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Des accidents nucléaires partout

France : Gravelines : Le circuit de refroidissement ne tiendra pas en cas de séisme




24 octobre 2017


L’exploitant de la centrale de Gravelines vient de déclarer que les réacteurs 1, 3 et 5 pourraient perdre leur source de refroidissement en cas de séisme. Non pas à cause de la rouille qui ronge les tuyaux par manque d’entretien comme c’est le cas ailleurs, mais simplement parce que les éléments qui soutiennent les tuyaux d’eau sont mal fixés.


Les problèmes de "non-tenue" de matériels en cas de séismes s’accumulent. Et sont révélateurs de très sérieux problèmes de sûreté des installations nucléaires si jamais la terre se mettait à trembler.

En juin 2017, EDF déclarait une anomalie générique concernant les ancrages des diesels de secours de 20 réacteurs, auxquels 6 se sont rajoutés depuis (Fessenheim et Bugey). En cas de séisme, ces réacteurs perdraient leur alimentation électrique.

Quelques mois après, en octobre, l’exploitant des centrales nucléaires françaises déclare une anomalie générique concernant la perte de source froide pour au moins 29 réacteurs pour cause de tuyauteries mal entretenues. Entre temps, il est révélé que le site de Tricastin est menacé d’inondation en cas de séisme, car une partie de la digue qui sépare le site du canal est construite sur du sable. L’ASN a jugé le risque encouru inacceptable, au point qu’elle a demandé la mise à l’arrêt des 4 réacteurs tant que les travaux ne sont pas finalisés.

Dernier en date, c’est cette fois le site de Gravelines qui est concerné. L’exploitant vient en effet de découvrir, après plusieurs mois d’investigations, que 3 de ses réacteurs sont touchés par des défauts d’ancrages du support des tuyauteries d’eau brute secourue [1]. Les tuyaux sont en bon état, ils ne sont pas concernés par les problèmes de rouille et de corrosion, mais en revanche, les supports qui soutiennent ces tuyaux sont mal fixés aux murs, certains éléments d’ancrages étant tout simplement absents (alors qu’ils étaient prévus sur les plans de conception). Conséquences : les supports de ces tuyaux ne tiendront pas en cas de séisme. Si les fixations des supports lâchent, les tuyaux lâchent. Le résultat est donc le même que pour les 29 réacteurs concernés par l’anomalie générique affectant les tuyauteries des stations de pompage : en cas de séisme, la source qui sert au refroidissement des réacteurs 1, 3 et 5 de Gravelines ne sera plus disponible. Petite prime pour le réacteur 1 : non seulement le circuit d’eau brute (donc le système de refroidissement) est touché par ce problème d’ancrage, mais aussi le circuit secondaire [2] aussi.

Ce que dit EDF :

Le 23/10/17

Défauts de supports de tuyauteries, dans la partie non nucléaire des installations des unités de production n° 5, 3 et 1

En mai 2017, alors que l’unité de production n°5 est à l’arrêt dans le cadre de sa visite décennale, des contrôles de conformité sont réalisés sur les ancrages des tuyauteries du circuit d’eau brute [3], situés dans la partie non nucléaire de l’installation.

Lors de ces contrôles, un des supports de tuyauteries met en évidence certaines différences par rapport au plan d’origine : certains dispositifs d’ancrage qui participent au maintien du support contre le mur, sont absents. Une analyse est alors engagée par l’ingénierie d’EDF pour vérifier la tenue du support en cas de séisme.

Le 3 juillet 2017, les résultats de cette analyse ne permettent pas de garantir que ces ancrages résisteraient à un séisme majoré de sécurité [4] L’analyse a aussi permis de vérifier que les critères de conception étaient tous respectés dans le cas d’un séisme maximal historiquement vraisemblable. Cet écart a été déclaré à l’Autorité de sûreté nucléaire le 7 juillet 2017 au niveau 0, en-dessous de l’échelle INES.

Le 12 juillet 2017, suite à des investigations menées sur l’unité de production n°3 alors à l’arrêt pour renouvellement du combustible, un défaut similaire est détecté sur un des supports de tuyauterie du circuit d’eau brute. Des dispositions particulières ont été mises en œuvre dans les procédures d’exploitation des deux unités concernées, pour autoriser leur redémarrage. Une solution de renforcement des supports de ces tuyauteries est à l’étude pour une mise en œuvre lors des prochains arrêts programmés de ces unités de production.

Le 1er août 2017, après analyse, la direction de la centrale a reclassé cet événement, au niveau 1 sur l’échelle INES, graduée de 1 à 7.

Cet événement a été ré-indicé le 1er septembre 2017 : le périmètre des unités de production concernées par l’écart sur les ancrages de tuyauterie du circuit d’eau brute s’est élargi à l’unité de production n°1.

L’événement a de nouveau été ré-indicé le 23 octobre 2017 : ce défaut a été constaté sur le circuit secondaire de vapeur de l’unité de production n°1.

https://www.edf.fr/groupe-edf/nos-energies/carte-de-nos-implantations-industrielles-en-france/centrale-nucleaire-de-gravelines/actualites/defauts-de-supports-de-tuyauteries-dans-la-partie-non-nucleaire-des-installations-des-unites-de-production-ndeg-5-3-et-1


Ce que dit l’ASN :

Non-conformité de supports sur des tuyauteries du circuit d’eau brut secourue

Le 24/08/2017

Le 1er août 2017, l’exploitant de la centrale nucléaire de Gravelines a déclaré à l’Autorité de sûreté nucléaire un évènement significatif pour la sûreté relatif à la non-conformité de supports sur des tuyauteries du circuit d’eau brute secourue [5] des réacteurs n° 3 et n° 5.

En mai 2017, le réacteur n° 5 est à l’arrêt pour sa visite décennale. A la suite d’une demande de l’ASN, EDF procède au contrôle de conformité aux plans des ancrages des tuyauteries du circuit d’eau brute secourue du réacteur. Ce contrôle met en évidence, sur une des lignes redondantes du circuit, la non-conformité d’un support du fait notamment de l’absence de quatre platines de fixation. EDF réalise alors une étude pour évaluer la tenue au séisme du support. Le 3 juillet 2017, cette étude conclue que le support tient au séisme maximal historiquement vraisemblable [6] mais que sa tenue au séisme majoré de sécurité n’est pas garantie.

Le 6 juillet 2017, les inspecteurs de l’ASN constatent lors d’une inspection de chantier que les platines de fixation du support sont également manquantes sur une ligne du circuit similaire du réacteur n° 3. EDF indique que l’installation sur le réacteur n° 3 est conforme au plan, les platines de fixation du support n’y étant pas prévues, puis arrive in fine à la même conclusion que pour le réacteur n° 5, à savoir que la tenue du support au séisme maximal historiquement vraisemblable est garantie mais pas celle au séisme majoré de sécurité.

EDF étudie une solution de renforcement définitive des supports de fixation non-conformes au plus tôt sur les deux réacteurs et a mis en place, dans l’attente, des dispositions organisationnelles afin de privilégier l’utilisation de l’autre ligne de circuit redondante ne présentant pas d’écart.

Cet événement n’a pas eu de conséquence sur les installations, sur l’environnement ou sur les travailleurs. Il a été reclassé au niveau 1 de l’échelle INES par l’ASN.

https://www.asn.fr/Controler/Actualites-du-controle/Avis-d-incident-des-installations-nucleaires/Non-conformite-de-supports-sur-des-tuyauteries-du-circuit-d-eau-brut-secourue


[1Ce circuit sert à refroidir un autre circuit, appelé circuit de refroidissement intermédiaire, qui assure le refroidissement de tous les circuits et matériels importants pour la sûreté du réacteur. C’est un circuit "de sauvegarde". II est constitué de deux lignes redondantes, comportant chacune deux pompes et deux échangeurs. De plus, en situation accidentelle le circuit d’eau brute peut être utilisé pour réalimenter le réservoir d’eau de secours des générateurs de vapeur, dans le cas où les moyens de réalimentation normaux et de secours seraient indisponibles.Le circuit d’eau brute fonctionnant en permanence, les échangeurs s’encrassent et nécessitent un nettoyage régulier. https://www.asn.fr/Lexique/C/Circuit-d-eau-brute-secourue-SEC

[2Circuit fermé dans lequel la vapeur produite dans le générateur de vapeur est conduite à la turbine, qui transforme son énergie en énergie mécanique. Il comprend : la partie secondaire des générateurs de vapeur, la turbine, le condenseur, les systèmes d’extraction et de réchauffage de l’eau condensée jusqu’au retour au générateur de vapeur, ainsi que les tuyauteries associées. https://www.asn.fr/Lexique/C/Circuit-secondaire

[3Le circuit d’eau brute est un circuit fermé situé dans la partie non nucléaire de l’installation. Il pompe l’eau de la mer dans le canal d’amenée pour refroidir un second circuit situé en partie nucléaire de l’installation.

[4Dès la conception, les matériels sont dimensionnés pour résister à un séisme majoré de sécurité. Le séisme majoré de sécurité est calculé à partir du Séisme Maximal Historiquement Vraisemblable. Ce dernier correspond pour la centrale de Gravelines à une secousse de magnitude 4,9 sur l’échelle de Richter, soit celui de Colchester en Angleterre en 1884, majoré d’une marge de sécurité.

[5Circuit d’eau brute secourue : ce circuit sert à refroidir un autre circuit, appelé circuit de refroidissement intermédiaire, qui assure le refroidissement des matériels importants pour la sûreté du réacteur. C’est un circuit dit « de sauvegarde » constitué de deux lignes redondantes, comportant chacune deux pompes et deux échangeurs. Il fonctionne en permanence, même lorsque le réacteur est à l’arrêt, afin d’assurer, entre autres, le refroidissement de la piscine d’entreposage du combustible.

[6Le dimensionnement des systèmes d’une centrale nucléaire prend en compte deux niveaux de séisme de référence : le séisme maximal historiquement vraisemblable (SMHV), qui est supérieur à tous les séismes s’étant produits au voisinage de la centrale depuis mille ans, et le séisme majoré de sécurité (SMS), séisme hypothétique d’intensité encore supérieure.


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Installation(s) concernée(s)

Gravelines

Nombre d'événements enregistrés dans notre base de données sur cette installation
163