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Des accidents nucléaires partout

France : Paluel : Des capteurs de l’activité nucléaire non-conformes

Quand la surveillance des systèmes de surveillance fait défaut




11 octobre 2023


Il aura fallu pas moins de trois années pour que la centrale nucléaire de Paluel (Normandie) réalise qu’elle n’avait pas mis à jour ses procédures de test. Des capteurs, de pression, situés à l’extérieur de la cuve des réacteurs 3 et 4 au niveau des générateurs de vapeur, ont été déclarés fonctionnels alors que selon les critères en vigueur depuis 2020 ils ne l’étaient pas.


Crédit photo : André Paris

En août 2022 et en août 2023, des essais destinés à vérifier le bon fonctionnement de capteurs sont réalisés sur les réacteurs 3 et 4 de Paluel. Jugeant les résultats conformes, EDF a validé ces essais. Pour l’industriel, ces capteurs fonctionnaient parfaitement, ils étaient aptes à remplir leur fonction. À savoir, surveiller la pression dans les générateurs de vapeur [1] . Sauf qu’une mise à jour datant de 2020 avait modifié les critères de ces essais. Mais elle n’a pas été prise en compte.

C’est ainsi que EDF s’est rendu compte, le 5 octobre 2023, que selon les "nouveaux" critères, deux capteurs n’étaient en fait pas aptes à remplir leurs fonctions. Sur le réacteur 4, le capteur de pression - qui doit normalement être remis en état sous 3 jours - est resté indisponible 17 jours. Sur le réacteur 3, il ne donnait pas de données fiables alors qu’elles étaient utilisées pour surveiller le réacteur pendant 57 jours.

Certes, il restait trois autres capteurs sur chaque réacteur qui fonctionnaient correctement. Mais les règles imposent le bon fonctionnement des quatre car chaque capteur participe à une chaîne de mesure essentielle à la surveillance de l’activité nucléaire. C’est sur la base des données envoyées par ces capteurs que les circuits de secours et les procédures d’arrêt d’urgence sont déclenchés.

Que l’exploitant nucléaire considère ce système fiable alors qu’en réalité il ne l’est pas parce qu’il n’a pas appliqué une mise à jour datant de plusieurs années interroge. Qu’il valide des tests de bon fonctionnement alors que les équipements ne fonctionnent pas correctement pousse à se demander si l’exploitant a vraiment une bonne connaissance de l’état de ses équipements. Faire des essais de bon fonctionnement oui, mais encore faut-il le faire avec les bons critères. Et donc être capable de suivre et d’appliquer les mises à jours.
L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) pointe, outre le délai d’identification de l’indisponibilité des capteurs alors qu’ils étaient requis durant le fonctionnement des réacteurs, un problème d’organisation chez l’industriel. Et attend d’EDF que des procédures soient mises en place pour ce que genre d’incident, qui a significativement entravé les mesures prises pour limiter le risque d’accident, ne puisse pas se reproduire.

Ce que dit EDF :

Déclaration d’un événement significatif sûreté de niveau 1 - Détection tardive du non-respect a posteriori des règles générales d’exploitation

Publié le 11/10/2023

Evénement sûreté

Sur les centrales nucléaires, des essais périodiques sont régulièrement organisés afin de vérifier le bon fonctionnement des différents systèmes et matériels. Ces essais sont par exemple réalisés sur des capteurs du système RPR, qui permet notamment d’assurer la surveillance et la protection du réacteur en fonctionnement. En 2020, les procédures de réalisation de ces essais évoluent et modifient les critères de validation des contrôles réalisés sur 4 capteurs.

Le 20 août 2022 et le 11 août 2023, les équipes de la centrale de Paluel réalisent ces essais respectivement sur les unités de production n°3 et 4. Lors de ces essais, des données non conformes au critère attendu dans les nouvelles procédures d’essai ne sont pas identifiées par les équipes d’EDF sur un des quatre capteurs de chaque réacteur, les considérant disponibles.

Le 5 octobre 2023, les équipes d’EDF s’aperçoivent de la non-conformité des données. Les 2 capteurs concernés sont a posteriori déclarés indisponibles, ce qui n’est pas permis pas les règles générales d’exploitation. Des interventions de maintenance sont initiées pour les remettre en conformité.

Cet événement n’a eu aucune conséquence réelle sur la sûreté des installations : sur les deux unités de production concernées, les trois autres capteurs étaient disponibles et opérationnels et assuraient pleinement leur fonction. Toutefois, en raison de sa détection tardive, cet événement a été déclaré par la direction de la centrale nucléaire de Paluel, le 9 octobre 2023, à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), comme événement significatif relatif à la sûreté au niveau 1 de l’échelle INES, qui en compte 7.

https://www.edf.fr/la-centrale-nucleaire-de-paluel/les-actualites-de-la-centrale-nucleaire-de-paluel/declaration-dun-evenement-significatif-surete-de-niveau-1-detection-tardive-du-non-respect-a-posteriori-des-regles-generales-dexploitation


Ce que dit l’ASN :

Non-respect des règles générales d’exploitation concernant la disponibilité de capteurs de pression participant aux systèmes de protection des réacteurs 3 et 4

Publié le 26/10/2023

Centrale nucléaire de Paluel Réacteurs de 1300 MWe - EDF

Le 9 octobre 2023, EDF a déclaré à l’ASN un événement significatif pour la sûreté relatif au non-respect des règles générales d’exploitation des réacteurs 3 et 4 concernant la disponibilité d’un capteur de pression participant au système de protection du réacteur.

Les règles générales d’exploitation (RGE) sont un recueil de règles approuvées par l’ASN qui définissent le domaine autorisé de fonctionnement de l’installation et les prescriptions de conduite associées. Elles limitent les interventions sur les équipements qui conduiraient à dégrader les fonctions de sûreté requises en fonction du domaine d’exploitation.

Le système de protection du réacteur (RPR) a pour principales fonctions la détection de situations anormales, l’arrêt automatique du réacteur et le déclenchement des systèmes de sauvegarde appropriés en situation accidentelle.

Afin de recaler périodiquement les indicateurs de puissance du réacteur, qui servent notamment à la conduite et au réglage des seuils de protection du système RPR, un essai permettant d’établir un bilan thermique du réacteur est réalisé en mesurant des paramètres physiques de capteurs à l’entrée et à la sortie des générateurs de vapeur. En cas de dérive de certains paramètres de ces capteurs, un recalibrage est réalisé par l’exploitant.

Le 5 octobre 2023, dans le cadre de la préparation des activités de maintenance prévues lors de l’arrêt du réacteur 4, l’exploitant a détecté, sur un des quatre capteurs susmentionnés, une anomalie relative au non-respect d’un critère lors d’un essai réalisé le 12 août 2022. L’exploitant a analysé d’autres essais identiques, ce qui lui a permis d’identifier un écart similaire lors d’un essai réalisé sur le réacteur 3 en août 2023.

L’exploitant a décidé de réaliser un essai partiel afin de recontrôler les deux capteurs incriminés. Concernant le capteur du réacteur 3, après constat d’un écart effectif, l’exploitant a réalisé le 6 octobre 2023 un recalibrage permettant de retrouver la conformité du capteur. Concernant le capteur du réacteur 4, l’essai n’a pas mis en évidence d’écart. Toutefois, en recherchant les activités de maintenance effectuées depuis le 12 août 2022, l’exploitant a constaté que, à la suite de l’identification d’une dérive de la mesure du capteur, un calibrage avait été réalisé le 23 août 2022. La disponibilité de ce dernier a été retrouvée in fine le 29 août 2022 à l’issue de la réalisation d’un essai partiel ayant conduit à des résultats conformes.

EDF n’a pas donc respecté la règle relative à l’indisponibilité d’un capteur nécessaire à la disponibilité d’une chaîne de protection du réacteur définie dans les RGE, qui impose une réparation sous trois jours. Les capteurs concernés ont été indisponibles pendant 56 jours sur le réacteur 3 et 17 jours sur le réacteur 4.

Cet évènement n’a pas eu de conséquence pour les personnes et l’environnement. Néanmoins, en raison de la détection tardive, cet événement a été classé au niveau 1 de l’échelle internationale des événements nucléaires (INES).

L’analyse de cet événement devra s’attacher à en comprendre l’origine exacte, ainsi que les raisons notamment organisationnelles qui ont conduit au délai d’identification de l’indisponibilité des capteurs de pression. Elle devra également définir des actions correctives visant à éviter le renouvellement de cet écart. https://www.asn.fr/l-asn-controle/actualites-du-controle/installations-nucleaires/avis-d-incident-des-installations-nucleaires/non-respect-des-regles-generales-d-exploitation50


[1Un générateur de vapeur (GV) est un échangeur thermique entre l’eau du circuit primaire, portée à haute température (320 °C) et à pression élevée (155 bars) dans le cœur du réacteur, et l’eau du circuit secondaire qui se transforme en vapeur et alimente la turbine. Chaque générateur de vapeur comporte plusieurs milliers de tubes en forme de U, qui permettent les échanges de chaleur entre l’eau du circuit primaire et l’eau des circuits secondaires pour la production de la vapeur alimentant la turbine https://www.asn.fr/Lexique/G/Generateur-de-vapeur


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Installation(s) concernée(s)

Paluel

Nombre d'événements enregistrés dans notre base de données sur cette installation
146