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Sortir du nucléaire n°23



Décembre 2003

Référendum

Une décision de grande envergure

Article paru dans la revue Sortir du nucléaire n°23 - Décembre 2003

 Sortie du nucléaire
Article publié le : 1er décembre 2003


Il y a 25 ans, l’Autriche disait NEIN au nucléaire

Douze ans auront séparé les deux guerres du Golfe. Douze ans qui ont vu les Etats-Unis augmenter considérablement leur budget militaire et développer de nouveaux types d’armements de plus en plus sophistiqués et de plus en plus meurtriers.



Quand les Autrichiens ont rejeté dans un référendum, il y a 25 ans, la mise en service de leur première centrale nucléaire de Zwentendorf, déjà chargée de combustibles, la presse internationale a réagi avec incompréhension face à cette décision : à cette époque-là, le mythe d’une énergie nucléaire sûre et inépuisable était incontesté. Le résultat du référendum a surpris même les adversaires du nucléaire qui s’attendaient à un oui net. Le soir du 5 novembre 1978, l’incroyable s’est produit : 50,5 % de non avec une participation de 64 %. Seulement 30.000 votes séparaient adversaires et partisans.

50,5 % de non

Pour mieux comprendre l’affaire, il convient de revenir encore cinq ans en arrière, en 1973. A Zwentendorf, on était en train de démarrer le nouveau réacteur quand les projets de construire une deuxième centrale près de Linz ont filtré. A Linz, il s’est alors formé, sur une large base, une initiative populaire efficace, qui n’a pas tardé à entrer en contact avec les adversaires du nucléaire au Vorarlberg, au Salzbourg et à Vienne, la capitale.
Les contacts et échanges que nous avons eus avec des opposants au nucléaire dans d’autres pays nous ont amenés à ne pas fléchir dans notre résistance. Nos visites dans les centrales de Kaiseraugst (Suisse) et de Wyhl (Allemagne), alors occupées par des opposants au nucléaire, nous ont donné une impulsion pour des actions déterminées. Dans le même temps, les barbelés entourant la centrale de Fessenheim en France donnaient déjà une idée d’un Etat nucléaire contrôlant tout.
Dans ces années-là, plus exactement depuis 1971, l’Autriche était gouvernée par un gouvernement social-démocrate sous le chancelier Kreisky. Les sociaux-démocrates et les syndicats ainsi que, bien entendu, les représentants de l’économie et de l’industrie soutenaient les projets des entreprises électriques en particulier le nucléaire. Le parti populaire (Volkspartei) conservateur était divisé entre son rôle d’opposition d’une part et de parti traditionnel de l’économie de l’autre. Les Libéraux (Freiheitliche Partei) alors insignifiants étaient, dans leur majorité, hostiles au nucléaire. Les églises ne tenaient pas vraiment à prendre position.
Les interventions et manifestations des adversaires du nucléaire, entre-temps rassemblés dans l´“ Initiative des adversaires autrichiens du nucléaire ” (“ Initiative Österreichischer Atomkraftwerksgegner ”) prenaient de l’ampleur et commençaient à déplaire à la politique officielle. Plusieurs milliers de citoyens participèrent à des marches contestataires à Vienne et à Zwentendorf. Comme réponse, le gouvernement fédéral lança une campagne d’information avec des faux débats dans tous les chef-lieux des Länder. Cette campagne destinée à calmer les esprits était généralement étouffée par l’attitude agressive dans l’auditoire, ce qui conduisit à son arrêt précoce.

Ne pas de “se laisser traiter comme ça par une poignée de petits voyous”

Le chancelier Kreisky considérait les adversaires du nucléaire comme des “ groupements terroristes ”, et il défendait l’idée qu’il ne méritait pas de “ se laisser traiter comme ça par une poignée de petits voyous ”. Quand, en mars 1978, un acte de sabotage fit tomber un mât tubulaire de 75 mètres de haut construit, à des fins météorologiques, sur le site de la centrale nucléaire prévue près de Linz, ce fut probablement, aux yeux de Kreisky, la goutte d’eau qui fit déborder le vase. Afin de régler l’affaire une fois pour toutes, il annonça, avec le soutien de tous les partis représentés au parlement, un référendum sur la centrale de Zwentendorf dont la construction avait été terminée entre-temps – ce fut d’ailleurs le premier référendum de la Deuxième République. Kreisky, lui, habitué aux majorités absolues et sûr de remporter la victoire, commit cependant l’erreur de lier le résultat du référendum à sa fonction de chancelier.
En été et en automne 1978, les événements se précipitèrent derrière les coulisses. Des alliances nouvelles et irrationnelles se formèrent, allant jusqu´au point où les adversaires du nucléaire, jusque-là traités quasiment comme des ennemis publics, se transformèrent tout à coup en partenaires présentables et se virent presque courtiser : Ils reçurent de l’espace publicitaire ainsi que des moyens financiers afin de mener leur campagne, mais ils furent également instrumentalisés par divers partis politiques. Après une campagne dominée par les émotions, ce n’étaient pas seulement les adversaires du nucléaire qui votaient “non”, mais également nombre de supporters et d’indécis, qui entendaient jouer un tour au chancelier. C’est la seule façon d’expliquer ce résultat qui était d’une immense importance pour l’Autriche. A la suite, le parlement vota la “loi relative à la non-utilisation du nucléaire” (“Atomsperrgesetz”).
Le chancelier Kreisky ne se retira pas comme annoncé, cependant, six mois plus tard, il perdit la majorité lors des élections parlementaires. Le lobby du nucléaire ne jeta pas l’éponge tout de suite et continua de sans cesse remettre en question le résultat du référendum. En novembre 1980, un référendum d’initiative populaire “En faveur de Zwentendorf” (“Pro Zwentendorf”) rassembla 400.000 signatures. En 1985, une décision parlementaire mit une fin définitive à ce débat sans cesse renouvelé.

Musée pour une technologie désuète

Nombre d’Autrichiens étaient dans l’impossibilité de comprendre qu’un investissement de 600 millions d’euros ne pouvait pas être exploité. S’ensuivirent de vives discussions à propos de la nature de cette exploitation. Au moment de la construction d’une centrale thermique au charbon, on préféra pourtant construire un nouveau bâtiment à quelques kilomètres de distance. Jusqu´en 1988, la centrale fut entretenue, et on vendit les éléments de combustible ainsi que les différentes pièces à des centrales du même type. Des projets d’exploitation comme parc de loisirs ou Disneyland échouèrent. Les bâtiments continuent de sombrer. Dans l’ancienne cantine de la centrale, un restaurant invite les pédaleurs qui suivent la piste cyclable qui longe le Danube à faire escale. En réalité, nous avons affaire à un “Musée pour une technologie désuète”.
La catastrophe de Tchernobyl en avril 1986 mit une fin définitive à la discussion sur le nucléaire en Autriche. Depuis cette époque-là, tous les sondages ont révélé que la majorité de la population rejette l’exploitation du nucléaire, ce qui nous confère également une légitimité dans notre combat contre les centrales nucléaires près des frontières autrichiennes. Et cette tâche nous absorbe complètement.
Le référendum sur Zwentendorf il y a 25 ans a eu des conséquences multiples : De prime abord, il a eu pour conséquence que nous n’avions pas à nous creuser la tête sur des questions comme les déchets nucléaires. Puis, il a rendu nos hommes politiques plus sensibles et prudents à l’égard de tout ce qui a trait au nucléaire, même si c’était parfois quelque peu contre leur gré. Ainsi, ils sont également devenus plus ouverts à une politique de l’énergie durable. La loi sur la non-utilisation du nucléaire (Atomsperrgesetz) de 1978 a connu une confirmation réitérée, les transports de déchets nucléaires à travers l’Autriche ont été interdits, une loi (Atomhaftungsgesetz) datant de l’année 1999 règle les problèmes de responsabilité.

Friedrich Witzany
Né en 1940, Friedrich Witzany, ingénieur agronome, vit dans la région de Linz en Autriche. Il est membre du conseil d´administration du Réseau contre le danger nucléaire (Plattform gegen Atomgefahr).
Adresse postale du Réseau : Plattform gegen Atomgefahr, Landstr. 31, A-4020 Linz (www.atomstopp.at ; mail : post@atomstopp.at). Activiste antinucléaire et protecteur de l´environnement depuis 1974, il s´engage actuellement dans la résistance contre la centrale nucléaire tchèque de Temelín

Quand les Autrichiens ont rejeté dans un référendum, il y a 25 ans, la mise en service de leur première centrale nucléaire de Zwentendorf, déjà chargée de combustibles, la presse internationale a réagi avec incompréhension face à cette décision : à cette époque-là, le mythe d’une énergie nucléaire sûre et inépuisable était incontesté. Le résultat du référendum a surpris même les adversaires du nucléaire qui s’attendaient à un oui net. Le soir du 5 novembre 1978, l’incroyable s’est produit : 50,5 % de non avec une participation de 64 %. Seulement 30.000 votes séparaient adversaires et partisans.

50,5 % de non

Pour mieux comprendre l’affaire, il convient de revenir encore cinq ans en arrière, en 1973. A Zwentendorf, on était en train de démarrer le nouveau réacteur quand les projets de construire une deuxième centrale près de Linz ont filtré. A Linz, il s’est alors formé, sur une large base, une initiative populaire efficace, qui n’a pas tardé à entrer en contact avec les adversaires du nucléaire au Vorarlberg, au Salzbourg et à Vienne, la capitale.
Les contacts et échanges que nous avons eus avec des opposants au nucléaire dans d’autres pays nous ont amenés à ne pas fléchir dans notre résistance. Nos visites dans les centrales de Kaiseraugst (Suisse) et de Wyhl (Allemagne), alors occupées par des opposants au nucléaire, nous ont donné une impulsion pour des actions déterminées. Dans le même temps, les barbelés entourant la centrale de Fessenheim en France donnaient déjà une idée d’un Etat nucléaire contrôlant tout.
Dans ces années-là, plus exactement depuis 1971, l’Autriche était gouvernée par un gouvernement social-démocrate sous le chancelier Kreisky. Les sociaux-démocrates et les syndicats ainsi que, bien entendu, les représentants de l’économie et de l’industrie soutenaient les projets des entreprises électriques en particulier le nucléaire. Le parti populaire (Volkspartei) conservateur était divisé entre son rôle d’opposition d’une part et de parti traditionnel de l’économie de l’autre. Les Libéraux (Freiheitliche Partei) alors insignifiants étaient, dans leur majorité, hostiles au nucléaire. Les églises ne tenaient pas vraiment à prendre position.
Les interventions et manifestations des adversaires du nucléaire, entre-temps rassemblés dans l´“ Initiative des adversaires autrichiens du nucléaire ” (“ Initiative Österreichischer Atomkraftwerksgegner ”) prenaient de l’ampleur et commençaient à déplaire à la politique officielle. Plusieurs milliers de citoyens participèrent à des marches contestataires à Vienne et à Zwentendorf. Comme réponse, le gouvernement fédéral lança une campagne d’information avec des faux débats dans tous les chef-lieux des Länder. Cette campagne destinée à calmer les esprits était généralement étouffée par l’attitude agressive dans l’auditoire, ce qui conduisit à son arrêt précoce.

Ne pas de “se laisser traiter comme ça par une poignée de petits voyous”

Le chancelier Kreisky considérait les adversaires du nucléaire comme des “ groupements terroristes ”, et il défendait l’idée qu’il ne méritait pas de “ se laisser traiter comme ça par une poignée de petits voyous ”. Quand, en mars 1978, un acte de sabotage fit tomber un mât tubulaire de 75 mètres de haut construit, à des fins météorologiques, sur le site de la centrale nucléaire prévue près de Linz, ce fut probablement, aux yeux de Kreisky, la goutte d’eau qui fit déborder le vase. Afin de régler l’affaire une fois pour toutes, il annonça, avec le soutien de tous les partis représentés au parlement, un référendum sur la centrale de Zwentendorf dont la construction avait été terminée entre-temps – ce fut d’ailleurs le premier référendum de la Deuxième République. Kreisky, lui, habitué aux majorités absolues et sûr de remporter la victoire, commit cependant l’erreur de lier le résultat du référendum à sa fonction de chancelier.
En été et en automne 1978, les événements se précipitèrent derrière les coulisses. Des alliances nouvelles et irrationnelles se formèrent, allant jusqu´au point où les adversaires du nucléaire, jusque-là traités quasiment comme des ennemis publics, se transformèrent tout à coup en partenaires présentables et se virent presque courtiser : Ils reçurent de l’espace publicitaire ainsi que des moyens financiers afin de mener leur campagne, mais ils furent également instrumentalisés par divers partis politiques. Après une campagne dominée par les émotions, ce n’étaient pas seulement les adversaires du nucléaire qui votaient “non”, mais également nombre de supporters et d’indécis, qui entendaient jouer un tour au chancelier. C’est la seule façon d’expliquer ce résultat qui était d’une immense importance pour l’Autriche. A la suite, le parlement vota la “loi relative à la non-utilisation du nucléaire” (“Atomsperrgesetz”).
Le chancelier Kreisky ne se retira pas comme annoncé, cependant, six mois plus tard, il perdit la majorité lors des élections parlementaires. Le lobby du nucléaire ne jeta pas l’éponge tout de suite et continua de sans cesse remettre en question le résultat du référendum. En novembre 1980, un référendum d’initiative populaire “En faveur de Zwentendorf” (“Pro Zwentendorf”) rassembla 400.000 signatures. En 1985, une décision parlementaire mit une fin définitive à ce débat sans cesse renouvelé.

Musée pour une technologie désuète

Nombre d’Autrichiens étaient dans l’impossibilité de comprendre qu’un investissement de 600 millions d’euros ne pouvait pas être exploité. S’ensuivirent de vives discussions à propos de la nature de cette exploitation. Au moment de la construction d’une centrale thermique au charbon, on préféra pourtant construire un nouveau bâtiment à quelques kilomètres de distance. Jusqu´en 1988, la centrale fut entretenue, et on vendit les éléments de combustible ainsi que les différentes pièces à des centrales du même type. Des projets d’exploitation comme parc de loisirs ou Disneyland échouèrent. Les bâtiments continuent de sombrer. Dans l’ancienne cantine de la centrale, un restaurant invite les pédaleurs qui suivent la piste cyclable qui longe le Danube à faire escale. En réalité, nous avons affaire à un “Musée pour une technologie désuète”.
La catastrophe de Tchernobyl en avril 1986 mit une fin définitive à la discussion sur le nucléaire en Autriche. Depuis cette époque-là, tous les sondages ont révélé que la majorité de la population rejette l’exploitation du nucléaire, ce qui nous confère également une légitimité dans notre combat contre les centrales nucléaires près des frontières autrichiennes. Et cette tâche nous absorbe complètement.
Le référendum sur Zwentendorf il y a 25 ans a eu des conséquences multiples : De prime abord, il a eu pour conséquence que nous n’avions pas à nous creuser la tête sur des questions comme les déchets nucléaires. Puis, il a rendu nos hommes politiques plus sensibles et prudents à l’égard de tout ce qui a trait au nucléaire, même si c’était parfois quelque peu contre leur gré. Ainsi, ils sont également devenus plus ouverts à une politique de l’énergie durable. La loi sur la non-utilisation du nucléaire (Atomsperrgesetz) de 1978 a connu une confirmation réitérée, les transports de déchets nucléaires à travers l’Autriche ont été interdits, une loi (Atomhaftungsgesetz) datant de l’année 1999 règle les problèmes de responsabilité.

Friedrich Witzany
Né en 1940, Friedrich Witzany, ingénieur agronome, vit dans la région de Linz en Autriche. Il est membre du conseil d´administration du Réseau contre le danger nucléaire (Plattform gegen Atomgefahr).
Adresse postale du Réseau : Plattform gegen Atomgefahr, Landstr. 31, A-4020 Linz (www.atomstopp.at ; mail : post@atomstopp.at). Activiste antinucléaire et protecteur de l´environnement depuis 1974, il s´engage actuellement dans la résistance contre la centrale nucléaire tchèque de Temelín



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