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1er mars 2016 |
Sur le plateau de France 3, Ségolène Royal s’est dite prête à donner le feu vert pour une prolongation du fonctionnement des centrales jusqu’à 50 ans, "dans le contexte de la baisse de la part du nucléaire", "sous réserve que la sécurité soit garantie". "Déjà amorties", les centrales prolongées produiraient ainsi une électricité "meilleur marché" ! Mauvaise connaissance du sujet ou déni délibéré de la part d’une ministre acquise à la cause d’EDF ? Dans tous les cas, les propos de Ségolène Royal ne sont pas crédibles.
N’en déplaise à Ségolène Royal, ce n’est pas à elle de décider de la prolongation du fonctionnement des centrales, mais à l’Autorité de sûreté nucléaire [1]. Or celle-ci a déjà exprimé ses réticences de manière parfaitement claire, réaffirmant à l’occasion de ses voeux que "la poursuite du fonctionnement des centrales nucléaires au-delà de 40 ans n’est pas acquise" et qu’elle ne donnerait d’avis générique qu’en 2018. Alors que le président de l’ASN dénonce "un contexte en matière de sûreté nucléaire particulièrement préoccupant" et rappelle qu’EDF est déjà débordée par de simples travaux de maintenance, on peut douter qu’il donne son feu vert pour une prolongation aussi lourde.
Et pour cause : conçues pour un fonctionnement de 30 ans à pleine puissance, les centrales nucléaires sont particulièrement sensibles au vieillissement. Les travaux prévus ne permettront d’y remédier qu’à la marge : certains équipements cruciaux pour la sûreté, comme les cuves ou les enceintes de confinement, ne sont ni remplaçables ni réparables.
Ségolène Royal ignore-t-elle ces éléments, pourtant connus depuis des années… ou tente-t-elle délibérément de passer outre ?
Selon Ségolène Royal, les centrales nucléaires étant maintenant amorties, prolonger leur activité permettrait de faire baisser le coût de l’électricité. C’est oublier qu’entre les travaux censés remédier au vieillissement des installations et les nouvelles normes post-Fukushima, EDF va devoir débourser près de 100 milliards d’euros pour continuer à faire tourner ses vieux réacteurs. On peut légitimement se demander comment l’entreprise pourra faire face à cette dépense alors qu’elle est déjà endettée à hauteur de 37,4 milliards d’euros, qu’elle est censée racheter une partie d’Areva et qu’elle devra en outre faire face aux charges de démantèlement (pour lesquelles elle n’a d’ailleurs pas constitué de provisions suffisantes, ce que dénonce un récent rapport de la Commission européenne). Il n’est plus question d’électricité "bon marché" : dans les années à venir, le coût du kWh augmentera inévitablement… et ce qui ne sera pas répercuté sur la facture d’électricité sera payé indirectement par les contribuables, appelés à la rescousse pour sauver EDF de la faillite.
Ségolène Royal s’aligne sur les hypothèses d’EDF, qui prétend qu’il serait possible de réduire la part du nucléaire à 50% d’ici 2025 sans fermer de centrales autres que Fessenheim. EDF table en effet sur une forte croissance de la consommation d’électricité, qui nécessiterait en réponse le développement de nouveaux moyens de production (renouvelables ou autres), si bien que la part du nucléaire deviendrait relativement moins importante dans le bouquet énergétique.
Toutefois, les hypothèses de croissance des consommations d’électricité sur lesquelles table EDF sont non seulement contradictoires avec la nécessité d’économiser l’énergie, mais également irréalistes. Prenant en compte la tendance aux économies d’énergie et la faible relance économique, la Direction Générale de l’Énergie et du Climat, dans ses estimations, table de son côté sur une faible augmentation de la consommation d’électricité. Elle en déduit d’ailleurs qu’on pourrait très bien aboutir en 2025 à un "non-besoin d’une vingtaine de réacteurs", qui pourraient être fermés… et permettre ainsi de respecter l’objectif de baisse de la part du nucléaire.
Ignorance des dossiers ou malhonnêteté ? Dans tous les cas, le projet partagé par EDF et Ségolène Royal n’est viable ni sur le plan de la sûreté, ni sur le plan économique. Sans compter que faire fonctionner plus longtemps les centrales nucléaires revient aussi à augmenter la production de déchets ingérables, alors que les capacités de stockage, à La Hague comme ailleurs, atteignent leurs limites. Plutôt que de perdurer dans ce déni qui prépare une catastrophe industrielle, Ségolène Royal devrait se soucier d’impulser une transition énergétique digne de ce nom et une reconversion massive de l’industrie nucléaire vers les énergies renouvelables.
[1] On peut d’ailleurs s’étonner que le gouvernement prétende décider lorsqu’il est question de prolonger des centrales vieillissantes, mais se défile lorsqu’il s’agit de fermer Fessenheim !
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