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Des accidents nucléaires partout

France : Bugey : Trop de phosphore et d’azote déversés dans le Rhône depuis des mois

La station d’épuration débordée, la surveillance trop laxe d’EDF




16 avril 2024


Le système censé dépolluer les eaux usées de la centrale nucléaire du Bugey (Rhône-Alpes) n’a pas réussi à éliminer suffisamment de phosphore et d’azote. Les rejets de la centrale ont dépassé les limites autorisées à plusieurs reprises depuis le début de l’année 2024, mais à cause d’une surveillance trop peu fréquentes (tous les 2 mois) et trop tardive (lorsque l’eau est déversée dans l’environnement), EDF n’a pas été capable d’éviter de nouvelles pollutions du Rhône.


Crédit photo : André paris

L’azote et le phosphore sont des éléments nutritifs pour le vivant, alors quel mal y-a-t-il à en déverser dans la nature direz-vous ? Et bien justement, ce trop plein de nutriments pousse la croissance des plantes aquatiques à l’extrême, jusqu’à générer une eutrophisation et asphyxier le milieu  [1] . En passant bien sûr auparavant par un déséquilibre de l’écosystème et une perte de biodiversité.

Utilisés principalement pour leurs propriétés détergentes dans l’industrie, les rejets d’azote et de phosphore dans l’environnement sont autorisés mais en quantités limitées. Ce sont ces limites que la centrale du Bugey a dépassées. Sans que l’on sache quelle quantité totale a été rejetée dans le Rhône, sur quelle période, ni ce qui a causé ce dépassement. La station d’épuration du site est-elle correctement entretenue ? Est-elle correctement dimensionnée (en capacité de traiter le volume d’eaux usées qui lui est envoyé) ? Si un surcroît d’activité avait amené un surplus d’eaux sales à traiter, pourquoi EDF ne l’a pas anticipé ?

Les prélèvements du 8 mars 2024 ont montré un dépassement de la teneur autorisée en phosphate et en azote dans les rejets de la station d’épuration. Un dépassement qui perdurait depuis possiblement depuis janvier (date du précédent contrôle) puisque EDF précise que ce contrôle est bimestriel. Alors que les précédentes mesures effectuées en début d’année montraient déjà des dépassement des teneurs maximales en azote et en phosphore dans les rejets de la centrale (plus de 3 fois le seuil maximal pour l’azote), l’industriel a encore attendu un mois de plus, le temps de refaire 2 autres analyses, pour confirmer ce dépassement. Qui n’était pas des moindres : plus du double de la quantité maximale de phosphore en 24 heures (1kg20 rejetés par jour contre 0,5kg/j. autorisé).
Une chose est sûre : la manière dont EDF surveille les rejets de sa station d’épuration ne permet pas de détecter et encore moins de stopper une pollution. Avec des mesures faites tous les 2 mois, au moment où l’eau est déversée dans l’environnement (et non quand elle est encore dans la station d’épuration), on voit mal comment l’industriel pourrait agir à temps lorsque survient un dysfonctionnement. Cela fait d’ailleurs des mois que le site industriel dépasse allègrement ses autorisations de rejets. Et ne semble pas se soucier de changer quoique ce soit. À se demander si EDF se donne réellement les moyens de limiter les dégradations environnementales générées par ses activités.

Ce que dit EDF :

Dépassement de la limite autorisée en phosphore dans les rejets de la station d’épuration des eaux usées

Publié le 16/04/2024

Evénement environnement

Sur une centrale nucléaire, les eaux usées d’origine domestique (sanitaires, douches, cuisines, etc.) sont collectées par un réseau particulier puis orientées vers une station d’épuration. Ces eaux usées sont entreposées dans des bassins d’aération et traitées biologiquement par culture bactérienne et oxygénation. Ces eaux épurées sont dirigées vers le réseau d’évacuation des eaux pluviales puis rejetées dans le Rhône.

Des prélèvements réglementaires bimestriels sont réalisés en sortie de la station d’épuration, afin de contrôler les concentrations de différents paramètres.

Le 8 mars, le prélèvement réglementaire bimestriel du bassin n°30 est réalisé, présentant un potentiel dépassement de certains critères fixant la valeur maximale d’azote et de phosphore autorisée en sortie de la station d’épuration, sur une période de 24h.

Une contre analyse réalisée le 26 mars, puis une seconde réalisée le 9 avril, confirment le dépassement du seuil réglementaire en phosphore (1,20kg/j pour une limite à 0 ,5kg/j).

Les paramètres mesurés par les stations multi-paramètres entre le 1er mars et le 10 avril 2024 ne mettent pas en exergue d’évolution significative d’un rejet anormal.

Toutefois, en raison du dépassement d’une limite réglementaire, la centrale du Bugey a déclaré cet événement, le 11 avril 2024, à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), comme significatif pour l’environnement.

https://www.edf.fr/la-centrale-nucleaire-du-bugey/les-actualites-de-la-centrale-nucleaire-du-bugey/depassement-de-la-limite-autorisee-en-phosphore-dans-les-rejets-de-la-station-depuration-des-eaux-usees


[1L’eutrophisation est une forme de pollution qui se produit lorsqu’un milieu aquatique reçoit trop de matières nutritives assimilables par les algues et que celles-ci prolifèrent. Cette eutrophisation peut être naturelle. Elle peut alors s’étaler sur plusieurs siècles ou millénaires. Mais elle peut aussi être le résultat des activités humaines. On parle alors de dystrophisation ou d’eutrophisation anthropique. Dans ce dernier cas, le phénomène est accéléré par l’apport d’effluents domestiques, industriels et/ou agricoles et peut conduire à la mort de l’écosystème aquatique en quelques décennies voire même en quelques années. Les principaux nutriments à l’origine de ce phénomène sont le phosphore (contenu dans les phosphates) et l’azote (contenu dans l’ammonium, les nitrates, et les nitrites). https://ecotoxicologie.fr/eutrophisation-milieux-aquatiques


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