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Greenwashing pour la COP 21 : les mensonges d’EDF ne sauveront pas le climat !


Victoires / Installation : EDF


À l’approche de la COP21, EDF, sponsor officiel de cet événement, a lancé une grande campagne de publicité pour se présenter comme le « Partenaire officiel d’un monde bas carbone ». Celle-ci fait l’éloge de sa production d’électricité qui, grâce au nucléaire, serait « à 98% sans CO2 ». Pour dénoncer cette communication fallacieuse, le Réseau "Sortir du nucléaire" a porté plainte devant le Jury de Déontologie Publicitaire et a assigné EDF en responsabilité civile devant le Tribunal de grande instance de Paris.



EDF n’est pas le « Partenaire d’un monde bas carbone » !

Dans le contexte de la prochaine conférence mondiale sur le climat qui se tiendra à Paris fin 2015 (COP21), EDF tente de se présenter comme un acteur vertueux, en pointe dans la lutte contre le changement climatique.

Alors qu’elle exploite 16 centrales à charbon dans le monde et représente la 19ème entreprise mondiale la plus émettrice de gaz à effet de serre, EDF se targue d’agir « partout où [elle] est présente » pour une électricité « décarbonée ». Comment ne pas être scandalisé par cette affirmation, quand on sait que les émissions mondiales d’EDF représentent 80 millions de tonnes de CO2 par an [1] ?

EDF ment : son électricité n’est pas « à 98 % sans CO2 » !

EDF met en exergue un prétendu bilan de « 98% d’électricité produite en France sans CO2 ». Rien n’indique quel calcul a permis d’obtenir ce chiffre, mis en avant pour présenter comme vertueux le mix électrique français.

Personne n’est dupe : sous couvert de protection du climat, il s’agit avant tout d’une promotion du nucléaire, qui représentait en 2013 85% de la production d’électricité du groupe en France. EDF a déjà tenté, notamment dans sa publicité « EDF en Alsace : Ancrer dans son territoire », de vanter une production d’électricité nucléaire prétendument « 100% sans CO2 ». Or le Jury de Déontologie Publicitaire a récemment jugé qu’une telle affirmation était « susceptible d’induire en erreur le public sur la réalité écologique des actions d’EDF ».

En effet, EDF se focalise uniquement sur les émissions des centrales ; ce faisant, elle « oublie » de comptabiliser les quantités non négligeables de gaz à effet de serre émises lors des différentes étapes nécessaires au fonctionnement de l’industrie nucléaire, en amont et en aval (extraction de l’uranium, fabrication du combustible [2], opérations de traitement des déchets, etc.). Aucune étude, même celles réalisées par l’AIEA, n’attribue des émissions de CO2 nulles au nucléaire. Selon une synthèse de 103 études portant sur ce sujet, on peut retenir une estimation médiane de 66g de CO2/kWh, certains calculs évoquant même 288g de CO2/kWh [3].

Enfin, cette focalisation sur les seules émissions de CO2 occulte totalement les autres problèmes environnementaux entraînés par le recours au nucléaire, qu’il s’agisse des retombées des accidents nucléaires, de la pollution des mines d’uranium ou de l’accumulation de déchets ingérables.

Il est inacceptable que le 1er producteur mondial d’électricité se serve de la COP21 pour promouvoir le nucléaire. Le Réseau "Sortir du nucléaire" a donc porté plainte une nouvelle fois devant le Jury de Déontologie Publicitaire (voir la plainte, en document joint).

L’audience, qui devait initialement avoir lieu devant le Jury de Déontologie Publicitaire le 6 novembre 2015, a été reportée au 11 décembre, à la demande d’EDF... Ce report tombait à pic pour l’exploitant nucléaire puisque cela lui a permis d’éviter un avis de l’instance en charge de la déontologie de la publicité mettant irrémédiablement en cause sa communication en amont de la COP 21.

Dans son avis publié sur son site Internet le 5 janvier 2016, le JDP énonce que les affirmations « EDF, Partenaire officiel d’un monde bas carbone » et « Aujourd’hui, 98 % de notre électricité produite en France est sans CO2 » sont de nature à induire le public en erreur sur la réalité des actions menées par EDF (voir l’avis, en document joint). Cette publicité d’EDF contrevient donc à plusieurs recommandations Développement Durable de l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité. Le JDP enfonce ainsi le clou quant à la propagande trompeuse d’EDF, une mise en cause qui avait déjà commencé avec un avis du JDP, publié le 14 octobre 2015, reconnaissant comme partiellement fondée la plainte déposée par l’association FNE contre la publicité "EDF, partenaire officiel d’un monde bas carbone" parue dans le journal Les Echos [4] et un autre avis du JDP du 20 juillet 2015 concernant une publicité d’EDF en Alsace vantant les mérites d’une électricité produite "100% sans émission de CO2".

Fort de ces avis, le Réseau "Sortir du nucléaire" a alors assigné EDF en responsabilité civile devant le Tribunal de grande instance de Paris (voir l’assignation, en document joint). Entre-temps, EDF a encore été rappelée à l’ordre par le Jury de la Déontologie Publicitaire en octobre 2016.

L’audience devant le TGI de Paris a eu lieu le 28 février 2017 (voir nos conclusions, en document joint) [5]. L’affaire a été mise en délibéré et le jugement a été rendu le 19 décembre 2017.

Le TGI de Paris a débouté les associations de leurs demandes (voir le jugement, en document joint). Il a également rejeté la demande reconventionnelle d’EDF pour procédure abusive. Les associations ont décidé de faire appel (voir les conclusions d’appel, en document joint) [Analyse du jugement rendu par le TGI de Paris le 19/12/17 :

Ce jugement déclare recevable l’action des associations, mais les déboute sur le fond (articles 1371 et 1382 du Code civil).

Pour le TGI, les engagements d’EDF sont contractualisés avec l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP) et les associations sont des tiers à cette contractualisation et ne peuvent donc pas s’en prévaloir.

Tout d’abord, il faut relever que ces éléments ne faisaient pas partie de la défense d’EDF.

En outre, ce raisonnement vaudrait à coup sûr si l’engagement contractuel d’EDF n’était pas public. Or, la Recommandation Développement durable de l’ARPP est certes un support contractuel, mais elle est aussi destinée au grand public puisqu’elle fonde l’engagement des co-contractants envers le public étant donné que la publicité lui est destinée.

De plus, pour le TGI, la demande des associations revient à donner des sanctions aux décisions de l’ARPP, ce qui n’était pas prévu. Pourtant, telle n’est pas l’idée de l’action menée par les associations qui se fonde sur le non-respect des engagements quasi-contractuels d’EDF en matière de publicité.

Enfin, il est à noter que le TGI rejette également les demandes d’EDF pour procédure abusive et au titre de l’art. 700.]]. La cour d’appel de Paris a examiné l’affaire le 21 novembre 2019 [6]. L’affaire a été mise en délibéré et la décision a été rendue le 23 janvier 2020.

La cour d’appel de Paris a finalement confirmé le rejet de notre action au motif que les arguments des associations étaient inopérants. Elle nous déclare tout de même recevables et ne nous a pas condamnés à des frais à verser à la partie adverse.

 

Téléchargez l’arrêt de la cour d’appel
Greenwashing COP 21 - Arrêt CA Paris 23/01/20

Notes

[2Les usines de fabrication du combustible n’émettent pas seulement du CO2, mais également des oxydes d’azotes, gaz à effet de serre au pouvoir de réchauffement 40 fois supérieur à celui du CO2. L’usine Areva Malvési, près de Narbonne, vient d’être condamnée notamment pour n’avoir pas effectué en continu la surveillance de ces rejets : https://www.fne.asso.fr/fr/condamnation-d-areva-le-mepris-des-regles-environnementales-dans-les-sites-industriels-doit-cesser.html?cmp_id=33&news_id=14412

[3Valuing the greenhouse gas emissions from nuclear power : a critical survey, Benjamin K. Sovacool, 2008 : https://www.nirs.org/climate/background/sovacool_nuclear_ghg.pdf

[4Le JDP a estimé que l’expression « EDF, partenaire officiel d’un monde bas carbone » était susceptible d’induire le public en erreur sur la réalité écologique des actions de l’annonceur, en méconnaissance du point 1.1 de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP, et qu’elle n’était pas non plus conforme aux points 3.3, 3.4 et 6.5 précités de cette Recommandation, faute de donner suffisamment de précisions sur les engagements pris par l’entreprise, dans le cadre de son partenariat avec la COP 21, en termes de réduction des émissions de gaz carbonique.

[5Compte-rendu de l’audience du 28 février 2017 :

Un magistrat rapporteur a commencé par un rappel des faits, de la procédure et des arguments respectifs des associations et d’EDF.

Magistrat rapporteur : Tout commence par des recours formés par 6 associations auprès de l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP), plus spécifiquement auprès du Jury de Déontologie Publicitaire (JDP) qui va être successivement saisi de 4 plaintes. Ces plaintes vont saisir de fondement à la présente instance. Première plainte par 5 associations qui vise une campagne de pub diffusée sur le site Internet EDF Alsace : "100 % d’électricité produite sans émission de CO2 en Alsace". Avis du JDP 03/07/15 : action de promotion qui n’est pas conforme aux règles de déontologie publicitaire en ce qu’on suggère que les émissions de CO2 des centrales seraient nulles. Seconde plainte du 23/07/15 par FNE : série de pub presse et site internet sur engagements d’EDF à l’occasion de la COP 21. Avis JDP : pas conforme à la recommandation développement durable de l’ARPP. "Partenaire d’un monde bas carbone" : pas d’explication qui viendrait éclairer le sens de cette expression. Concept vaste et flou qui ne peut pas être rattaché à la COP21. Plainte du 23/09/15 par le Rézo SDN : campagne publicitaire similaire à la précédente. Pour le JDP, si, depuis, EDF a ajouté un renvoi, ça ne régularise pas la pub originelle. Expression 98 % de la production électrique française sans CO2 = pourcentage annoncé dépourvu d’explications ou de renvois. Impossibilité pour le public de comprendre comment on arrive à ces 98 %. 4e avis du 16/09/16 et plainte du 24/06/16 de FNE et Rézo : campagne presse avec cascade en forme de cheminée de refroidissement de centrale nucléaire. Pour le JDP, l’assimilation à un élément naturel peut induire en erreur sur les propriétés environnementales du produit en cause. Le JDP écarte le grief sur le fait qu’EDF ne fasse pas état de tous les défauts. Par acte d’huissier du 05/11/15, les 6 associations vont assigner EDF devant le TGI pour obtenir sa condamnation au paiement de 15 000 euros pour RSDN et FNE et 5 000 pour les autres. A titre principal, les associations reprochent à EDF le non-respect d’une obligation de résultat issue du quasi-contrat né de l’engagement pris par EDF de se soumettre aux normes de l’ARPP, les associations tirant des avis rendus par le JDP la démonstration que les objectifs ont été méconnus par EDF. A titre subsidiaire, elles invoquent une responsabilité pour faute fondée sur l’article 1382 du Code civil. Préjudice direct et certain des associations. Pour EDF, les associations n’ont pas qualité et intérêt à agir : règles déontologiques ne sont pas des règles légales et impératives et leurs seuls statuts ne démontrent en rien leur intérêt à agir. La formulation "Partenaire d’un monde bas carbone" manifeste seulement son engagement au titre de la COP 21. Elle est donc légitime à utiliser dans sa communication les formulations reprochées. EDF nie l’existence d’un quasi-contrat : aucun engagement auprès d’une personne déterminée et ces règles n’ont aucune valeur juridique. Les décisions du JDP ne sont que de simples avis. Cela ne dispense pas de rapporter la preuve du caractère fautif du message. Le JDP ne lui a jamais demandé de cesser la diffusion des publicités dans ses avis. EDF décline toute responsabilité sur le plan délictuel. EDF réclame 5 000 euros pour procédure abusive. Clôture de la mise en état en décembre 2016.

Benoist Busson : 3 série d’observations. Action pas très commune. C’est la première fois que des associations de protection de l’environnement réclament la réparation pour un quasi-contrat. Mais les associations agissent en responsabilité civile en réparation d’une infraction depuis toujours. - Sur la recevabilité : ce n’est pas une action civile mais une action en responsabilité civile. Si j’ai cité le droit de l’action civile, c’est pour contextualiser notre action. Sur 1382, action en responsabilité civile pour atteinte à aux intérêts collectifs défendus par les associations : il faut la violation de l’objet social de l’association. S’agissant de l’action civile, article 2 du Code de procédure pénale = démontrer une atteinte directe à ses droits. Une association, même en dehors de toute habilitation législative, peut agir. C’est le contexte. Sur l’élément matériel : pas d’action sur publicité trompeuse. La pub a évolué depuis 40 ans. EDF se présente comme une entreprise citoyenne. Pub pour que vis à vis du citoyen elle passe pour être vertueuse vis à vis de l’environnement. Sensibilité du public à ces arguments. Responsabilité sociale et environnementale. Guide des pub de 2012. ARPP créée en 2008 avec le JDP et la recommandation développement durable date de 2009. Pas obligation d’y adhérer. Mais si les entreprises y adhèrent, elles doivent la respecter. EDF s’adresse au grand public : elle doit donc être particulièrement vigilante à cet égard. On a contesté devant le JDP qu’il s’agissait de publicités. Dès lors que l’on s’adresse au public, on s’adresse à des tiers précis. Les associations représentent la société civile. Toutes les conditions du quasi-contrat sont remplies. - Sur les fautes : EDF est membre de la commission éthique de l’ARPP. Elle se fait sanctionner à deux reprises par le JDP sur la même campagne de pub à 2 mois d’intervalle. Son adhésion aux règles déontologiques de la pub apparaît comme une pure opération de communication. C’est ressenti comme étant la violation d’un engagement = source d’un véritable préjudice pour les asso. EDF n’a pas demandé révision des ces avis. Elle accepte ses sanctions. Récidive en avril 2016. Choses bonnes pour l’environnement : montrer en quoi c’est positif pour l’environnement. - sur le préjudice : indemnité pécuniaire. Distinction entre les asso nationales et locales car pour locales préjudice limité géographiquement. Agrément : Reconnaissance de leur activité écologique et activité démocratique. Nous réclamons la publication d’un communiqué réparateur car EDF veut convaincre l’opinion par une pub trompeuse. Avocat EDF : Tweet de SDN = pub de mauvais goût. Dû mal à caractériser une faute. Tribune gratuite pour propagande ani-nucléaire. Demande en procédure abusive. Précédent qui serait dangereux. JDP rend seulement des avis : complètement non contraignants. On voudrait que ces avis aient force de loi. On voudrait que ce jury ait un pouvoir de sanction indirectement. Irrecevabilité : on essaie de trouver un fondement. Article 1382 du Code civil juste pour avoir une chance supplémentaire. Quel est le fait fautif ? Certainement pas une pub mensongère sur le nucléaire. EDF n’a jamais été condamnée pour pub mensongère. Aucune de ces asso n’a pour mission le contrôle du respect des règles déontologiques de l’ARPP. Aucune asso n’a pour objet social de contrôler la pub en matière d’énergie. Dispositif des écritures : on parle de pub illicite, de mensonges éhontés. Les avis de l’ARPP ne valent ni certificat absolu, ni décharge de responsabilité pour l’annonceur. Aucune des pub en cause ne porte sur l’énergie nucléaire. EDF était partenaire de la COP 21. On ne peut pas lui reprocher de communiquer là dessus. Chaque fois, qu’EDF communiquera sur ses activités, cela voudrait dire que la moindre asso anti-nucléaire serait recevable à attaquer sur cette pub. Quel engagement pris par EDF ? respect d’une charte déontologique non contraignante. EDF y travaille. Elle y a adhéré volontairement. Est-ce que c’est un engagement unilatéral qui génère une obligation de résultat ? non. Les avis du JDP ne sont que des avis. Cités partiellement. Commencent par 5 ou 6 pages de rejet. Parfois ambiguïté, glissement sémantique ... deviennent mensonges éhontés dans les écritures adverses. EDF répond à la convoc du JDP. Rectifie sa pub. EDF respecte l’avis du JDP systématiquement. On a jouté un astérisque, on a essayé de détailler les objectifs d’EDF. EDF partenaire d’un monde bas carbone : EDF a investi beaucoup d’argent et d’énergie pour être partenaire officiel de la COP 21 donc partenaire d’un monde bas carbone. C’était les termes de la COP 21. Aucune obligation de résultat qui résulterait d’un engagement quasi contractuel. Si ça ne marche pas, les écritures adverses se raccrochent à l’article 1382 mais sans caractériser ni le préjudice, ni la faute, ni le lien de causalité. C’est une instrumentalisation des avis du JDP.

L’affaire a été mise en délibéré et le jugement sera rendu le 25/04/17 par mise à disposition au greffe.

[6Compte-rendu de l’audience du 21/11/2019 :

La présidente qui a rapporté l’affaire a paru intéressée mais ce qui semble bloquer pour elle, c’est la notion de « tiers » pour qu’on puisse parler de quasi-contrat. Notre avocat a précisé clairement que la cour devait faire évoluer la jurisprudence et que les engagements d’EDF devant l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) la liaient car les règles de publicité sont par essence destinées au public, aux tiers donc, et que le risque d’ouvrir le prétoire était limité à cause de la précision des engagements d’EDF d’une part, d’autre part de la spécialité de l’objet social des associations qui constitue un garde-fou.

Délibéré au 23 janvier 2019

EDF n’est pas le « Partenaire d’un monde bas carbone » !

Dans le contexte de la prochaine conférence mondiale sur le climat qui se tiendra à Paris fin 2015 (COP21), EDF tente de se présenter comme un acteur vertueux, en pointe dans la lutte contre le changement climatique.

Alors qu’elle exploite 16 centrales à charbon dans le monde et représente la 19ème entreprise mondiale la plus émettrice de gaz à effet de serre, EDF se targue d’agir « partout où [elle] est présente » pour une électricité « décarbonée ». Comment ne pas être scandalisé par cette affirmation, quand on sait que les émissions mondiales d’EDF représentent 80 millions de tonnes de CO2 par an [1] ?

EDF ment : son électricité n’est pas « à 98 % sans CO2 » !

EDF met en exergue un prétendu bilan de « 98% d’électricité produite en France sans CO2 ». Rien n’indique quel calcul a permis d’obtenir ce chiffre, mis en avant pour présenter comme vertueux le mix électrique français.

Personne n’est dupe : sous couvert de protection du climat, il s’agit avant tout d’une promotion du nucléaire, qui représentait en 2013 85% de la production d’électricité du groupe en France. EDF a déjà tenté, notamment dans sa publicité « EDF en Alsace : Ancrer dans son territoire », de vanter une production d’électricité nucléaire prétendument « 100% sans CO2 ». Or le Jury de Déontologie Publicitaire a récemment jugé qu’une telle affirmation était « susceptible d’induire en erreur le public sur la réalité écologique des actions d’EDF ».

En effet, EDF se focalise uniquement sur les émissions des centrales ; ce faisant, elle « oublie » de comptabiliser les quantités non négligeables de gaz à effet de serre émises lors des différentes étapes nécessaires au fonctionnement de l’industrie nucléaire, en amont et en aval (extraction de l’uranium, fabrication du combustible [2], opérations de traitement des déchets, etc.). Aucune étude, même celles réalisées par l’AIEA, n’attribue des émissions de CO2 nulles au nucléaire. Selon une synthèse de 103 études portant sur ce sujet, on peut retenir une estimation médiane de 66g de CO2/kWh, certains calculs évoquant même 288g de CO2/kWh [3].

Enfin, cette focalisation sur les seules émissions de CO2 occulte totalement les autres problèmes environnementaux entraînés par le recours au nucléaire, qu’il s’agisse des retombées des accidents nucléaires, de la pollution des mines d’uranium ou de l’accumulation de déchets ingérables.

Il est inacceptable que le 1er producteur mondial d’électricité se serve de la COP21 pour promouvoir le nucléaire. Le Réseau "Sortir du nucléaire" a donc porté plainte une nouvelle fois devant le Jury de Déontologie Publicitaire (voir la plainte, en document joint).

L’audience, qui devait initialement avoir lieu devant le Jury de Déontologie Publicitaire le 6 novembre 2015, a été reportée au 11 décembre, à la demande d’EDF... Ce report tombait à pic pour l’exploitant nucléaire puisque cela lui a permis d’éviter un avis de l’instance en charge de la déontologie de la publicité mettant irrémédiablement en cause sa communication en amont de la COP 21.

Dans son avis publié sur son site Internet le 5 janvier 2016, le JDP énonce que les affirmations « EDF, Partenaire officiel d’un monde bas carbone » et « Aujourd’hui, 98 % de notre électricité produite en France est sans CO2 » sont de nature à induire le public en erreur sur la réalité des actions menées par EDF (voir l’avis, en document joint). Cette publicité d’EDF contrevient donc à plusieurs recommandations Développement Durable de l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité. Le JDP enfonce ainsi le clou quant à la propagande trompeuse d’EDF, une mise en cause qui avait déjà commencé avec un avis du JDP, publié le 14 octobre 2015, reconnaissant comme partiellement fondée la plainte déposée par l’association FNE contre la publicité "EDF, partenaire officiel d’un monde bas carbone" parue dans le journal Les Echos [4] et un autre avis du JDP du 20 juillet 2015 concernant une publicité d’EDF en Alsace vantant les mérites d’une électricité produite "100% sans émission de CO2".

Fort de ces avis, le Réseau "Sortir du nucléaire" a alors assigné EDF en responsabilité civile devant le Tribunal de grande instance de Paris (voir l’assignation, en document joint). Entre-temps, EDF a encore été rappelée à l’ordre par le Jury de la Déontologie Publicitaire en octobre 2016.

L’audience devant le TGI de Paris a eu lieu le 28 février 2017 (voir nos conclusions, en document joint) [5]. L’affaire a été mise en délibéré et le jugement a été rendu le 19 décembre 2017.

Le TGI de Paris a débouté les associations de leurs demandes (voir le jugement, en document joint). Il a également rejeté la demande reconventionnelle d’EDF pour procédure abusive. Les associations ont décidé de faire appel (voir les conclusions d’appel, en document joint) [Analyse du jugement rendu par le TGI de Paris le 19/12/17 :

Ce jugement déclare recevable l’action des associations, mais les déboute sur le fond (articles 1371 et 1382 du Code civil).

Pour le TGI, les engagements d’EDF sont contractualisés avec l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP) et les associations sont des tiers à cette contractualisation et ne peuvent donc pas s’en prévaloir.

Tout d’abord, il faut relever que ces éléments ne faisaient pas partie de la défense d’EDF.

En outre, ce raisonnement vaudrait à coup sûr si l’engagement contractuel d’EDF n’était pas public. Or, la Recommandation Développement durable de l’ARPP est certes un support contractuel, mais elle est aussi destinée au grand public puisqu’elle fonde l’engagement des co-contractants envers le public étant donné que la publicité lui est destinée.

De plus, pour le TGI, la demande des associations revient à donner des sanctions aux décisions de l’ARPP, ce qui n’était pas prévu. Pourtant, telle n’est pas l’idée de l’action menée par les associations qui se fonde sur le non-respect des engagements quasi-contractuels d’EDF en matière de publicité.

Enfin, il est à noter que le TGI rejette également les demandes d’EDF pour procédure abusive et au titre de l’art. 700.]]. La cour d’appel de Paris a examiné l’affaire le 21 novembre 2019 [6]. L’affaire a été mise en délibéré et la décision a été rendue le 23 janvier 2020.

La cour d’appel de Paris a finalement confirmé le rejet de notre action au motif que les arguments des associations étaient inopérants. Elle nous déclare tout de même recevables et ne nous a pas condamnés à des frais à verser à la partie adverse.

 

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Thèmes
 Nucléaire et climat  EDF