fossiles atteignait son plus bas niveau en 35 ans. [24] Après la sortie du nucléaire, l’Allemagne a en perspective la sortie du charbon.

Emplois : un potentiel bien supérieur à celui du nucléaire

Avec 1,1 million d’emplois dans l’Union européenne (7,7 millions dans le monde), les renouvelables y créent à elles seules 5 fois plus de travail que le nucléaire. [25] Alors qu’en France Areva planifie des milliers de suppressions de postes, en Allemagne on comptait en 2013 quelque 1,2 million d’emplois dans les secteurs des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique réunis. [26]