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Sortir du nucléaire n°74



Été 2017

RIUM : un détecteur de radioactivité pour un réseau citoyen de surveillance ?

Article paru dans la revue Sortir du nucléaire n°74 - Été 2017

 Pollution radioactive


À l’heure où les smartphones envahissent de plus en plus notre vie quotidienne, l’entreprise française ICOHUP souhaiterait commercialiser un nouveau boîtier détecteur de radioactivité, le RIUM qui exploiterait les capacités de calcul de nos téléphones pour nous donner des indications plus précises que les compteurs Geiger pour mesurer l’impact de la radioactivité dans notre environnement proche.



Imaginé par la jeune équipe d’une start-up basée à Limoges et Lyon, cet appareil pourrait apporter une petite révolution dans la détection de la radioactivité pour le grand public

Si l’on peut dès aujourd’hui investir dans un compteur Geiger de type RADEX pour un peu moins de 200 €, le prix du RIUM devrait atteindre les 400 €, mais cette différence de prix cache un potentiel qu’aucun autre détecteur grand public n’est aujourd’hui en mesure de fournir.

Plus qu’un compteur Geiger : un spectromètre gamma !

Spectromètre gamma : derrière cette appellation très scientifique se cache un outil conçu pour mesurer la radioactivité bien différent du compteur Geiger.

Un compteur Geiger classique est capable de mesurer la radioactivité ambiante, c’est-à-dire plus ou moins la dose de rayonnement que l’on reçoit à un endroit et un lieu précis - mais celui-ci n’est pas en mesure d’expliquer pourquoi on est exposé.

Ainsi cette radioactivité peut être d’origine naturelle (roches granitiques, thorium naturellement présent dans la croûte terrestre, gaz radon…) ou d’origine anthropique (rejets de l’industrie nucléaire, anciennes mines d’uranium, retombées des essais nucléaires atmosphériques ou de Tchernobyl-Fukushima, déchets radioactifs...).

Se présentant sous la forme d’un boîtier en bois percé de petits trous, cet appareil est équipé d’un composant, le scintillateur, qui a la propriété d’émettre de la lumière quand il est traversé par des rayonnements ionisants (γ, α, β…).

Ces émissions de lumières sont ensuite interprétées par votre smartphone, dont les capacités de calcul peuvent analyser les données reçues par le RIUM. L’application sur smartphone sera en mesure de vous dire si la radioactivité qui vous entoure est nocive mais aussi quelle est son type d’origine.

C’est bien là toute la spécificité du RIUM qui, associé aux capacités de calcul d’un smartphone, sera capable de déterminer quels sont les éléments atomiques responsables du rayonnement ambiant.

Une grande quantité de produits de fission radioactifs n’existent pas à l’état naturel et sont originaires de l’exploitation des centrales nucléaires (Césium 137, plutonium, technetium…). L’interface application du RIUM pourrait traduire simplement quelles sont les causes du rayonnement radioactif dans un langage simplifié pour le commun des mortels.

Exemple d’un message que le RIUM pourrait fournir à l’utilisateur : "Danger ! Vous vous situez dans un périmètre contaminé à – tel type de contamination – voici les conseils pour vous protéger et voici les raisons probables pour lesquelles cet espace est contaminé…"

Les spectromètres gamma existent déjà sur le marché et permettent ce type de mesure mais leur coût est excessivement élevé (autour de 5000 € en moyenne) et l’interprétation de leurs mesures nécessite une longue formation scientifique (contrairement au RIUM qui se veut didactique).

Un détecteur mais aussi une suite d’applications dédiées

Le package comprendrait donc aussi une application à installer sur son smartphone pour pouvoir exploiter les données fournies par le RIUM via la technologie Bluetooth. En exportant les données du RIUM, il serait possible de centraliser celles-ci sur une carte en ligne qui spécifierait les zones les plus radioactives mesurées grâce au RIUM.

L’application smartphone permettra d’enregistrer des courbes de suivi journalières, la détection en direct, la géolocalisation des zones contaminées

Cette fonctionnalité laisse entrevoir la possibilité de voir émerger un réseau citoyen de détection des zones les plus radioactives en France et permettrait par exemple de reconnaître le rayonnement d’origine artificielle autour des centrales et installations nucléaires et de détecter des zones polluées.

Un projet toujours en quête de financement

Cet appareil n’en est encore qu’au stade du prototype et ne devrait pas être commercialisé avant décembre 2017, l’équipe d’ICOHUP cherche encore des financements pour pouvoir distribuer son détecteur. Nous attendons par ailleurs le retour d’un test de prototype par l’équipe de la CRIIRAD.

Si vous souhaitez contribuer à ce projet technologique vous pouvez pré-commander un RIUM à cette adresse web : https://igg.me/at/Rium2017/x

Quatre questions à Gaël Patton, Docteur en Physique et co-fondateur de la société ICOHUP

Gaël Patton présentant son détecteur de radioactivité au Consumer Electronic Show à Las Vegas, le plus important salon consacré à l’innovation technologique en électronique grand public.

Comment vous est venue l’idée de créer le RIUM et quelles sont les innovations qu’il propose par rapport à ce que l’on peut déjà trouver sur le marché des détecteurs de radioactivité destinés au grand public ?

Durant mon doctorat en Physique à l’université Lyon1 / Institut Lumière Matière, je me suis rendu compte qu’il était possible, avec des technologies récentes, de développer des instruments de mesure à la fois à bas coût et de très haute performance.

Ainsi, mi-2016 nous avons commencé de développer un spectromètre gamma avec un coût de production optimisé. L’avantage du spectromètre est d’avoir la capacité d’identifier des isotopes radioactifs (Césium, Américium…), ce qui est impossible avec un dosimètre ou un compteur Geiger. Grâce à cela, il est possible d’identifier l’origine de l’exposition (naturelle, industrielle...) et d’en calculer précisément la dangerosité. J’ajouterai que le RIUM est aussi capable de détecter les rayonnements alpha et bêta.

Notre technologie permet aussi de faire des mesures de comptage et de dosimétrie avec une sensibilité bien plus importante que celle d’un compteur Geiger classique, et ce pour un prix sensiblement équivalent : 400 € TTC.

Est-ce que la sensibilité de votre appareil pourrait être suffisante pour permettre de localiser facilement des sources de radioactivité d’origine humaine émettant des rayonnements à des niveaux modérés ? (exemples : rejets atmosphériques et liquides des installations nucléaires, stériles miniers, déchets radioactifs issus de l’industrie)

L’instrument est bien plus sensible que la grande majorité des capteurs sur le marché. Seuls les capteurs à plusieurs milliers d’euros sont plus sensibles. Il est donc possible de localiser des sources dans l’environnement, qu’elles soient d’origine naturelle ou non.

On arrive sur un point essentiel de notre produit : conçu pour être connecté à internet via un smartphone, il est possible de collecter ces données sur internet et de les partager librement avec les autres utilisateurs pour co-construire des cartographies (via nos outils mis à disposition).

Si l’on ouvre la porte de ce monde invisible pour la plupart d’entre nous actuellement, ne risque-t-on pas d’avoir beaucoup de surprises plutôt anxiogènes dans notre environnement direct ?

En premier lieu, nous nous voulons pédagogiques, notamment via notre logiciel : la radioactivité est naturellement présente partout autour de nous. Avant toute réaction de panique, nous considérons qu’il est important de bien comprendre son environnement.

De plus, pour lutter contre l’anxiété lorsque qu’une exposition anormale est détectée, nous proposerons des méthodes de réaction adaptées : conseils de protection, signalement automatique aux autorités et associations, etc.

Les données enregistrées par le RIUM sont-elles exportables afin que celles-ci puissent être utilisées par des groupes de pression ou laboratoires citoyens indépendants, sa conception est-elle en accès libre ou liée à d’autres standards collaboratifs ?

Toutes les données enregistrées peuvent être exportées sur ordinateur dans un format libre, puis éventuellement partagées avec une communauté ou un laboratoire.

De plus, si l’utilisateur l’accepte, les données mesurées seront collectées par nos soins et mises à disposition en libre accès (open-source) sur nos serveurs pour chaque citoyen, comme pour les institutions étatiques ou organisations indépendantes.

Article et propos recueillis par Benoît Skubich

Imaginé par la jeune équipe d’une start-up basée à Limoges et Lyon, cet appareil pourrait apporter une petite révolution dans la détection de la radioactivité pour le grand public

Si l’on peut dès aujourd’hui investir dans un compteur Geiger de type RADEX pour un peu moins de 200 €, le prix du RIUM devrait atteindre les 400 €, mais cette différence de prix cache un potentiel qu’aucun autre détecteur grand public n’est aujourd’hui en mesure de fournir.

Plus qu’un compteur Geiger : un spectromètre gamma !

Spectromètre gamma : derrière cette appellation très scientifique se cache un outil conçu pour mesurer la radioactivité bien différent du compteur Geiger.

Un compteur Geiger classique est capable de mesurer la radioactivité ambiante, c’est-à-dire plus ou moins la dose de rayonnement que l’on reçoit à un endroit et un lieu précis - mais celui-ci n’est pas en mesure d’expliquer pourquoi on est exposé.

Ainsi cette radioactivité peut être d’origine naturelle (roches granitiques, thorium naturellement présent dans la croûte terrestre, gaz radon…) ou d’origine anthropique (rejets de l’industrie nucléaire, anciennes mines d’uranium, retombées des essais nucléaires atmosphériques ou de Tchernobyl-Fukushima, déchets radioactifs...).

Se présentant sous la forme d’un boîtier en bois percé de petits trous, cet appareil est équipé d’un composant, le scintillateur, qui a la propriété d’émettre de la lumière quand il est traversé par des rayonnements ionisants (γ, α, β…).

Ces émissions de lumières sont ensuite interprétées par votre smartphone, dont les capacités de calcul peuvent analyser les données reçues par le RIUM. L’application sur smartphone sera en mesure de vous dire si la radioactivité qui vous entoure est nocive mais aussi quelle est son type d’origine.

C’est bien là toute la spécificité du RIUM qui, associé aux capacités de calcul d’un smartphone, sera capable de déterminer quels sont les éléments atomiques responsables du rayonnement ambiant.

Une grande quantité de produits de fission radioactifs n’existent pas à l’état naturel et sont originaires de l’exploitation des centrales nucléaires (Césium 137, plutonium, technetium…). L’interface application du RIUM pourrait traduire simplement quelles sont les causes du rayonnement radioactif dans un langage simplifié pour le commun des mortels.

Exemple d’un message que le RIUM pourrait fournir à l’utilisateur : "Danger ! Vous vous situez dans un périmètre contaminé à – tel type de contamination – voici les conseils pour vous protéger et voici les raisons probables pour lesquelles cet espace est contaminé…"

Les spectromètres gamma existent déjà sur le marché et permettent ce type de mesure mais leur coût est excessivement élevé (autour de 5000 € en moyenne) et l’interprétation de leurs mesures nécessite une longue formation scientifique (contrairement au RIUM qui se veut didactique).

Un détecteur mais aussi une suite d’applications dédiées

Le package comprendrait donc aussi une application à installer sur son smartphone pour pouvoir exploiter les données fournies par le RIUM via la technologie Bluetooth. En exportant les données du RIUM, il serait possible de centraliser celles-ci sur une carte en ligne qui spécifierait les zones les plus radioactives mesurées grâce au RIUM.

L’application smartphone permettra d’enregistrer des courbes de suivi journalières, la détection en direct, la géolocalisation des zones contaminées

Cette fonctionnalité laisse entrevoir la possibilité de voir émerger un réseau citoyen de détection des zones les plus radioactives en France et permettrait par exemple de reconnaître le rayonnement d’origine artificielle autour des centrales et installations nucléaires et de détecter des zones polluées.

Un projet toujours en quête de financement

Cet appareil n’en est encore qu’au stade du prototype et ne devrait pas être commercialisé avant décembre 2017, l’équipe d’ICOHUP cherche encore des financements pour pouvoir distribuer son détecteur. Nous attendons par ailleurs le retour d’un test de prototype par l’équipe de la CRIIRAD.

Si vous souhaitez contribuer à ce projet technologique vous pouvez pré-commander un RIUM à cette adresse web : https://igg.me/at/Rium2017/x

Quatre questions à Gaël Patton, Docteur en Physique et co-fondateur de la société ICOHUP

Gaël Patton présentant son détecteur de radioactivité au Consumer Electronic Show à Las Vegas, le plus important salon consacré à l’innovation technologique en électronique grand public.

Comment vous est venue l’idée de créer le RIUM et quelles sont les innovations qu’il propose par rapport à ce que l’on peut déjà trouver sur le marché des détecteurs de radioactivité destinés au grand public ?

Durant mon doctorat en Physique à l’université Lyon1 / Institut Lumière Matière, je me suis rendu compte qu’il était possible, avec des technologies récentes, de développer des instruments de mesure à la fois à bas coût et de très haute performance.

Ainsi, mi-2016 nous avons commencé de développer un spectromètre gamma avec un coût de production optimisé. L’avantage du spectromètre est d’avoir la capacité d’identifier des isotopes radioactifs (Césium, Américium…), ce qui est impossible avec un dosimètre ou un compteur Geiger. Grâce à cela, il est possible d’identifier l’origine de l’exposition (naturelle, industrielle...) et d’en calculer précisément la dangerosité. J’ajouterai que le RIUM est aussi capable de détecter les rayonnements alpha et bêta.

Notre technologie permet aussi de faire des mesures de comptage et de dosimétrie avec une sensibilité bien plus importante que celle d’un compteur Geiger classique, et ce pour un prix sensiblement équivalent : 400 € TTC.

Est-ce que la sensibilité de votre appareil pourrait être suffisante pour permettre de localiser facilement des sources de radioactivité d’origine humaine émettant des rayonnements à des niveaux modérés ? (exemples : rejets atmosphériques et liquides des installations nucléaires, stériles miniers, déchets radioactifs issus de l’industrie)

L’instrument est bien plus sensible que la grande majorité des capteurs sur le marché. Seuls les capteurs à plusieurs milliers d’euros sont plus sensibles. Il est donc possible de localiser des sources dans l’environnement, qu’elles soient d’origine naturelle ou non.

On arrive sur un point essentiel de notre produit : conçu pour être connecté à internet via un smartphone, il est possible de collecter ces données sur internet et de les partager librement avec les autres utilisateurs pour co-construire des cartographies (via nos outils mis à disposition).

Si l’on ouvre la porte de ce monde invisible pour la plupart d’entre nous actuellement, ne risque-t-on pas d’avoir beaucoup de surprises plutôt anxiogènes dans notre environnement direct ?

En premier lieu, nous nous voulons pédagogiques, notamment via notre logiciel : la radioactivité est naturellement présente partout autour de nous. Avant toute réaction de panique, nous considérons qu’il est important de bien comprendre son environnement.

De plus, pour lutter contre l’anxiété lorsque qu’une exposition anormale est détectée, nous proposerons des méthodes de réaction adaptées : conseils de protection, signalement automatique aux autorités et associations, etc.

Les données enregistrées par le RIUM sont-elles exportables afin que celles-ci puissent être utilisées par des groupes de pression ou laboratoires citoyens indépendants, sa conception est-elle en accès libre ou liée à d’autres standards collaboratifs ?

Toutes les données enregistrées peuvent être exportées sur ordinateur dans un format libre, puis éventuellement partagées avec une communauté ou un laboratoire.

De plus, si l’utilisateur l’accepte, les données mesurées seront collectées par nos soins et mises à disposition en libre accès (open-source) sur nos serveurs pour chaque citoyen, comme pour les institutions étatiques ou organisations indépendantes.

Article et propos recueillis par Benoît Skubich



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