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Sortir du nucléaire n°21



Avril 2003

Bilan

Quel bilan provisoire de la politique énergétique allemande ?

Article paru dans la revue Sortir du nucléaire n°21 - Avril 2003

 Sortie du nucléaire  Politique énergétique
Article publié le : 1er avril 2003


Après avoir craint une catastrophe économique engendrée par la politique novatrice de l’Allemagne avec la sortie du nucléaire, les milieux politiques français semblent aujourd’hui moins catégoriques dans leurs jugements. Des sénateurs français reconnaissent que la politique énergétique allemande ressemble davantage aujourd’hui à « un virage stratégique opéré avec prescience » qu’au « naufrage économique » (1) initialement prévu.



Pendant 10 ans, la consommation d’énergie primaire, en Allemagne, a baissé en moyenne de 0,3 % par an (1991 à 2001) et les émissions de gaz à effet de serre de 2,1 % (1990 à 2000), alors que la croissance économique atteignait + 1,5 % par an, indiquent les dernières statistiques publiées par l’Agence fédérale statistique, le 5 novembre 2002. En référence à l’année de base 1990, l’Allemagne a ainsi atteint une baisse globale de 19 % des émissions de CO2 sur les 21 % qu’elle doit atteindre sur la période 2008-2012, pour respecter ses engagements dans le cadre du Protocole de Kyoto. Le ministre de l’Environnement Jürgen Trittin a estimé que l’objectif de réduction pourra même être dépassé, alors que certains experts restent sceptiques. (2)

La tendance 2002 paraît donner raison au ministre Trittin : baisse de la consommation d’énergie primaire de 2,8 % sur les trois premiers trimestres, augmentation spectaculaire de la production éolienne et hydraulique de plus de 14 %, et création massive d’emplois dans le secteur.

Depuis son élection en 1998, la coalition gouvernementale composée du parti social-démocrate (SPD) de Gerhard Schröder et des Verts (Grünen) a mené en Allemagne une politique énergétique innovante. Reconduite de justesse grâce au bon score des Grünen après les élections de septembre 2002, (3) la coalition “rouge/verte” maintient aujourd’hui les grands axes du “tournant énergétique” allemand, en particulier la sortie du nucléaire. Cet accord avec les principales compagnies d’électricité exploitant le nucléaire, qui prévoit un arrêt de toutes les centrales nucléaires allemandes sur une vingtaine d’années (la limite étant définie par une quantité maximum d’électricité nucléaire et non pas par une date butoir), a été signé en juin 2001. (4)

Pour répondre aux défis de cette sortie du nucléaire (réduction des émissions de gaz à effet de serre, sécurité d’approvisionnement énergétique...), la coalition a mis en place un ensemble de mesures telles que le programme d’amélioration de l’efficacité énergétique, la réforme écologique de la fiscalité ou le développement des énergies renouvelables.

Les résultats de cette politique sont aujourd’hui tangibles, comme le montrent les chiffres de consommation d’énergie primaire publiés par AG Energiebilanzen (5) pour les trois premiers trimestres de 2002 : la consommation d’énergie primaire a ainsi baissé de 2,8 % par rapport à la même période en 2001. Dans le même temps, les parts du pétrole, de la houille et du nucléaire dans la consommation d’énergie primaire ont baissé respectivement de 3,9 %, 4,3 % et 5,9 %, alors que les parts de l’hydraulique et de l’éolien ont augmenté de 14,3 % ; seule la part de la lignite accuse une hausse de 2 %. Cette baisse globale de la consommation d’énergie primaire s’ajoute à la baisse de 4,9 % déjà obtenue en Allemagne entre 1990 et 2000. (6) A titre de comparaison, les chiffres sur la même période montrent une augmentation de la consommation d’énergie primaire de 15,6 % en France (7) ; et de 19,0 % pour l’ensemble Belgique et Luxembourg. (8)

La croissance exceptionnelle des énergies renouvelables que connaît l’Allemagne est également due à une politique volontariste sans précédent dans ce domaine. Entre 1998 et 2000, plus d’un milliard d’euros ont été engagés dans différents programmes de développement de ces filières, comme le programme d’aide à la recherche sur les énergies porteuses ou le programme des 100.000 toits solaires initié en janvier 1999. La production d’électricité photovoltaïque a ainsi été multipliée par trois entre 1998 et 2000.

Sans augmenter la fiscalité, mais grâce à une réforme, le gouvernement a par ailleurs réussi à dégager des sommes considérables pour l’environnement : 150 millions d’euros ont ainsi été ajoutés en 2001 par cette méthode aux fonds destinés aux énergies renouvelables, et cette contribution est estimée à 190 millions pour 2002. Dans le seul domaine éolien et pour la seule année 2001, l’Allemagne a installé 2 659 MW, ce qui équivaut à la puissance mise en service depuis 20 ans par le Danemark, pourtant pays modèle en la matière. En 2002, l’Allemagne a déjà franchi le cap des 10 000 MW éoliens installés, soit le tiers de la capacité mondiale. L’objectif fixé par le gouvernement allemand est d’atteindre un quart de la consommation totale d’électricité d’origine éolienne à l’horizon 2030.

Environ 130 000 emplois ont ainsi été créés dans le domaine des énergies renouvelables, dont 40 000 dans l’éolien, 50 000 dans la biomasse et 18 000 dans le solaire (thermique et photovoltaïque). (9) 72 000 créations d’emplois supplémentaires sont prévues d’ici 2005, (10) et 250 000 d’ici 2010. (11)

WISE-Paris

www.wise-paris.org
Notes :

1. “L’état actuel et les perspectives techniques des énergies renouvelables”, Rapport au Sénat de MM. Claude Birraux et Jean-Yves Le Déaut, OPECST, Mai 2000

2. Voir : https://www.destatis.de/presse/englisch/ pm2002/p3870112.htm

3. Voir “SPD - Grüne : Les partis représentés dans l’ancien et nouveau gouvernement allemand signent l’accord de coalition”, Nos News, WISE-Paris, 19/10/2002

4. Voir “Le Gouvernement allemand et les compagnies électriques signent l’accord de sortie du nucléaire”, Nos News, WISE-Paris, 14/06/2001

5. Arbeitsgemeinschaft Energiebilanzen, groupe de travail officiel des principales entreprises allemandes de l’énergie et des principaux instituts de recherche sur l’énergie depuis 1971. Chiffres disponibles sur le site de :

https://www.ag-energiebilanzen.de/

6. Sauf indications contraires, les chiffres cités par la suite proviennent du Ministère fédéral de l’Environnement, de la Protection de la nature et de la Sûreté Nucléaire (www.bmu.de), et tout particulièrement du Rapport environnemental allemand 2002. Écologique - moderne - juste ; La modernisation écologique de l’économie et de la société, Rapport sur la politique environnementale de la 14e législature ;

disponible sur Internet : https://www.bmu.de/ francais/download/files/umweltbericht.pdf

Une synthèse intéressante avec un bilan chiffré complet est également disponible dans le rapport 2002 de l’Agence fédérale de l’environnement (Umweltbundesamt), Données sur l’environnement 2002 ;

disponible sur Internet : https://www.umweltdaten.de/cgi-local/byteserver.pl/../../udd-e/udd2002.pdf

7. A partir des chiffres du Ministère de l’Industrie ;

disponibles sur internet : https://www.industrie. gouv.fr/energie/statisti/pdf/4page2000.pdf

8. A partir des chiffres de BP Statistical Review of World Energy 2001 et 2002

9. BMU, Communiqué de presse, 12 septembre 02

10. Etude de l’Institut de Rhénanie/Westphalie pour la recherche économique (RWI, citée dans le Rapport environnemental allemand 2002

11. Etude de l’Institut allemand pour la recherche économique (DIW), citée dans le Rapport environnemental allemand 2002

Pendant 10 ans, la consommation d’énergie primaire, en Allemagne, a baissé en moyenne de 0,3 % par an (1991 à 2001) et les émissions de gaz à effet de serre de 2,1 % (1990 à 2000), alors que la croissance économique atteignait + 1,5 % par an, indiquent les dernières statistiques publiées par l’Agence fédérale statistique, le 5 novembre 2002. En référence à l’année de base 1990, l’Allemagne a ainsi atteint une baisse globale de 19 % des émissions de CO2 sur les 21 % qu’elle doit atteindre sur la période 2008-2012, pour respecter ses engagements dans le cadre du Protocole de Kyoto. Le ministre de l’Environnement Jürgen Trittin a estimé que l’objectif de réduction pourra même être dépassé, alors que certains experts restent sceptiques. (2)

La tendance 2002 paraît donner raison au ministre Trittin : baisse de la consommation d’énergie primaire de 2,8 % sur les trois premiers trimestres, augmentation spectaculaire de la production éolienne et hydraulique de plus de 14 %, et création massive d’emplois dans le secteur.

Depuis son élection en 1998, la coalition gouvernementale composée du parti social-démocrate (SPD) de Gerhard Schröder et des Verts (Grünen) a mené en Allemagne une politique énergétique innovante. Reconduite de justesse grâce au bon score des Grünen après les élections de septembre 2002, (3) la coalition “rouge/verte” maintient aujourd’hui les grands axes du “tournant énergétique” allemand, en particulier la sortie du nucléaire. Cet accord avec les principales compagnies d’électricité exploitant le nucléaire, qui prévoit un arrêt de toutes les centrales nucléaires allemandes sur une vingtaine d’années (la limite étant définie par une quantité maximum d’électricité nucléaire et non pas par une date butoir), a été signé en juin 2001. (4)

Pour répondre aux défis de cette sortie du nucléaire (réduction des émissions de gaz à effet de serre, sécurité d’approvisionnement énergétique...), la coalition a mis en place un ensemble de mesures telles que le programme d’amélioration de l’efficacité énergétique, la réforme écologique de la fiscalité ou le développement des énergies renouvelables.

Les résultats de cette politique sont aujourd’hui tangibles, comme le montrent les chiffres de consommation d’énergie primaire publiés par AG Energiebilanzen (5) pour les trois premiers trimestres de 2002 : la consommation d’énergie primaire a ainsi baissé de 2,8 % par rapport à la même période en 2001. Dans le même temps, les parts du pétrole, de la houille et du nucléaire dans la consommation d’énergie primaire ont baissé respectivement de 3,9 %, 4,3 % et 5,9 %, alors que les parts de l’hydraulique et de l’éolien ont augmenté de 14,3 % ; seule la part de la lignite accuse une hausse de 2 %. Cette baisse globale de la consommation d’énergie primaire s’ajoute à la baisse de 4,9 % déjà obtenue en Allemagne entre 1990 et 2000. (6) A titre de comparaison, les chiffres sur la même période montrent une augmentation de la consommation d’énergie primaire de 15,6 % en France (7) ; et de 19,0 % pour l’ensemble Belgique et Luxembourg. (8)

La croissance exceptionnelle des énergies renouvelables que connaît l’Allemagne est également due à une politique volontariste sans précédent dans ce domaine. Entre 1998 et 2000, plus d’un milliard d’euros ont été engagés dans différents programmes de développement de ces filières, comme le programme d’aide à la recherche sur les énergies porteuses ou le programme des 100.000 toits solaires initié en janvier 1999. La production d’électricité photovoltaïque a ainsi été multipliée par trois entre 1998 et 2000.

Sans augmenter la fiscalité, mais grâce à une réforme, le gouvernement a par ailleurs réussi à dégager des sommes considérables pour l’environnement : 150 millions d’euros ont ainsi été ajoutés en 2001 par cette méthode aux fonds destinés aux énergies renouvelables, et cette contribution est estimée à 190 millions pour 2002. Dans le seul domaine éolien et pour la seule année 2001, l’Allemagne a installé 2 659 MW, ce qui équivaut à la puissance mise en service depuis 20 ans par le Danemark, pourtant pays modèle en la matière. En 2002, l’Allemagne a déjà franchi le cap des 10 000 MW éoliens installés, soit le tiers de la capacité mondiale. L’objectif fixé par le gouvernement allemand est d’atteindre un quart de la consommation totale d’électricité d’origine éolienne à l’horizon 2030.

Environ 130 000 emplois ont ainsi été créés dans le domaine des énergies renouvelables, dont 40 000 dans l’éolien, 50 000 dans la biomasse et 18 000 dans le solaire (thermique et photovoltaïque). (9) 72 000 créations d’emplois supplémentaires sont prévues d’ici 2005, (10) et 250 000 d’ici 2010. (11)

WISE-Paris

www.wise-paris.org
Notes :

1. “L’état actuel et les perspectives techniques des énergies renouvelables”, Rapport au Sénat de MM. Claude Birraux et Jean-Yves Le Déaut, OPECST, Mai 2000

2. Voir : https://www.destatis.de/presse/englisch/ pm2002/p3870112.htm

3. Voir “SPD - Grüne : Les partis représentés dans l’ancien et nouveau gouvernement allemand signent l’accord de coalition”, Nos News, WISE-Paris, 19/10/2002

4. Voir “Le Gouvernement allemand et les compagnies électriques signent l’accord de sortie du nucléaire”, Nos News, WISE-Paris, 14/06/2001

5. Arbeitsgemeinschaft Energiebilanzen, groupe de travail officiel des principales entreprises allemandes de l’énergie et des principaux instituts de recherche sur l’énergie depuis 1971. Chiffres disponibles sur le site de :

https://www.ag-energiebilanzen.de/

6. Sauf indications contraires, les chiffres cités par la suite proviennent du Ministère fédéral de l’Environnement, de la Protection de la nature et de la Sûreté Nucléaire (www.bmu.de), et tout particulièrement du Rapport environnemental allemand 2002. Écologique - moderne - juste ; La modernisation écologique de l’économie et de la société, Rapport sur la politique environnementale de la 14e législature ;

disponible sur Internet : https://www.bmu.de/ francais/download/files/umweltbericht.pdf

Une synthèse intéressante avec un bilan chiffré complet est également disponible dans le rapport 2002 de l’Agence fédérale de l’environnement (Umweltbundesamt), Données sur l’environnement 2002 ;

disponible sur Internet : https://www.umweltdaten.de/cgi-local/byteserver.pl/../../udd-e/udd2002.pdf

7. A partir des chiffres du Ministère de l’Industrie ;

disponibles sur internet : https://www.industrie. gouv.fr/energie/statisti/pdf/4page2000.pdf

8. A partir des chiffres de BP Statistical Review of World Energy 2001 et 2002

9. BMU, Communiqué de presse, 12 septembre 02

10. Etude de l’Institut de Rhénanie/Westphalie pour la recherche économique (RWI, citée dans le Rapport environnemental allemand 2002

11. Etude de l’Institut allemand pour la recherche économique (DIW), citée dans le Rapport environnemental allemand 2002



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