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Programmation pluriannuelle de l’énergie : comment le gouvernement s’apprête à faire perdurer le nucléaire

Article publié le 4 octobre 2016



En 2012, François Hollande avait promis de réduire la part du nucléaire. Cet objectif figure dans sa loi de transition énergétique. Quatre ans après, la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE), censée décliner cette loi, vient d’être publiée pour mise en consultation. La première période de la PPE court jusqu’en 2018, tandis que la seconde ira jusqu’en 2023. Loin de proposer une vision pour la fermeture progressive des réacteurs, le volet « Offre d’énergie » de ce texte démontre en fait une volonté de faire durer le nucléaire à tout prix. Quitte à rafistoler les vieilles centrales et organiser la fuite en avant de l’industrie du plutonium.



Fermeture de Fessenheim : un décret en 2016… pour un arrêt réversible ?

La fermeture de Fessenheim faisait partie des promesses du candidat Hollande. D’abord promise comme « immédiate », elle avait finalement été annoncée pour fin 2016, ce qui laissait amplement le temps à EDF pour préparer les démarches nécessaires. Tandis que sa concrétisation se fait attendre, les motifs s’accumulent pour mettre à la retraite la centrale alsacienne : vieillissement, situation en zone sismique et inondable, « incidents » inquiétants passés sous silence [1] , découverte d’une grave anomalie de fabrication sur un composant essentiel du réacteur n°2, qui plus est volontairement dissimulé par Areva [2]...

Le texte de la PPE précise qu’un décret sera adopté dans l’année 2016 pour abroger l’autorisation d’exploitation des deux réacteurs de la centrale alsacienne. Cependant, rien ne précise quand cette fermeture est censée prendre effet. Le texte se contente d’énoncer que « la fermeture des deux réacteurs interviendra au cours de la première période de la PPE, dans le respect des prescriptions édictées par l’ASN ».

Précisons que si l’arrêt de Fessenheim n’est pas effectif avant l’échéance des élections présidentielles, cela laisse la porte ouverte à une relance de la centrale en cas de victoire de la droite. La plupart des candidats à la primaire des Républicains ont en effet clairement indiqué leurs intentions de revenir sur une décision de fermeture.

Une « réduction de la part du nucléaire » au gré des aléas ?

François Hollande avait été élu sur une promesse de « réduire la part du nucléaire de 75% à 50% d’ici 2025 ». Si ces pourcentages pouvaient appeler des interprétations diverses [3] , il était légitime d’affirmer qu’elle devait se traduire par des fermetures de centrales. La Direction Générale de l’Énergie et du Climat elle-même s’était penchée sur cet objectif et avait mis en évidence un « non-besoin » d’une vingtaine de réacteurs d’ici à 2025. Dans son rapport annuel de février 2016, la Cour des Comptes avait à son tour repris ce chiffre.

Qu’en dit la PPE ? Si l’objectif de 50% de nucléaire d’ici à 2025 est réaffirmé, le gouvernement renonce à lui donner une concrétisation et l’équation apparaît difficilement tenable. Certes, pour la première fois, une réduction est amorcée… mais sans rapport avec la baisse ambitieuse qui serait nécessaire. Selon le texte, « la réduction de la production annuelle d’électricité d’origine nucléaire réalisée en 2023 se situe entre 10 TWh [soit sensiblement la production annuelle de Fessenheim] et 65 TWh ». Au mieux, en 2023, la production annuelle d’électricité nucléaire serait juste inférieure de 15% à ce qu’elle est actuellement [4].

De plus, mis à part la fermeture de Fessenheim, le texte ne propose aucune vision programmatique pour atteindre ces objectifs, ni aucune mesure volontariste. Et pour cause : pour réaliser cette réduction de la production annuelle (à ne pas confondre avec une réduction de la puissance installée), il est prévu… de s’en remettre aux aléas ! Sont envisagés d’éventuels arrêts de réacteurs exigés par l’Autorité de sûreté nucléaire, mais surtout “la baisse de la disponibilité des réacteurs nucléaires, en raison des travaux de maintenance et des investissements de sûreté”. En clair : lors de cette période, une réduction temporaire de la part du nucléaire pourrait avoir lieu… parce que des centrales seraient provisoirement arrêtées pour travaux en vue de leur prolongation !

De fait, si le flou règne quant aux décisions de fermeture, le gouvernement pousse pour engager les travaux de rafistolage des centrales souhaités par EDF. Le texte propose ainsi d’ «  engager les investissements de sûreté et de préparation d’une première tranche de prolongations des centrales nucléaires au cours de la première période de la programmation tout en conservant des flexibilités pour la deuxième période  ». Pourtant, les risques et les coûts d’un tel programme ne sont plus à démontrer !

Protéger à tout prix la production de plutonium… dans la perspective de nouveaux réacteurs !

En outre, la PPE propose un objectif peu compatible avec une transition écologique digne de ce nom : « étudier les modalités d’utilisation du MOx dans les réacteurs des paliers 1 300 MW, N4 et de l’EPR ».

Le MOx est un combustible nucléaire beaucoup plus réactif et dangereux que le combustible classique, composé en partie de plutonium. Il n’est pour l’instant utilisé que dans les réacteurs de 900 MW, les moins puissants, qui sont également les plus anciens. Anticipant leur éventuelle fermeture dans les années à venir, le gouvernement propose donc que les réacteurs plus récents puissent également y recourir. Ceci est pourtant impossible sans modifications lourdes et très coûteuses dans les réacteurs actuels, et n’est même pas envisagé dans le rapport de sûreté de l’EPR de Flamanville.

Pourquoi donc favoriser l’utilisation de ce combustible dangereux dans les décennies à venir ? Il semble que cela permette de continuer à légitimer et garantir sur le long terme le « retraitement » du combustible usé effectué à La Hague, opération indispensable pour la production du plutonium séparé - dont plus de 80 tonnes sont pourtant déjà accumulées.

De fait, au lieu de saisir l’occasion de renoncer à cette opération dangereuse, polluante et coûteuse, le texte de la PPE fait encore miroiter une filière basée sur l’utilisation du plutonium, reposant notamment sur les réacteurs dits « de quatrième génération ». Loin de proposer une nouvelle technologie ultra-moderne, il s’agit en fait de ressortir des cartons des projets similaires au réacteur Superphénix, qui a (dys)fonctionné cahin-caha de 1984 à 1996 et s’avère maintenant impossible à démanteler.

La PPE fait ainsi référence au projet ASTRID, porté par le Commissariat à l’Énergie Atomique et qui progresse en catimini dans l’opacité la plus totale. Le réacteur ASTRID, qui repose sur les mêmes principes que Superphénix et comporte les mêmes risques, aura besoin d’une certaine quantité de plutonium pour démarrer…

« A plus long terme, le recyclage des combustibles est exploré dans le cadre des recherches sur les systèmes nucléaires de quatrième génération, notamment à l’aide des réacteurs à neutrons rapides (RNR). Sur la base des enseignements tirés des réacteurs précédents en France et à l’international, la France a lancé en 2010 les études de conception d’un démonstrateur technologique RNR-sodium avec le projet ASTRID. Les études se poursuivent actuellement avec une phase de conception détaillée prévue sur la période 2016-2019. »

Flou sur la date d’arrêt de Fessenheim, fermetures de centrales non planifiées, travaux de rafistolages encouragés, réacteurs du passé remaquillés en filière d’avenir : voilà la politique énergétique dessinée par le gouvernement !

Le Réseau “Sortir du nucléaire“ invite les citoyens en désaccord avec ces orientations à le faire savoir au gouvernement (la PPE est soumise à consultation) et à signer massivement l’appel « Nucléaire : arrêtons les frais ! » . Nos impôts ne doivent pas être utilisés pour financer la poursuite de cette folie !


Notes

[3Voir cette analyse de 2012 de Bernard Laponche, spécialiste des questions énergétiques, https://www.sortirdunucleaire.org/Reduire-la-part-du-nucleaire-concretement-ca-veut

[4En 2015, le parc nucléaire a produit 416,8 TWh d’électricité, qui correspondent à 76,3% de la production électrique française.

Fermeture de Fessenheim : un décret en 2016… pour un arrêt réversible ?

La fermeture de Fessenheim faisait partie des promesses du candidat Hollande. D’abord promise comme « immédiate », elle avait finalement été annoncée pour fin 2016, ce qui laissait amplement le temps à EDF pour préparer les démarches nécessaires. Tandis que sa concrétisation se fait attendre, les motifs s’accumulent pour mettre à la retraite la centrale alsacienne : vieillissement, situation en zone sismique et inondable, « incidents » inquiétants passés sous silence [1] , découverte d’une grave anomalie de fabrication sur un composant essentiel du réacteur n°2, qui plus est volontairement dissimulé par Areva [2]...

Le texte de la PPE précise qu’un décret sera adopté dans l’année 2016 pour abroger l’autorisation d’exploitation des deux réacteurs de la centrale alsacienne. Cependant, rien ne précise quand cette fermeture est censée prendre effet. Le texte se contente d’énoncer que « la fermeture des deux réacteurs interviendra au cours de la première période de la PPE, dans le respect des prescriptions édictées par l’ASN ».

Précisons que si l’arrêt de Fessenheim n’est pas effectif avant l’échéance des élections présidentielles, cela laisse la porte ouverte à une relance de la centrale en cas de victoire de la droite. La plupart des candidats à la primaire des Républicains ont en effet clairement indiqué leurs intentions de revenir sur une décision de fermeture.

Une « réduction de la part du nucléaire » au gré des aléas ?

François Hollande avait été élu sur une promesse de « réduire la part du nucléaire de 75% à 50% d’ici 2025 ». Si ces pourcentages pouvaient appeler des interprétations diverses [3] , il était légitime d’affirmer qu’elle devait se traduire par des fermetures de centrales. La Direction Générale de l’Énergie et du Climat elle-même s’était penchée sur cet objectif et avait mis en évidence un « non-besoin » d’une vingtaine de réacteurs d’ici à 2025. Dans son rapport annuel de février 2016, la Cour des Comptes avait à son tour repris ce chiffre.

Qu’en dit la PPE ? Si l’objectif de 50% de nucléaire d’ici à 2025 est réaffirmé, le gouvernement renonce à lui donner une concrétisation et l’équation apparaît difficilement tenable. Certes, pour la première fois, une réduction est amorcée… mais sans rapport avec la baisse ambitieuse qui serait nécessaire. Selon le texte, « la réduction de la production annuelle d’électricité d’origine nucléaire réalisée en 2023 se situe entre 10 TWh [soit sensiblement la production annuelle de Fessenheim] et 65 TWh ». Au mieux, en 2023, la production annuelle d’électricité nucléaire serait juste inférieure de 15% à ce qu’elle est actuellement [4].

De plus, mis à part la fermeture de Fessenheim, le texte ne propose aucune vision programmatique pour atteindre ces objectifs, ni aucune mesure volontariste. Et pour cause : pour réaliser cette réduction de la production annuelle (à ne pas confondre avec une réduction de la puissance installée), il est prévu… de s’en remettre aux aléas ! Sont envisagés d’éventuels arrêts de réacteurs exigés par l’Autorité de sûreté nucléaire, mais surtout “la baisse de la disponibilité des réacteurs nucléaires, en raison des travaux de maintenance et des investissements de sûreté”. En clair : lors de cette période, une réduction temporaire de la part du nucléaire pourrait avoir lieu… parce que des centrales seraient provisoirement arrêtées pour travaux en vue de leur prolongation !

De fait, si le flou règne quant aux décisions de fermeture, le gouvernement pousse pour engager les travaux de rafistolage des centrales souhaités par EDF. Le texte propose ainsi d’ «  engager les investissements de sûreté et de préparation d’une première tranche de prolongations des centrales nucléaires au cours de la première période de la programmation tout en conservant des flexibilités pour la deuxième période  ». Pourtant, les risques et les coûts d’un tel programme ne sont plus à démontrer !

Protéger à tout prix la production de plutonium… dans la perspective de nouveaux réacteurs !

En outre, la PPE propose un objectif peu compatible avec une transition écologique digne de ce nom : « étudier les modalités d’utilisation du MOx dans les réacteurs des paliers 1 300 MW, N4 et de l’EPR ».

Le MOx est un combustible nucléaire beaucoup plus réactif et dangereux que le combustible classique, composé en partie de plutonium. Il n’est pour l’instant utilisé que dans les réacteurs de 900 MW, les moins puissants, qui sont également les plus anciens. Anticipant leur éventuelle fermeture dans les années à venir, le gouvernement propose donc que les réacteurs plus récents puissent également y recourir. Ceci est pourtant impossible sans modifications lourdes et très coûteuses dans les réacteurs actuels, et n’est même pas envisagé dans le rapport de sûreté de l’EPR de Flamanville.

Pourquoi donc favoriser l’utilisation de ce combustible dangereux dans les décennies à venir ? Il semble que cela permette de continuer à légitimer et garantir sur le long terme le « retraitement » du combustible usé effectué à La Hague, opération indispensable pour la production du plutonium séparé - dont plus de 80 tonnes sont pourtant déjà accumulées.

De fait, au lieu de saisir l’occasion de renoncer à cette opération dangereuse, polluante et coûteuse, le texte de la PPE fait encore miroiter une filière basée sur l’utilisation du plutonium, reposant notamment sur les réacteurs dits « de quatrième génération ». Loin de proposer une nouvelle technologie ultra-moderne, il s’agit en fait de ressortir des cartons des projets similaires au réacteur Superphénix, qui a (dys)fonctionné cahin-caha de 1984 à 1996 et s’avère maintenant impossible à démanteler.

La PPE fait ainsi référence au projet ASTRID, porté par le Commissariat à l’Énergie Atomique et qui progresse en catimini dans l’opacité la plus totale. Le réacteur ASTRID, qui repose sur les mêmes principes que Superphénix et comporte les mêmes risques, aura besoin d’une certaine quantité de plutonium pour démarrer…

« A plus long terme, le recyclage des combustibles est exploré dans le cadre des recherches sur les systèmes nucléaires de quatrième génération, notamment à l’aide des réacteurs à neutrons rapides (RNR). Sur la base des enseignements tirés des réacteurs précédents en France et à l’international, la France a lancé en 2010 les études de conception d’un démonstrateur technologique RNR-sodium avec le projet ASTRID. Les études se poursuivent actuellement avec une phase de conception détaillée prévue sur la période 2016-2019. »

Flou sur la date d’arrêt de Fessenheim, fermetures de centrales non planifiées, travaux de rafistolages encouragés, réacteurs du passé remaquillés en filière d’avenir : voilà la politique énergétique dessinée par le gouvernement !

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