Faire un don

Sortir du nucléaire n°47



Automne 2010

Alternatives

Trop d’éclairage nuit !

Article paru dans la revue Sortir du nucléaire n°47 - Automne 2010

 Maîtrise de l’énergie
Article publié le : 1er novembre 2010


Que faire avec l’électricité produite la nuit par les centrales nucléaires ? De la pollution lumineuse. Pourtant des solutions simples permettent de limiter l’impact de l’éclairage extérieur sur la vie nocturne. Et d’économiser l’énergie.



La pollution lumineuse, c’est la dégradation de l’environnement causée par l’excès d’éclairage artificiel visible en extérieur. Cette pollution est due à l’éclairage public inutile, au sur-éclairage, au mauvais matériel, aux durées d’éclairement trop longues…

L’éclairage public représente 5,6 milliards de kWh/an en France. La consommation par an et par habitant est passée de 70 kWh en 1990 à 92 kWh en 2005. Pourtant, les lampes sont de plus en plus efficaces : la consommation par personne aurait donc dû baisser. Mais le nombre de "points lumineux" (lampadaires, spots et autres projecteurs) a augmenté de 30 % par habitant en dix ans. Et ces chiffres ne tiennent pas compte des éclairages commerciaux, des publicités lumineuses et des parkings vides éclairés toute la nuit… En Allemagne, la consommation pour l’éclairage public est de 43 kWh/an/habitant. Soit moins de la moitié !

La pollution lumineuse a de nombreux impacts négatifs :

- Gaspillage et production excessive de CO2


Eclairages inutiles, lampes trop puissantes, lampadaires inutilement rapprochés, durées d’éclairement trop longues... toutes ces pratiques sont source de gaspillage d’énergie. Le sur-éclairage provoque aussi une consommation excessive de matériel et donc de matières premières, et engendre des déchets (notamment les lampes à vapeur de mercure). Tout ceci produit du CO2 : l’ADEME a établi qu’en moyenne, sur 2002 à 2006 en France, 1kWh d’électricité pour l’éclairage public produit 119g de CO2.

- Diminution de la biodiversité

La nuit est un espace vital pour les espèces nocturnes. Elle permet de passer plus facilement inaperçu aux yeux des prédateurs, et offre des conditions plus favorables aux espèces qui régulent mal leur température ou sont sensibles à la sécheresse de l’air. De nombreux prédateurs se sont aussi mis à vivre la nuit, à tel point que 80 % de ce qui vit sur terre est nocturne.

Nous humains, mammifères diurnes, connaissons très mal le continent de la nuit… Nous ignorons ou minimisons les conséquences des éclairages publics, commerciaux et industriels qui produisent une pollution lumineuse très préjudiciable à la biodiversité.
L’illumination d’espaces naturels bouleverse le milieu animal et végétal qui y vit. En campagne, l’éclairage des routes, ronds-points ou hameaux dresse des barrières lumineuses, provoquant une fragmentation des territoires qui affaiblit les populations animales (mammifères, batraciens). La lumière artificielle piège les animaux nocturnes tels qu’insectes, papillons, batraciens ou poissons. Elle perturbe également les migrations animales, que ce soit des oiseaux, des papillons, des insectes ou des mammifères.

Pourtant, hors agglomération, l’éclairage des routes est contre-productif : les accidents sont plus graves d’après des études des ministères des Transports belge et français. Et l’éclairage des ronds-points est en "conflit" visuel avec la signalisation routière : l’œil voit moins bien les panneaux réfléchissants.


- Atteintes à la santé humaine et au confort

En ville, l’éclairage éblouissant dérange fortement les malvoyants et les personnes âgées, notamment les spots encastrés dans le sol. Le sur-éclairage produit des zones d’ombres "noires" trop contrastées pour l’œil.

La lumière intrusive qui pénètre dans les habitations détériore la qualité du sommeil, diminue la production de mélatonine (une hormone produite par le corps humain uniquement dans le noir) et affaiblit nos défenses immunitaires. Toute cette lumière empêche d’ouvrir les volets l’été pour un rafraîchissement naturel et confortable des dormeurs. De nombreux foyers, barricadés derrière leurs volets roulants, installent la climatisation.
Enfin, le dôme de pollution lumineuse au-dessus des villes coupe les humains du spectacle des étoiles et de la voûte céleste et interdit l’astronomie amateur.

Des solutions simples existent

Que faire pour limiter la pollution lumineuse ? Eteindre un lampadaire sur deux ? Diminuer l’intensité lumineuse en cours de nuit ? Faire de la "gestion de flux" ?

Les solutions les plus simples sont : éclairage bien dirigé, puissance des ampoules et durées d’éclairement limitées, zones d’éclairage limitées. Autant favoriser la simplicité, sans électronique et technologies complexes. Avant tout équipement ou renouvellement d’installation, il faut surtout réfléchir en reprenant le problème à la base : pourquoi éclairer ? quand éclairer ? comment éclairer ?

Les communes ne devraient pas laisser les vendeurs-éclairagistes continuer à planter une forêt de lampadaires : on peut limiter le nombre, la hauteur et la puissance des points lumineux, lampadaires ou bornes lumineuses. Aucune norme n’est à respecter en France, les éclairagistes présentant la norme européenne EN 13201 comme obligatoire trompent les élus. Cette norme est de type "commercial", elle a été mise au point par l’association française de l’éclairage (AFE) qui regroupe les industriels de l’éclairage et EDF. Bien sûr, les seuils d’éclairage définis sont trop forts. Mais certains petits villages gaulois font de la résistance et n’ont pas d’éclairage public, par exemple Yquebeuf près de Rouen. Et cela en toute légalité.

Un vrai remède : l’extinction en milieu de nuit

Les éclairagistes et EDF n’aiment pas du tout cette solution. Pourtant, couper l’éclairage en milieu de nuit permet d’économiser l’électricité, le matériel et la maintenance.
En éteignant l’éclairage public entre 23h et 5h, le nombre d’heures d’éclairage passe de 4000 à 2000h par an. Les communes qui ont mis en pratique ce principe divisent ainsi par deux leur consommation électrique en éclairage public. Or ce poste de dépense représente en moyenne la moitié de l’électricité consommée par la ville (le reste étant le chauffage et l’éclairage à l’intérieur des bâtiments communaux, écoles, mairies, salles de sport, etc.). Elles économisent également sur le matériel (les lampes durent deux fois plus longtemps) et la maintenance (le changement des lampes peut coûter très cher quand les lampadaires sont très hauts et nécessitent une intervention en nacelle pour changer les ampoules).

Beaucoup de communes rurales en Bretagne et dans les Pays de Loire éteignent en milieu de nuit, mais c’est l’exception dans le Sud-Est de la France. A votre avis pourquoi ? Dans ces régions, EDF a incité les communes à laisser leur éclairage allumé toute la nuit car… les centrales nucléaires ne s’arrêtent pas. Les communes de l’Ouest ont été moins sollicitées car ces régions sont plutôt déficitaires en production électrique. Le conditionnement est tel que, dans l’Est, de nombreux maires ne savent pas qu’ils ont le droit d’éteindre ! De plus les éclairagistes et certains syndicats d’électrification leur déconseillent d’éteindre et font courir des rumeurs sur leur responsabilité qui serait engagée en cas d’accident. Le service juridique de la fédération nationale des syndicats d’électrification a été obligé de reconnaître que "cette responsabilité d’éclairer n’est pas une obligation : il appartient au maire de décider quel espace doit recevoir un éclairage ou non. L’arrêt de l’éclairage public la nuit ne constituant pas un risque avéré pour les communes, il est tout à fait envisageable de couper l’éclairage public."

L’éclairage public n’est pas seul en cause, il y a aussi l’éclairage commercial et celui des zones industrielles. Là aussi les élus peuvent agir : un arrêté municipal peut limiter les horaires autorisés pour les éclairages privés commerciaux et industriels.
Un exemple : 10000 € d’économies par an

A Bouray-sur-Juine (Essonne, 1900 habitants), la dépense électrique était de 40 000 € par an, dont 20 000 € pour l’éclairage public. Grâce à l’extinction nocturne des lampadaires à minuit : 10000 € d’économie sur la facture énergétique.

- Plus d’informations : livret "Trop d’éclairage nuit" édité par la FRAPNA (Fédération Rhône-Alpes de Protection de la Nature) à télécharger sur le site www.frapna.org

- Pour participer à l’amélioration de l’environnement nocturne : www.jourdelanuit.fr
Véronique Clérin

Eco-conseillère en éclairage communal doux.
veronique.clerin@laposte.net

La pollution lumineuse, c’est la dégradation de l’environnement causée par l’excès d’éclairage artificiel visible en extérieur. Cette pollution est due à l’éclairage public inutile, au sur-éclairage, au mauvais matériel, aux durées d’éclairement trop longues…

L’éclairage public représente 5,6 milliards de kWh/an en France. La consommation par an et par habitant est passée de 70 kWh en 1990 à 92 kWh en 2005. Pourtant, les lampes sont de plus en plus efficaces : la consommation par personne aurait donc dû baisser. Mais le nombre de "points lumineux" (lampadaires, spots et autres projecteurs) a augmenté de 30 % par habitant en dix ans. Et ces chiffres ne tiennent pas compte des éclairages commerciaux, des publicités lumineuses et des parkings vides éclairés toute la nuit… En Allemagne, la consommation pour l’éclairage public est de 43 kWh/an/habitant. Soit moins de la moitié !

La pollution lumineuse a de nombreux impacts négatifs :

- Gaspillage et production excessive de CO2


Eclairages inutiles, lampes trop puissantes, lampadaires inutilement rapprochés, durées d’éclairement trop longues... toutes ces pratiques sont source de gaspillage d’énergie. Le sur-éclairage provoque aussi une consommation excessive de matériel et donc de matières premières, et engendre des déchets (notamment les lampes à vapeur de mercure). Tout ceci produit du CO2 : l’ADEME a établi qu’en moyenne, sur 2002 à 2006 en France, 1kWh d’électricité pour l’éclairage public produit 119g de CO2.

- Diminution de la biodiversité

La nuit est un espace vital pour les espèces nocturnes. Elle permet de passer plus facilement inaperçu aux yeux des prédateurs, et offre des conditions plus favorables aux espèces qui régulent mal leur température ou sont sensibles à la sécheresse de l’air. De nombreux prédateurs se sont aussi mis à vivre la nuit, à tel point que 80 % de ce qui vit sur terre est nocturne.

Nous humains, mammifères diurnes, connaissons très mal le continent de la nuit… Nous ignorons ou minimisons les conséquences des éclairages publics, commerciaux et industriels qui produisent une pollution lumineuse très préjudiciable à la biodiversité.
L’illumination d’espaces naturels bouleverse le milieu animal et végétal qui y vit. En campagne, l’éclairage des routes, ronds-points ou hameaux dresse des barrières lumineuses, provoquant une fragmentation des territoires qui affaiblit les populations animales (mammifères, batraciens). La lumière artificielle piège les animaux nocturnes tels qu’insectes, papillons, batraciens ou poissons. Elle perturbe également les migrations animales, que ce soit des oiseaux, des papillons, des insectes ou des mammifères.

Pourtant, hors agglomération, l’éclairage des routes est contre-productif : les accidents sont plus graves d’après des études des ministères des Transports belge et français. Et l’éclairage des ronds-points est en "conflit" visuel avec la signalisation routière : l’œil voit moins bien les panneaux réfléchissants.


- Atteintes à la santé humaine et au confort

En ville, l’éclairage éblouissant dérange fortement les malvoyants et les personnes âgées, notamment les spots encastrés dans le sol. Le sur-éclairage produit des zones d’ombres "noires" trop contrastées pour l’œil.

La lumière intrusive qui pénètre dans les habitations détériore la qualité du sommeil, diminue la production de mélatonine (une hormone produite par le corps humain uniquement dans le noir) et affaiblit nos défenses immunitaires. Toute cette lumière empêche d’ouvrir les volets l’été pour un rafraîchissement naturel et confortable des dormeurs. De nombreux foyers, barricadés derrière leurs volets roulants, installent la climatisation.
Enfin, le dôme de pollution lumineuse au-dessus des villes coupe les humains du spectacle des étoiles et de la voûte céleste et interdit l’astronomie amateur.

Des solutions simples existent

Que faire pour limiter la pollution lumineuse ? Eteindre un lampadaire sur deux ? Diminuer l’intensité lumineuse en cours de nuit ? Faire de la "gestion de flux" ?

Les solutions les plus simples sont : éclairage bien dirigé, puissance des ampoules et durées d’éclairement limitées, zones d’éclairage limitées. Autant favoriser la simplicité, sans électronique et technologies complexes. Avant tout équipement ou renouvellement d’installation, il faut surtout réfléchir en reprenant le problème à la base : pourquoi éclairer ? quand éclairer ? comment éclairer ?

Les communes ne devraient pas laisser les vendeurs-éclairagistes continuer à planter une forêt de lampadaires : on peut limiter le nombre, la hauteur et la puissance des points lumineux, lampadaires ou bornes lumineuses. Aucune norme n’est à respecter en France, les éclairagistes présentant la norme européenne EN 13201 comme obligatoire trompent les élus. Cette norme est de type "commercial", elle a été mise au point par l’association française de l’éclairage (AFE) qui regroupe les industriels de l’éclairage et EDF. Bien sûr, les seuils d’éclairage définis sont trop forts. Mais certains petits villages gaulois font de la résistance et n’ont pas d’éclairage public, par exemple Yquebeuf près de Rouen. Et cela en toute légalité.

Un vrai remède : l’extinction en milieu de nuit

Les éclairagistes et EDF n’aiment pas du tout cette solution. Pourtant, couper l’éclairage en milieu de nuit permet d’économiser l’électricité, le matériel et la maintenance.
En éteignant l’éclairage public entre 23h et 5h, le nombre d’heures d’éclairage passe de 4000 à 2000h par an. Les communes qui ont mis en pratique ce principe divisent ainsi par deux leur consommation électrique en éclairage public. Or ce poste de dépense représente en moyenne la moitié de l’électricité consommée par la ville (le reste étant le chauffage et l’éclairage à l’intérieur des bâtiments communaux, écoles, mairies, salles de sport, etc.). Elles économisent également sur le matériel (les lampes durent deux fois plus longtemps) et la maintenance (le changement des lampes peut coûter très cher quand les lampadaires sont très hauts et nécessitent une intervention en nacelle pour changer les ampoules).

Beaucoup de communes rurales en Bretagne et dans les Pays de Loire éteignent en milieu de nuit, mais c’est l’exception dans le Sud-Est de la France. A votre avis pourquoi ? Dans ces régions, EDF a incité les communes à laisser leur éclairage allumé toute la nuit car… les centrales nucléaires ne s’arrêtent pas. Les communes de l’Ouest ont été moins sollicitées car ces régions sont plutôt déficitaires en production électrique. Le conditionnement est tel que, dans l’Est, de nombreux maires ne savent pas qu’ils ont le droit d’éteindre ! De plus les éclairagistes et certains syndicats d’électrification leur déconseillent d’éteindre et font courir des rumeurs sur leur responsabilité qui serait engagée en cas d’accident. Le service juridique de la fédération nationale des syndicats d’électrification a été obligé de reconnaître que "cette responsabilité d’éclairer n’est pas une obligation : il appartient au maire de décider quel espace doit recevoir un éclairage ou non. L’arrêt de l’éclairage public la nuit ne constituant pas un risque avéré pour les communes, il est tout à fait envisageable de couper l’éclairage public."

L’éclairage public n’est pas seul en cause, il y a aussi l’éclairage commercial et celui des zones industrielles. Là aussi les élus peuvent agir : un arrêté municipal peut limiter les horaires autorisés pour les éclairages privés commerciaux et industriels.
Un exemple : 10000 € d’économies par an

A Bouray-sur-Juine (Essonne, 1900 habitants), la dépense électrique était de 40 000 € par an, dont 20 000 € pour l’éclairage public. Grâce à l’extinction nocturne des lampadaires à minuit : 10000 € d’économie sur la facture énergétique.

- Plus d’informations : livret "Trop d’éclairage nuit" édité par la FRAPNA (Fédération Rhône-Alpes de Protection de la Nature) à télécharger sur le site www.frapna.org

- Pour participer à l’amélioration de l’environnement nocturne : www.jourdelanuit.fr
Véronique Clérin

Eco-conseillère en éclairage communal doux.
veronique.clerin@laposte.net



Soyez au coeur de l'information !

Tous les 3 mois, retrouvez 36 pages (en couleur) de brèves, interviews, articles, BD, alternatives concrètes, actions originales, luttes antinucléaires à l’étranger, décryptages, etc.

Je m'abonne à la revue du Réseau