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Sortir du nucléaire n°68



Février 2016

Vite, des infos !

Article paru dans la revue Sortir du nucléaire n°68 - Février 2016



Rapport : les centrales sont vulnérables aux cyber-attaques

Selon un rapport publié en octobre 2015 par l’institut Chatham House, le risque d’une cyber-attaque aux conséquences graves sur les infrastructures nucléaires civiles augmente, à mesure que les installations deviennent plus dépendantes de systèmes numériques et utilisent de plus en plus des logiciels du commerce. D’après le rapport, le personnel des centrales nucléaires peut ne pas réaliser l’étendue de la vulnérabilité des installations à des attaques numériques et donc ne pas être adéquatement préparé à réagir à de telles attaques. Par manque de formation, combiné à une circulation insuffisante d’informations entre ingénieurs et personnel de sécurité, le personnel manque souvent d’une connaissance claire de procédures cruciales de cyber-sécurité.

L’idée répandue selon laquelle toutes les installations nucléaires seraient totalement coupées d’internet et donc à l’abri des attaques est un mythe, selon Chatham House, tandis que des moteurs de recherche spécialisés peuvent aisément identifier des éléments critiques d’infrastructure connectés à internet. Et même lorsque les installations sont effectivement isolées du réseau, ce garde-fou peut être franchi à l’aide d’une simple clé USB ou autre lecteur de disque portable. Des vulnérabilités peuvent être exploitées en amont, en compromettant des éléments au stade de leur fabrication, avant leur arrivée sur le site nucléaire. On apprenait par ailleurs début 2015 que Tepco, l’opérateur de la centrale accidentée de Fukushima, avait prévu d’économiser 30 millions de dollars en reportant à 2018 la mise à jour de 48 000 PC qui tournaient toujours sous le système d’exploitation Windows XP... dont Microsoft a définitivement cessé toute mise à jour et tout support technique en 2014.

Sources : Chatham House, "Cyber Security at Civil Nuclear Facilities : Understanding the Risks" ; AFP-JIJI

Nucléaire et risque terroriste au Japon

À la suite des attentats de Paris en novembre, des journalistes ont questionné Shunichi Tanaka, le président de l’autorité de sûreté nucléaire japonaise (la NRA), sur la vulnérabilité des installations nucléaires nippones face au risque terroriste. Tanaka a indiqué que la NRA allait "renforcer les mesures de sécurité en demandant la coopération des organisations pertinentes comme la police."

La NRA accorde cinq ans aux exploitants pour mettre en place les modifications de sûreté prévues par les nouvelles règles qu’elle a édictée en juillet 2013. Pendant ce temps, Daech a indiqué dans son journal numérique anglophone Dabiq : "l’État islamique a averti la nation païenne du Japon qu’elle mettrait en danger la vie des citoyens japonais en apportant son soutien à la croisade américaine [contre Daech]. Avant l’engagement de Shinzo Abe [le premier ministre] à soutenir cette croisade, le Japon ne figurait pas sur la liste des priorités visées par l’État islamique."

Selon un rapport de 2015 de l’Agence de Police Nationale du Japon, des unités de sécurité spéciales armées de mitraillettes, de fusils et équipées de véhicules blindés armés ont été déployées pour garder les installations nucléaires. Le Japan Times relève qu’il existe 1900 agents de ce type à l’échelle de tout le pays, et que le nombre réellement affecté à la surveillance des quelque 16 centrales nucléaires qui pourraient être redémarrées (seule celle de Sendai l’a été pour l’instant). Dans un câble diplomatique de février 2007 fuité sur Wikileaks, les États-Unis s’inquiétaient que "la police nationale armée est présente sur certains sites nucléaires ... au Japon, mais elle ne surveille pas toutes les installations, et la loi interdit aux agents de sécurité civils d’être armés."

Source : Japan Times, 20/12/2015

L’électricité nucléaire d’EDF ne trouve plus preneur

Dans le n° 66 d’août, j’annonçais la dégringolade des ventes de l’électricité nucléaire d’EDF à ses concurrents fournisseurs, à un tarif soi-disant compétitif, le tarif Arenh (Accès régulé à l’électricité nucléaire historique). On sait maintenant que cette mévente a entrainé pour EDF un manque à gagner de près de 600 millions d’euros, entre janvier et septembre 2015. En effet, le groupe vend son électricité 38 euros le mégawattheure, ce qui est très en dessous de son prix de revient affiché à 55 euros. Plus préoccupant, depuis le 1er janvier 2016, aucune vente d’électricité nucléaire n’a été faite à ce tarif Arenh, l’électricité étant moins chère sur les marchés de gros, où le prix est cette année autour de 36 € le mégawattheure, alors que le tarif Arenh est toujours à 42 euros.

Jean-Louis Gaby Source : Les Echos, 06/12/2015

EDF exclu du CAC 40

Entrée en Bourse en novembre 2005, son action était alors cotée à 32 euros, et en décembre 2015 elle ne valait plus que 13 euros, aussi cela a été un élément décidant le conseil scientifique des indices à exclure EDF du CAC 40 le 21 décembre dernier. Avec ses 160 000 salariés, ses 72,9 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2014, l’avenir est sombre pour ce groupe très endetté (37,5 milliards d’euros fin juin 2015), car il est prévu dans les quinze ans à venir d’investir dans le rafistolage de ses réacteurs (50 milliards d’euros sur dix ans), alors que son électricité nucléaire est déjà trop chère par rapport au marché.

Jean-Louis Gaby Source : Le Monde, 07/12/2015

Industrie nucléaire : ses actionnaires-salariés se rebiffent

Mi-novembre, le site Boursier.com dévoilait que des salariés-actionnaires d’EDF s’inquiètent de ’impact du projet d’EDF de construire deux réacteurs EPR à Hinkley Point en Grande-Bretagne, et ce malgré le contrat scandaleux passé avec le Royaume-Uni, dont l’État a accepté de garantir à EDF sur une durée de 35 ans un prix de vente de l’électricité déjà beaucoup plus élevé que le prix du marché. Selon Boursier.com, EDF Actionnariat Salarié a demandé au groupe d’abandonner le projet, "dont les risques financiers sont trop importants" et qui "pourrait menacer la survie d’EDF". L’association se positionne alors que le groupe n’a pas encore pris la décision finale d’investissement, même si plusieurs jalons importants ont été posés, notamment concernant la sécurisation des tarifs avec le gouvernement britannique et l’appui du chinois CGN, qui doit entrer au capital du projet.

Quelques jours plus tard, ce sont 200 salariés d’Areva qui ont porté plainte contre X pour "délit de fausse information", estimant avoir été incités en 2013 à acquérir des actions par la direction qui leur aurait alors "volontairement caché" les graves difficultés financières du groupe. Après une perte record de 4,8 milliards d’euros en 2014, Areva avait annoncé en avril un plan de restructuration, qui prévoit d’ici à 2017 quelque 6 000 suppressions d’emplois dans le monde, dont 3 000 à 4 000 en France. Le "plan de sauvetage" mis sur pied avec l’État suppose le rachat de la branche réacteurs d’Areva par EDF.

Nombre des salariés, préretraités et retraités des sociétés du groupe Areva, ont investi au total 29 millions d’euros en 2013 dans un fonds commun de placement d’entreprise pour acquérir des actions Areva à des conditions privilégiées, et ont perdu "pratiquement la moitié de leur mise", selon la CFE-CGC. Près de 15 000 salariés sont potentiellement concernés, dont presque 12 000 en France. L’ex-PDG d’Areva, Anne Lauvergeon, porte une responsabilité de premier ordre dans la situation financière catastrophique d’Areva, entre autres avec l’emblématique scandale UraMin qui a entraîné pour le groupe la perte sèche de 1,8 milliards d’euros. Mais pour elle, tout va bien : elle a pris la tête du conseil d’administration du fabricant de chaudières thermodynamiques bootsHEAT "pour l’aider à accélérer son développement industriel et commercial", après avoir été nommée en avril 2014 présidente du conseil d’administration de la société toulousaine Sigfox, spécialisée dans les technologies permettant aux machines de dialoguer entre elles via internet.

Sources : boursier.com, boursorama.com, AFP

Craignant les résultats, la NRC met fin à sa propre étude épidémiologique

L’autorité de sûreté nucléaire étatsunienne (la NRC, Nuclear Regulatory Commission) a brutalement mis fin à une étude épidémiologique qu’elle avait elle-même commanditée à l’Académie Nationale des Sciences des États-Unis (la NAS). Celle-ci était censée déterminer si les taux de cancers à proximité des centrales nucléaires sont plus élevés qu’ailleurs.

Comme le note Michael Mariotte de l’association antinucléaire étatsunienne NIRS, cela, on le sait déjà, notamment grâce à la vaste étude épidémiologique commanditée par le gouvernement allemand (l’étude dite "KiKK", publiée en 2008), qui a mis en évidence, notamment, jusqu’à 117 % d’augmentation des leucémies infantiles dans un rayon de 5km autour des centrales allemandes. La première des trois phases de l’étude lancée par la NRC a été achevée. Il est permis de penser que les résultats préliminaires sont déjà suffisamment probants pour que la NRC juge plus prudent pour la santé de l’industrie nucléaire US de risquer une mauvaise publicité maintenant en "tuant" l’étude encore dans l’oeuf, plutôt que de la mener à son terme...

Ce soupçon ne peut être que renforcé par les explications ridicules avancées par la NRC pour justifier cette décision. L’étude serait "trop chère" et prendrait "trop longtemps" à mener. Trop chère ? La phase 2, qui en analysant en détail la situation autour de sept réacteurs différents, aurait déjà pu livrer des résultats des plus instructifs, n’aurait coûté que 8 millions de dollars. La phase 3, élargie aux quelque 50 sites restants, aurait coûté environ 60 millions de dollars étalés sur 8 à 10 ans, soit 6 millions par an pour une agence dont le budget annuel est de 1 milliards de dollars...

Trop longue ? Comment trouver excuse plus ridicule ? Les études épidémiologiques suivent parfois la même cohorte de personnes (souvent des travailleurs exposés à des contaminants) pendant des dizaines d’années. Une étude nécessitant 8 ans est donc loin d’être l’extrême en la matière. Et voilà 25 ans que la NRC a financé sa dernière étude épidémiologique, "déficiente jusqu’à l’hystérie" note Mariotte.

Source : Nuclear Monitor n°811, 09/2015

Centrale de Tchernobyl : communiqué surréaliste en vue des 30 ans de la catastrophe

C’est une entreprise ukrainienne d’État qui gère ce qu’il reste de la centrale de Tchernobyl (et donc toutes les opérations liées au réacteur 4 accidenté, aux sarcophages ancien et nouveau, aux réacteurs arrêtés 1, 2 et 3). Elle a publié fin octobre une "Adresse de la centrale de Tchernobyl aux services relations presse des médias de masse".

On y lit ainsi que "La haute qualité avec laquelle l’entreprise relève tous ses défis permet à la Centrale de Tchernobyl de se fixer un nouvel objectif, à savoir : transformer l’opinion publique à propos de la Centrale de Tchernobyl, pour passer de l’image de l’entreprise où s’est produite la catastrophe nucléaire à une image d’une entreprise moderne, à la pointe, travaillant pour accumuler de l’expérience dans la gestion des matériaux radioactifs, créant une base d’opérations efficaces pour l’élimination des radiations et de l’accident nucléaire."

Explicitement en vue de la 30e année de la catastrophe en 2016, l’entreprise enfonce le clou du surréalisme soviétique façon Pravda : "Nous voudrions demander aux médias de masse de prendre en considération, lorsque vous préparerez vos informations sur la Centrale de Tchernobyl, le fait que l’entreprise veut corriger l’attitude de la communauté internationale à l’égard de la Centrale de Tchernobyl, et faire évoluer cette attitude de négative (en tant qu’entreprise [sic] où un accident nucléaire majeur s’est produit) à positive (en tant qu’entreprise avancée et "science-based" [fondant son activité sur la science, NDLR] qui partage avec le monde entier l’expertise unique qu’elle a accumulée)."

Source : SSE ChNPP / Chernobyl NPP, 22/10/2015

L’Allemagne sort de la fission... mais poursuit des recherches sur la fusion

L’Allemagne a arrêté neuf de ses 17 réacteurs nucléaires à fission et fermera les huit autres d’ici 2022 mais abandonne-t-elle vraiment le nucléaire ?

Au nord de l’Allemagne, à l’institut Max Planck de Greifswald, la construction d’une grosse machine commencée au début des années 2000 se termine, les premiers essais viennent d’être effectués. Le premier plasma d’hélium formé dans la machine de 16 mètres de large s’est maintenu un dixième de seconde et a atteint une température d’environ un million de degrés.

Appelée Wendelstein 7-X, cette machine doit permettre la réalisation d’expériences de fusion entre du deutérium et du tritium. Ces deux gaz, sous l’action de compression provoquée par des aimants extrêmement puissants, seraient transformés en plasma, porté à des températures comparables à celles à l’intérieur du soleil. Ils devraient alors fusionner en libérant beaucoup d’énergie mais aussi un rayonnement neutronique risquant de produire des déchets radioactifs.

Les premiers essais sur les comportement des plasmas seraient conduit avec un mélange hydrogène-deutérium de façon à limiter le flux neutronique et la production de déchets radioactifs. Le coût de cette machine dépasse le milliard d’euros, financé à 80 % par l’Allemagne et 20 % par des fonds européens.

Ce projet est complémentaire et/ou concurrent avec l’ITER de Cadarache (budget supérieur à 10 milliards). Poursuivre ces grand chantiers inutiles et imposés, cela revient à priver les énergies renouvelables de financements indispensables à leur développement.

Remplacer le nucléaire de fission par le nucléaire de fusion ne va pas supprimer les risques d’accidents nucléaires, ni la productions de déchets radioactifs même si à priori leurs volumes et dangerosité seraient plus faibles.

Martial Château

Rapport : les centrales sont vulnérables aux cyber-attaques

Selon un rapport publié en octobre 2015 par l’institut Chatham House, le risque d’une cyber-attaque aux conséquences graves sur les infrastructures nucléaires civiles augmente, à mesure que les installations deviennent plus dépendantes de systèmes numériques et utilisent de plus en plus des logiciels du commerce. D’après le rapport, le personnel des centrales nucléaires peut ne pas réaliser l’étendue de la vulnérabilité des installations à des attaques numériques et donc ne pas être adéquatement préparé à réagir à de telles attaques. Par manque de formation, combiné à une circulation insuffisante d’informations entre ingénieurs et personnel de sécurité, le personnel manque souvent d’une connaissance claire de procédures cruciales de cyber-sécurité.

L’idée répandue selon laquelle toutes les installations nucléaires seraient totalement coupées d’internet et donc à l’abri des attaques est un mythe, selon Chatham House, tandis que des moteurs de recherche spécialisés peuvent aisément identifier des éléments critiques d’infrastructure connectés à internet. Et même lorsque les installations sont effectivement isolées du réseau, ce garde-fou peut être franchi à l’aide d’une simple clé USB ou autre lecteur de disque portable. Des vulnérabilités peuvent être exploitées en amont, en compromettant des éléments au stade de leur fabrication, avant leur arrivée sur le site nucléaire. On apprenait par ailleurs début 2015 que Tepco, l’opérateur de la centrale accidentée de Fukushima, avait prévu d’économiser 30 millions de dollars en reportant à 2018 la mise à jour de 48 000 PC qui tournaient toujours sous le système d’exploitation Windows XP... dont Microsoft a définitivement cessé toute mise à jour et tout support technique en 2014.

Sources : Chatham House, "Cyber Security at Civil Nuclear Facilities : Understanding the Risks" ; AFP-JIJI

Nucléaire et risque terroriste au Japon

À la suite des attentats de Paris en novembre, des journalistes ont questionné Shunichi Tanaka, le président de l’autorité de sûreté nucléaire japonaise (la NRA), sur la vulnérabilité des installations nucléaires nippones face au risque terroriste. Tanaka a indiqué que la NRA allait "renforcer les mesures de sécurité en demandant la coopération des organisations pertinentes comme la police."

La NRA accorde cinq ans aux exploitants pour mettre en place les modifications de sûreté prévues par les nouvelles règles qu’elle a édictée en juillet 2013. Pendant ce temps, Daech a indiqué dans son journal numérique anglophone Dabiq : "l’État islamique a averti la nation païenne du Japon qu’elle mettrait en danger la vie des citoyens japonais en apportant son soutien à la croisade américaine [contre Daech]. Avant l’engagement de Shinzo Abe [le premier ministre] à soutenir cette croisade, le Japon ne figurait pas sur la liste des priorités visées par l’État islamique."

Selon un rapport de 2015 de l’Agence de Police Nationale du Japon, des unités de sécurité spéciales armées de mitraillettes, de fusils et équipées de véhicules blindés armés ont été déployées pour garder les installations nucléaires. Le Japan Times relève qu’il existe 1900 agents de ce type à l’échelle de tout le pays, et que le nombre réellement affecté à la surveillance des quelque 16 centrales nucléaires qui pourraient être redémarrées (seule celle de Sendai l’a été pour l’instant). Dans un câble diplomatique de février 2007 fuité sur Wikileaks, les États-Unis s’inquiétaient que "la police nationale armée est présente sur certains sites nucléaires ... au Japon, mais elle ne surveille pas toutes les installations, et la loi interdit aux agents de sécurité civils d’être armés."

Source : Japan Times, 20/12/2015

L’électricité nucléaire d’EDF ne trouve plus preneur

Dans le n° 66 d’août, j’annonçais la dégringolade des ventes de l’électricité nucléaire d’EDF à ses concurrents fournisseurs, à un tarif soi-disant compétitif, le tarif Arenh (Accès régulé à l’électricité nucléaire historique). On sait maintenant que cette mévente a entrainé pour EDF un manque à gagner de près de 600 millions d’euros, entre janvier et septembre 2015. En effet, le groupe vend son électricité 38 euros le mégawattheure, ce qui est très en dessous de son prix de revient affiché à 55 euros. Plus préoccupant, depuis le 1er janvier 2016, aucune vente d’électricité nucléaire n’a été faite à ce tarif Arenh, l’électricité étant moins chère sur les marchés de gros, où le prix est cette année autour de 36 € le mégawattheure, alors que le tarif Arenh est toujours à 42 euros.

Jean-Louis Gaby Source : Les Echos, 06/12/2015

EDF exclu du CAC 40

Entrée en Bourse en novembre 2005, son action était alors cotée à 32 euros, et en décembre 2015 elle ne valait plus que 13 euros, aussi cela a été un élément décidant le conseil scientifique des indices à exclure EDF du CAC 40 le 21 décembre dernier. Avec ses 160 000 salariés, ses 72,9 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2014, l’avenir est sombre pour ce groupe très endetté (37,5 milliards d’euros fin juin 2015), car il est prévu dans les quinze ans à venir d’investir dans le rafistolage de ses réacteurs (50 milliards d’euros sur dix ans), alors que son électricité nucléaire est déjà trop chère par rapport au marché.

Jean-Louis Gaby Source : Le Monde, 07/12/2015

Industrie nucléaire : ses actionnaires-salariés se rebiffent

Mi-novembre, le site Boursier.com dévoilait que des salariés-actionnaires d’EDF s’inquiètent de ’impact du projet d’EDF de construire deux réacteurs EPR à Hinkley Point en Grande-Bretagne, et ce malgré le contrat scandaleux passé avec le Royaume-Uni, dont l’État a accepté de garantir à EDF sur une durée de 35 ans un prix de vente de l’électricité déjà beaucoup plus élevé que le prix du marché. Selon Boursier.com, EDF Actionnariat Salarié a demandé au groupe d’abandonner le projet, "dont les risques financiers sont trop importants" et qui "pourrait menacer la survie d’EDF". L’association se positionne alors que le groupe n’a pas encore pris la décision finale d’investissement, même si plusieurs jalons importants ont été posés, notamment concernant la sécurisation des tarifs avec le gouvernement britannique et l’appui du chinois CGN, qui doit entrer au capital du projet.

Quelques jours plus tard, ce sont 200 salariés d’Areva qui ont porté plainte contre X pour "délit de fausse information", estimant avoir été incités en 2013 à acquérir des actions par la direction qui leur aurait alors "volontairement caché" les graves difficultés financières du groupe. Après une perte record de 4,8 milliards d’euros en 2014, Areva avait annoncé en avril un plan de restructuration, qui prévoit d’ici à 2017 quelque 6 000 suppressions d’emplois dans le monde, dont 3 000 à 4 000 en France. Le "plan de sauvetage" mis sur pied avec l’État suppose le rachat de la branche réacteurs d’Areva par EDF.

Nombre des salariés, préretraités et retraités des sociétés du groupe Areva, ont investi au total 29 millions d’euros en 2013 dans un fonds commun de placement d’entreprise pour acquérir des actions Areva à des conditions privilégiées, et ont perdu "pratiquement la moitié de leur mise", selon la CFE-CGC. Près de 15 000 salariés sont potentiellement concernés, dont presque 12 000 en France. L’ex-PDG d’Areva, Anne Lauvergeon, porte une responsabilité de premier ordre dans la situation financière catastrophique d’Areva, entre autres avec l’emblématique scandale UraMin qui a entraîné pour le groupe la perte sèche de 1,8 milliards d’euros. Mais pour elle, tout va bien : elle a pris la tête du conseil d’administration du fabricant de chaudières thermodynamiques bootsHEAT "pour l’aider à accélérer son développement industriel et commercial", après avoir été nommée en avril 2014 présidente du conseil d’administration de la société toulousaine Sigfox, spécialisée dans les technologies permettant aux machines de dialoguer entre elles via internet.

Sources : boursier.com, boursorama.com, AFP

Craignant les résultats, la NRC met fin à sa propre étude épidémiologique

L’autorité de sûreté nucléaire étatsunienne (la NRC, Nuclear Regulatory Commission) a brutalement mis fin à une étude épidémiologique qu’elle avait elle-même commanditée à l’Académie Nationale des Sciences des États-Unis (la NAS). Celle-ci était censée déterminer si les taux de cancers à proximité des centrales nucléaires sont plus élevés qu’ailleurs.

Comme le note Michael Mariotte de l’association antinucléaire étatsunienne NIRS, cela, on le sait déjà, notamment grâce à la vaste étude épidémiologique commanditée par le gouvernement allemand (l’étude dite "KiKK", publiée en 2008), qui a mis en évidence, notamment, jusqu’à 117 % d’augmentation des leucémies infantiles dans un rayon de 5km autour des centrales allemandes. La première des trois phases de l’étude lancée par la NRC a été achevée. Il est permis de penser que les résultats préliminaires sont déjà suffisamment probants pour que la NRC juge plus prudent pour la santé de l’industrie nucléaire US de risquer une mauvaise publicité maintenant en "tuant" l’étude encore dans l’oeuf, plutôt que de la mener à son terme...

Ce soupçon ne peut être que renforcé par les explications ridicules avancées par la NRC pour justifier cette décision. L’étude serait "trop chère" et prendrait "trop longtemps" à mener. Trop chère ? La phase 2, qui en analysant en détail la situation autour de sept réacteurs différents, aurait déjà pu livrer des résultats des plus instructifs, n’aurait coûté que 8 millions de dollars. La phase 3, élargie aux quelque 50 sites restants, aurait coûté environ 60 millions de dollars étalés sur 8 à 10 ans, soit 6 millions par an pour une agence dont le budget annuel est de 1 milliards de dollars...

Trop longue ? Comment trouver excuse plus ridicule ? Les études épidémiologiques suivent parfois la même cohorte de personnes (souvent des travailleurs exposés à des contaminants) pendant des dizaines d’années. Une étude nécessitant 8 ans est donc loin d’être l’extrême en la matière. Et voilà 25 ans que la NRC a financé sa dernière étude épidémiologique, "déficiente jusqu’à l’hystérie" note Mariotte.

Source : Nuclear Monitor n°811, 09/2015

Centrale de Tchernobyl : communiqué surréaliste en vue des 30 ans de la catastrophe

C’est une entreprise ukrainienne d’État qui gère ce qu’il reste de la centrale de Tchernobyl (et donc toutes les opérations liées au réacteur 4 accidenté, aux sarcophages ancien et nouveau, aux réacteurs arrêtés 1, 2 et 3). Elle a publié fin octobre une "Adresse de la centrale de Tchernobyl aux services relations presse des médias de masse".

On y lit ainsi que "La haute qualité avec laquelle l’entreprise relève tous ses défis permet à la Centrale de Tchernobyl de se fixer un nouvel objectif, à savoir : transformer l’opinion publique à propos de la Centrale de Tchernobyl, pour passer de l’image de l’entreprise où s’est produite la catastrophe nucléaire à une image d’une entreprise moderne, à la pointe, travaillant pour accumuler de l’expérience dans la gestion des matériaux radioactifs, créant une base d’opérations efficaces pour l’élimination des radiations et de l’accident nucléaire."

Explicitement en vue de la 30e année de la catastrophe en 2016, l’entreprise enfonce le clou du surréalisme soviétique façon Pravda : "Nous voudrions demander aux médias de masse de prendre en considération, lorsque vous préparerez vos informations sur la Centrale de Tchernobyl, le fait que l’entreprise veut corriger l’attitude de la communauté internationale à l’égard de la Centrale de Tchernobyl, et faire évoluer cette attitude de négative (en tant qu’entreprise [sic] où un accident nucléaire majeur s’est produit) à positive (en tant qu’entreprise avancée et "science-based" [fondant son activité sur la science, NDLR] qui partage avec le monde entier l’expertise unique qu’elle a accumulée)."

Source : SSE ChNPP / Chernobyl NPP, 22/10/2015

L’Allemagne sort de la fission... mais poursuit des recherches sur la fusion

L’Allemagne a arrêté neuf de ses 17 réacteurs nucléaires à fission et fermera les huit autres d’ici 2022 mais abandonne-t-elle vraiment le nucléaire ?

Au nord de l’Allemagne, à l’institut Max Planck de Greifswald, la construction d’une grosse machine commencée au début des années 2000 se termine, les premiers essais viennent d’être effectués. Le premier plasma d’hélium formé dans la machine de 16 mètres de large s’est maintenu un dixième de seconde et a atteint une température d’environ un million de degrés.

Appelée Wendelstein 7-X, cette machine doit permettre la réalisation d’expériences de fusion entre du deutérium et du tritium. Ces deux gaz, sous l’action de compression provoquée par des aimants extrêmement puissants, seraient transformés en plasma, porté à des températures comparables à celles à l’intérieur du soleil. Ils devraient alors fusionner en libérant beaucoup d’énergie mais aussi un rayonnement neutronique risquant de produire des déchets radioactifs.

Les premiers essais sur les comportement des plasmas seraient conduit avec un mélange hydrogène-deutérium de façon à limiter le flux neutronique et la production de déchets radioactifs. Le coût de cette machine dépasse le milliard d’euros, financé à 80 % par l’Allemagne et 20 % par des fonds européens.

Ce projet est complémentaire et/ou concurrent avec l’ITER de Cadarache (budget supérieur à 10 milliards). Poursuivre ces grand chantiers inutiles et imposés, cela revient à priver les énergies renouvelables de financements indispensables à leur développement.

Remplacer le nucléaire de fission par le nucléaire de fusion ne va pas supprimer les risques d’accidents nucléaires, ni la productions de déchets radioactifs même si à priori leurs volumes et dangerosité seraient plus faibles.

Martial Château



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