Après avoir craint une catastrophe économique engendrée par la politique novatrice de lAllemagne avec la sortie du nucléaire, les milieux politiques français semblent aujourdhui moins catégoriques dans leurs jugements. Des sénateurs français reconnaissent que la politique énergétique allemande ressemble davantage aujourdhui à « un virage stratégique opéré avec prescience » quau « naufrage économique » (1) initialement prévu.
Pendant 10 ans, la consommation dénergie primaire, en Allemagne, a baissé en moyenne de 0,3 % par an (1991 à 2001) et les émissions de gaz à effet de serre de 2,1 % (1990 à 2000), alors que la croissance économique atteignait + 1,5 % par an, indiquent les dernières statistiques publiées par lAgence fédérale statistique, le 5 novembre 2002. En référence à lannée de base 1990, lAllemagne a ainsi atteint une baisse globale de 19 % des émissions de CO2 sur les 21 % quelle doit atteindre sur la période 2008-2012, pour respecter ses engagements dans le cadre du Protocole de Kyoto. Le ministre de lEnvironnement Jürgen Trittin a estimé que lobjectif de réduction pourra même être dépassé, alors que certains experts restent sceptiques. (2)
La tendance 2002 paraît donner raison au ministre Trittin : baisse de la consommation dénergie primaire de 2,8 % sur les trois premiers trimestres, augmentation spectaculaire de la production éolienne et hydraulique de plus de 14 %, et création massive demplois dans le secteur.
Depuis son élection en 1998, la coalition gouvernementale composée du parti social-démocrate (SPD) de Gerhard Schröder et des Verts (Grünen) a mené en Allemagne une politique énergétique innovante. Reconduite de justesse grâce au bon score des Grünen après les élections de septembre 2002, (3) la coalition rouge/verte maintient aujourdhui les grands axes du tournant énergétique allemand, en particulier la sortie du nucléaire. Cet accord avec les principales compagnies délectricité exploitant le nucléaire, qui prévoit un arrêt de toutes les centrales nucléaires allemandes sur une vingtaine dannées (la limite étant définie par une quantité maximum délectricité nucléaire et non pas par une date butoir), a été signé en juin 2001. (4)
Pour répondre aux défis de cette sortie du nucléaire (réduction des émissions de gaz à effet de serre, sécurité dapprovisionnement énergétique...), la coalition a mis en place un ensemble de mesures telles que le programme damélioration de lefficacité énergétique, la réforme écologique de la fiscalité ou le développement des énergies renouvelables.
Les résultats de cette politique sont aujourdhui tangibles, comme le montrent les chiffres de consommation dénergie primaire publiés par AG Energiebilanzen (5) pour les trois premiers trimestres de 2002 : la consommation dénergie primaire a ainsi baissé de 2,8 % par rapport à la même période en 2001. Dans le même temps, les parts du pétrole, de la houille et du nucléaire dans la consommation dénergie primaire ont baissé respectivement de 3,9 %, 4,3 % et 5,9 %, alors que les parts de lhydraulique et de léolien ont augmenté de 14,3 % ; seule la part de la lignite accuse une hausse de 2 %. Cette baisse globale de la consommation dénergie primaire sajoute à la baisse de 4,9 % déjà obtenue en Allemagne entre 1990 et 2000. (6) A titre de comparaison, les chiffres sur la même période montrent une augmentation de la consommation dénergie primaire de 15,6 % en France (7) ; et de 19,0 % pour lensemble Belgique et Luxembourg. (8)
La croissance exceptionnelle des énergies renouvelables que connaît lAllemagne est également due à une politique volontariste sans précédent dans ce domaine. Entre 1998 et 2000, plus dun milliard deuros ont été engagés dans différents programmes de développement de ces filières, comme le programme daide à la recherche sur les énergies porteuses ou le programme des 100.000 toits solaires initié en janvier 1999. La production délectricité photovoltaïque a ainsi été multipliée par trois entre 1998 et 2000.
Sans augmenter la fiscalité, mais grâce à une réforme, le gouvernement a par ailleurs réussi à dégager des sommes considérables pour lenvironnement : 150 millions deuros ont ainsi été ajoutés en 2001 par cette méthode aux fonds destinés aux énergies renouvelables, et cette contribution est estimée à 190 millions pour 2002. Dans le seul domaine éolien et pour la seule année 2001, lAllemagne a installé 2 659 MW, ce qui équivaut à la puissance mise en service depuis 20 ans par le Danemark, pourtant pays modèle en la matière. En 2002, lAllemagne a déjà franchi le cap des 10 000 MW éoliens installés, soit le tiers de la capacité mondiale. Lobjectif fixé par le gouvernement allemand est datteindre un quart de la consommation totale délectricité dorigine éolienne à lhorizon 2030.
Environ 130 000 emplois ont ainsi été créés dans le domaine des énergies renouvelables, dont 40 000 dans léolien, 50 000 dans la biomasse et 18 000 dans le solaire (thermique et photovoltaïque). (9) 72 000 créations demplois supplémentaires sont prévues dici 2005, (10) et 250 000 dici 2010. (11)
WISE-Paris
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Notes :
1. Létat actuel et les perspectives techniques des énergies renouvelables, Rapport au Sénat de MM. Claude Birraux et Jean-Yves Le Déaut, OPECST, Mai 2000
2. Voir : https://www.destatis.de/presse/englisch/ pm2002/p3870112.htm
3. Voir SPD - Grüne : Les partis représentés dans lancien et nouveau gouvernement allemand signent laccord de coalition, Nos News, WISE-Paris, 19/10/2002
4. Voir Le Gouvernement allemand et les compagnies électriques signent laccord de sortie du nucléaire, Nos News, WISE-Paris, 14/06/2001
5. Arbeitsgemeinschaft Energiebilanzen, groupe de travail officiel des principales entreprises allemandes de lénergie et des principaux instituts de recherche sur lénergie depuis 1971. Chiffres disponibles sur le site de :
https://www.ag-energiebilanzen.de/
6. Sauf indications contraires, les chiffres cités par la suite proviennent du Ministère fédéral de lEnvironnement, de la Protection de la nature et de la Sûreté Nucléaire (www.bmu.de), et tout particulièrement du Rapport environnemental allemand 2002. Écologique - moderne - juste ; La modernisation écologique de léconomie et de la société, Rapport sur la politique environnementale de la 14e législature ;
disponible sur Internet : https://www.bmu.de/ francais/download/files/umweltbericht.pdf
Une synthèse intéressante avec un bilan chiffré complet est également disponible dans le rapport 2002 de lAgence fédérale de lenvironnement (Umweltbundesamt), Données sur lenvironnement 2002 ;
disponible sur Internet : https://www.umweltdaten.de/cgi-local/byteserver.pl/../../udd-e/udd2002.pdf
7. A partir des chiffres du Ministère de lIndustrie ;
disponibles sur internet : https://www.industrie. gouv.fr/energie/statisti/pdf/4page2000.pdf
8. A partir des chiffres de BP Statistical Review of World Energy 2001 et 2002
9. BMU, Communiqué de presse, 12 septembre 02
10. Etude de lInstitut de Rhénanie/Westphalie pour la recherche économique (RWI, citée dans le Rapport environnemental allemand 2002
11. Etude de lInstitut allemand pour la recherche économique (DIW), citée dans le Rapport environnemental allemand 2002
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