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Sortir du nucléaire n°29



Décembre 2005

Débat

Un débat publique, pour quoi faire ?

Article paru dans la revue Sortir du nucléaire n°29 - Décembre 2005

 Nucléaire et démocratie  Déchets radioactifs
Article publié le : 1er décembre 2005


Depuis la loi Barnier de 1995, les grands projets publics (autoroute, aéroport…) font l’objet de débats publics organisés par la Commission nationale du débat public (CNDP). L’objectif affiché par la loi est de permettre l’information et l’expression la plus large possible de toutes les parties concernées (maître d’ouvrage, pouvoirs publics, élus, associations, experts, riverains, grand public, etc.) pendant la phase d’élaboration d’un projet, avant que les principales caractéristiques n’en soient fixées. C’est-à-dire, soit disant, à un moment où il est encore possible de modifier, voire d’abandonner le projet alors que, le plus souvent, les décisions sont déjà prises.



Le débat public sur les déchets radioactifs laisse Cherbourg de marbre

“Le nucléaire ?

Un sujet tabou chez nous”

Les Normands du Cotentin étaient invités par la Commission nationale du débat public à donner leur avis sur la gestion des déchets radioactifs. Un projet de loi doit être présenté au Parlement début 2006. Le public a boudé. Dans la presqu’île nucléaire en déconfiture économique, “le sujet est de plus en plus tabou”.

“Parler de quoi ?

Des déchets radioactifs ?”

Dans un mouvement giratoire à 180°, le patron du "Carpe Diem", à Cherbourg, disparaît au fond de son bistrot. “Ici, c’est un sujet tabou. Plus la situation économique locale se dégrade, plus nous, population du coin, nous avons tendance à nous replier sur l’unique industrie qui nous fait vivre.”. Il a baissé la voix pour s’exprimer et n’en dira pas plus.

“On ne peut pas donner son avis comme ça en public”, confirme Christine. Elle ne veut, ni donner son nom, ni être prise en photo. “Je vends des légumes sur le marché, faut pas fâcher la clientèle.” Elle a bien un avis sur le sujet. “Mais, ça sert à quoi de le donner. Vous savez, que l’on chante haut ou que l’on chante bas, ils font ce qu’ils veulent.” Questionnée dans la rue, une salariée de la Cogema est prise de fou rire. “Vous voulez que je me fasse virer ?” En aparté, elle lâche à sa voisine. “C’est vrai que les déchets, c’est un vrai problème pour les générations futures.”

À l’heure du déjeuner, Xavier, Gwenaëlle, Emma et Vincent sont plus loquaces. “C’est quelque chose que l’on comprend mal. Et puis, on n’a pas le temps de s’informer. Faut dire que ça ne nous intéresse pas vraiment”, souligne Xavier. Lui, il a préféré “regarder le match Caen-Sedan”. Les quatre jeunes Normands sont “conscients que le nucléaire ce n’est pas une activité banale, mais du moment que c’est bien géré. Et puis sans lui, ici, il n’y a plus de boulot, alors...” Alors, comme leurs aînés, ils préfèrent “se taire et fermer les yeux”.

Débat ficelé d’avance

Lundi soir, ils sont donc restés à la maison. Tous tiennent à préciser qu’ils n’étaient pas antinucléaires, comme s’ils évoquaient une maladie honteuse. Ils ont boudé un débat “ficelé d’avance”. Sur ce point, ils rejoignent l’avis des écologistes. Une poignée d’entre eux était venue distribuer des tracts devant les portes de l’IUT où deux cents personnes garnissaient l’amphi. Toutefois, ce public attentif n’était guère représentatif. Décompte fait des membres d’Aréva-Cogema, du CEA, d’EDF, de l’Andra, du ministère de l’Industrie et de l’Autorité de sûreté nucléaire, les Candides étaient rares.

Une femme, “fille et épouse d’agriculteur de la Hague”, s’inquiète-t-elle des risques de prolifération de l’arme atomique ? On lui explique doctement qu’il ne faut pas confondre plutonium civil et militaire. “Il demeure quand même dangereux”, souligne Benjamin Dessus de l’association “Global chance”. “Il suffit d’en ingérer 20 microgrammes pour déclarer un cancer du poumon.” L’assistance ne bronche pas. Ce genre d’argument ne l’émeut plus depuis longtemps. Quelqu’un fait remarquer que des terroristes peuvent faire plus de dégâts avec du nitrate récupéré chez les agriculteurs. La femme de paysan apprécie.

Après trois heures et demie d’échanges entre initiés, que retient-on ? “Qu’il faut faire confiance à la science et la recherche” pour trouver des solutions aux problèmes aujourd’hui insolubles. Comme dans un show télévisé, la soirée s’était achevée sur une dynamique musique. Le refrain "Tout va très bien Madame la marquise" aurait mieux convenu.

Jean-Pierre Buisson

Article paru dans Ouest France le 23 septembre 2005

Le débat public sur les déchets radioactifs laisse Cherbourg de marbre

“Le nucléaire ?

Un sujet tabou chez nous”

Les Normands du Cotentin étaient invités par la Commission nationale du débat public à donner leur avis sur la gestion des déchets radioactifs. Un projet de loi doit être présenté au Parlement début 2006. Le public a boudé. Dans la presqu’île nucléaire en déconfiture économique, “le sujet est de plus en plus tabou”.

“Parler de quoi ?

Des déchets radioactifs ?”

Dans un mouvement giratoire à 180°, le patron du "Carpe Diem", à Cherbourg, disparaît au fond de son bistrot. “Ici, c’est un sujet tabou. Plus la situation économique locale se dégrade, plus nous, population du coin, nous avons tendance à nous replier sur l’unique industrie qui nous fait vivre.”. Il a baissé la voix pour s’exprimer et n’en dira pas plus.

“On ne peut pas donner son avis comme ça en public”, confirme Christine. Elle ne veut, ni donner son nom, ni être prise en photo. “Je vends des légumes sur le marché, faut pas fâcher la clientèle.” Elle a bien un avis sur le sujet. “Mais, ça sert à quoi de le donner. Vous savez, que l’on chante haut ou que l’on chante bas, ils font ce qu’ils veulent.” Questionnée dans la rue, une salariée de la Cogema est prise de fou rire. “Vous voulez que je me fasse virer ?” En aparté, elle lâche à sa voisine. “C’est vrai que les déchets, c’est un vrai problème pour les générations futures.”

À l’heure du déjeuner, Xavier, Gwenaëlle, Emma et Vincent sont plus loquaces. “C’est quelque chose que l’on comprend mal. Et puis, on n’a pas le temps de s’informer. Faut dire que ça ne nous intéresse pas vraiment”, souligne Xavier. Lui, il a préféré “regarder le match Caen-Sedan”. Les quatre jeunes Normands sont “conscients que le nucléaire ce n’est pas une activité banale, mais du moment que c’est bien géré. Et puis sans lui, ici, il n’y a plus de boulot, alors...” Alors, comme leurs aînés, ils préfèrent “se taire et fermer les yeux”.

Débat ficelé d’avance

Lundi soir, ils sont donc restés à la maison. Tous tiennent à préciser qu’ils n’étaient pas antinucléaires, comme s’ils évoquaient une maladie honteuse. Ils ont boudé un débat “ficelé d’avance”. Sur ce point, ils rejoignent l’avis des écologistes. Une poignée d’entre eux était venue distribuer des tracts devant les portes de l’IUT où deux cents personnes garnissaient l’amphi. Toutefois, ce public attentif n’était guère représentatif. Décompte fait des membres d’Aréva-Cogema, du CEA, d’EDF, de l’Andra, du ministère de l’Industrie et de l’Autorité de sûreté nucléaire, les Candides étaient rares.

Une femme, “fille et épouse d’agriculteur de la Hague”, s’inquiète-t-elle des risques de prolifération de l’arme atomique ? On lui explique doctement qu’il ne faut pas confondre plutonium civil et militaire. “Il demeure quand même dangereux”, souligne Benjamin Dessus de l’association “Global chance”. “Il suffit d’en ingérer 20 microgrammes pour déclarer un cancer du poumon.” L’assistance ne bronche pas. Ce genre d’argument ne l’émeut plus depuis longtemps. Quelqu’un fait remarquer que des terroristes peuvent faire plus de dégâts avec du nitrate récupéré chez les agriculteurs. La femme de paysan apprécie.

Après trois heures et demie d’échanges entre initiés, que retient-on ? “Qu’il faut faire confiance à la science et la recherche” pour trouver des solutions aux problèmes aujourd’hui insolubles. Comme dans un show télévisé, la soirée s’était achevée sur une dynamique musique. Le refrain "Tout va très bien Madame la marquise" aurait mieux convenu.

Jean-Pierre Buisson

Article paru dans Ouest France le 23 septembre 2005



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