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Et ce qui devait arriver AREVA...

Parole de militant

Article publié le 28 juillet 2011



Moi, Xavier F., écologiste et citoyen ordinaire

Je m’appelle Xavier, j’ai 38 ans. Je vis en couple sans enfants, dans le nord des Yvelines, en banlieue parisienne. Je suis originaire du Sud-Ouest. J’ai longtemps travaillé dans l’industrie agroalimentaire ; je m’occupais de la gestion de la qualité. En 2005, j’ai souhaité gérer un point de vente parisien de l’entreprise dans laquelle je travaillais. En 2009, je me suis lassé, et j’ai décidé de me réorienter professionnellement. Après un bilan de compétences, j’ai réalisé une formation dans le domaine des énergies solaires, et obtenu un certificat de formation professionnelle. J’ai décroché un CDI dans l’entreprise qui m’avait accueilli pour mon stage. À cette époque, mon entreprise avait de nombreux chantiers en perspective. Les choses se sont cependant rapidement dégradées puisque, seulement neuf mois plus tard, mon patron n’arrivait plus à assurer correctement le versement des salaires : en effet, dans l’intervalle les conditions d’aide au secteur photovoltaïque avaient changé plusieurs fois, et un moratoire avait été décrété. Du coup, il y a un mois en juin 2011, j’ai du convenir avec mon entreprise d’une rupture conventionnelle de contrat.

« Malgré les difficultés du secteur, je souhaite toujours travailler dans les énergies renouvelables »

Aujourd’hui, je souhaite toujours travailler dans les énergies renouvelables, malgré les difficultés que connaît le secteur. J’aimerais pouvoir créer mon entreprise et travailler à mon compte. Ce choix professionnel fait partie d’une démarche globale : même si je me considère comme un citoyen tout à fait « normal », je m’applique à respecter mes valeurs. Pour moi, il n’y a rien de très extraordinaire : résidant en Ile de France, je privilégie les transports en commun pour mes trajets domicile/lieu de travail, même si pour circuler de banlieue à banlieue, je préfère le deux-roues. Ma compagne possède une voiture, que nous utilisons très peu. Je fais du sport dans un club auquel je donne un peu de mon temps libre comme bénévole. Je ne suis pas citadin à la base, mais j’aime profiter des avantages que la région parisienne offre : expositions, concerts, sorties, je ne me prive pas vraiment. Ma vie n’a rien d’austère, bien que je m’efforce de vivre de manière responsable. Ne pas gaspiller, être un consommateur attentif et avisé, faire la différence entre besoins réels et envies… C’est une question de principes : je suis fatigué de ce marketing agressif et omniprésent qui nous infantilise et nous dicte nos modes de vie. A-t-on vraiment besoin de nous pousser à consommer des choses inutiles ? Ne sommes-nous pas assez adultes pour décider de nos besoins et de nos envies ? Que se passe-t-il si demain, nous cessons de consommer « bête » et réfléchissons avant d’acheter ?

« Plus nous serons exigeants vis-à-vis des fabricants, plus ceux-ci se verront forcés de modifier leurs pratiques »

C’est la même chose pour l’alimentation : pourquoi acheter des oignons produits en Italie ou en Espagne, puisque nous avons les mêmes qui poussent ici ? Sans être totalement « locavore », je privilégie au maximum les produits qui ne viennent pas de loin, et je suis très attaché aux produits issus de l’agriculture biologique. Je n’achète que peu de produits élaborés : je préfère passer une demi-heure à cuisiner le soir et savoir ce que j’ai dans mon assiette, plutôt que d’acheter des produits transformés avec des étiquettes obscures où je ne comprends pas très bien quels ingrédients y sont inscrits. Pour ce qui est des autres produits de consommation, je m’oriente systématiquement vers des produits qui garantissent un impact environnemental moindre, et plus ils sont issus de la filière équitable, mieux c’est. Ce n’est pas toujours évident, mais je suis convaincu que plus nous serons exigeants vis-à-vis des fabricants, plus ceux-ci se verront forcés de modifier leurs pratiques. Mon mode de vie actuel s’est mis en place progressivement. Mon arrivée en région parisienne a été un vrai bouleversement : j’ai été effaré par la saturation des réseaux de circulation, par la pollution atmosphérique, par ce bétonnage anarchique et incessant. Tout cela paraît tellement absurde, quand on vient d’une petite ville provinciale. On continue de construire des logements dans des cités-dortoirs, alors que les moyens de transports sont tous saturés. On bâtit des zones d’activités, des zones de consommations, des zones de résidences, des zones de bureaux. Quel monde de fous ! Un jour, un peu par hasard, dans mon village d’origine, j’ai assisté à la projection d’un film de Jean-Paul Jaud, Nos enfants nous accuseront. Ce film a été un électrochoc pour moi, et a été l’un des éléments déclencheurs de mon engagement quotidien aujourd’hui. Depuis ce film, je consomme bio, je suis de près les informations et les documentaires en rapport avec l’environnement. Je m’intéresse aux associations, au Réseau "Sortir du nucléaire" bien sûr, mais aussi à Greenpeace, Surfrider Foundation, Les Amis de la Terre, Kokopelli, Terre de liens… Je suis de nature curieuse, alors j’ai découvert toutes ces associations au fur et à mesure de mes recherches. Tous ces acteurs ont fait de moi le citoyen responsable, écologiste et humaniste que je crois être aujourd’hui.

« J’ai été profondément choqué par la gestion des évènements de Fukushima »

Fukushima a eu l’effet d’un révélateur pour moi. Pas seulement la catastrophe en elle-même, terrible et qui ne fait que commencer, mais la façon dont les évènements ont été « gérés » par les instances dirigeantes : la manière dont ils ont minimisé les faits, occupé tous les plateaux de télévision possibles pour défendre contre « vents et tsunamis » l’industrie du nucléaire. Leurs arguments étaient tellement navrants, dignes du comptoir du Café du Commerce : la fameuse indépendance énergétique que procure le nucléaire, son soi-disant faible coût, la supériorité technologique de l’expertise française... Pas un débat où « l’expert scientifique en nucléaire » ne soit un employé ou un retraité d’EDF, d’Areva, du CEA... Apothéose : la réaction du Ministre de l’Energie Eric Besson, qui quitte le plateau de l’émission « Capital » de M6, ulcéré par les commentaires du présentateur sur les problèmes de sécurité, lâchant au passage le désormais célèbre « Fait chier, j’me casse ! ». Ce spectacle est pour moi profondément choquant : des dirigeants sourds à tous les arguments et raisonnements, qui défendent obstinément le nucléaire. À cela s’additionnent les pages entières de publicité déversées dans la presse écrite pour faire l’éloge du nucléaire par EDF et le soutien d’Areva à la fédération Française d’athlétisme pour se donner une bonne image. Est-ce normal de pouvoir se refaire une virginité en signant un chèque, aussi conséquent soit-il ? Est-ce acceptable que la presse soit arrosée par EDF, rendant par conséquent toute critique infiniment plus périlleuse ? Je considère plus que jamais, dans ce contexte de campagne pour les élections présidentielles, qu’il est du devoir de chacun de militer, s’informer, débattre à tous les niveaux, afin que les futurs électeurs puissent entendre toutes les informations, et pas seulement le discours rôdé d’EDF, d’Areva et de leurs représentants politiques.

« Je passe mon temps à justifier mon choix professionnel »

J’ai remarqué que, depuis que j’ai décidé ma reconversion professionnelle dans le domaine des énergies renouvelables, je reçoit régulièrement des réflexions de personnes qui, sans vraiment connaître le sujet, ont des a priori négatifs sur ces énergies. Dans le meilleur des cas, mes interlocuteurs manifestent de la curiosité : on me demande si « ça marche » vraiment. Mais le plus souvent, ce sont des réactions de rejet : on va souvent jusqu’à me dire que ces sources d’énergies sont « pire » que les énergies conventionnelles, que ce n’est pas rentable, que ce n’est pas fiable, pas recyclable… Quand on me laisse l’occasion d’expliquer un peu le fonctionnement de ces énergies, ces préjugés fondent systématiquement comme neige au soleil. Vraisemblablement, les gens répètent sans trop réfléchir les bribes d’informations erronées entendues ça et là. Par exemple, ils ne savent même pas ce qu’est un panneau photovoltaïque, ni de quoi il est composé, mais « on » leur a dit que ce n’est garanti que 10 ans, et « il paraît que » ce n’est pas recyclable. C’est aussi cette désinformation ambiante, ainsi que le manque de débats sur ces sujets qui me poussent à militer. Être un citoyen engagé m’oblige à devoir me justifier souvent, et cela dans n’importe quel cadre : aussi bien à un apéritif entre copains que dans un repas de famille, ou au sein de mon club de sport. J’ai parfois l’impression étrange que certains ne sont pas loin de considérer que l’écologie, d’une manière générale, pourrait leur faire du tort, et je décèle presque de l’agressivité chez certains. Cette agressivité, je l’ai subie de plein fouet lors d’une manifestation à laquelle j’ai récemment participé. Le 8 juillet dernier, un tractage avait été organisé par le Réseau "Sortir du nucléaire" devant l’enceinte du Stade de France, pour informer les spectateurs à propos des activités d’Areva. En effet, Areva est devenu le sponsor officiel de la Fédération Française d’Athlétisme, ce qui l’autorise à donner son nom à la compétition « Meeting Areva ». Les tracts avaient simplement une visée informative : il s’agissait d’expliquer qui est Areva, quelles sont ses activités, pourquoi elle essaie de se racheter une image sur les valeurs du sport et de l’athlétisme, pourquoi elle s’attache à financer des sports « décarbonés », etc. Il est important que les citoyens et amateurs d’athlétisme sachent qui se cache derrière le généreux mécène.

« Nous avons été encerclés par des CRS, puis parqués dans un bus avec le chauffage au maximum »

Nous n’avons même pas eu le temps de commencer la distribution de tracts puisque, visiblement informés de notre venue, des CRS nous ont encerclés dès notre arrivée et empêchés d’accéder aux abords du Stade de France. Ils nous ont ainsi retenus pendant un moment, sans nous donner d’explication, puis nous ont embarqués dans un car pour un contrôle d’identité. On a été conduits au commissariat de Saint-Denis. La moitié du groupe est restée là et l’autre moitié, dont je faisais partie, a été redirigée vers celui d’Aubervilliers. Tout cela a pris environ 3 heures et a ainsi rendu impossible notre tractage. Seuls deux groupes, qui avaient pris un itinéraire différent, ont pu distribuer des documents et aborder les spectateurs du meeting. Même si c’était la première fois que je participais à ce genre d’actions, je m’attendais à ce que nous soyons un peu « chahutés ». On avait pris soin, au préalable, de se répartir en petits groupes, pour ne pas constituer un rassemblement de personnes. J’ai été stupéfait de constater le nombre de CRS présents uniquement pour nous, et effaré de constater que nous avions été parfaitement identifiés en amont (à une erreur près : une jeune femme qui se rendait au meeting sur invitation d’Areva a été embarquée avec nous…). La mise en œuvre de tels moyens m’a confirmé à quel point le gouvernement est sur la défensive sur le sujet du nucléaire, et qu’il ne lésine pas sur les moyens pour faire taire la contestation. Avant de me rendre à ce rendez-vous militant, je craignais un peu de me retrouver avec des activistes virulents qui auraient pu envenimer les rapports avec la police. En même temps, j’avais également peur que les CRS fassent du zèle. J’ai été agréablement surpris par le comportement des militants présents : même si certains tenaient à résister à l’action des CRS et à se faire entendre, il n’y a eu aucun dérapage de notre côté ; au contraire, l’ambiance était plutôt sereine, même si nous étions tous franchement écœurés par cette arrestation arbitraire. J’ai aussi tout de suite ressenti une certaine solidarité entre nous même si, pour bon nombre, nous ne nous connaissions pas avant d’arriver là. Mais je tiens également à signaler le bon comportement de la police : arrivé au commissariat, l’un d’eux a fini par nous écouter et a demandé à son supérieur que le cas de la jeune femme, qui allait au meeting et qui avait été embarquée avec nous par erreur, soit traité à part, en faisant ensuite ce commentaire : « c’est vraiment n’importe quoi ! ». Il mérite selon moi d’être cité comme exemple. Par contre, le comportement des CRS n’a pas été franchement exemplaire : ils ne nous ont pas dit pourquoi nous étions arrêtés (et pour cause, il n’y avait aucune raison valable et certains policiers n’étaient pas franchement à l’aise quand on insistait un peu pour avoir des explications). Les seuls CRS qui répondaient à nos questions prétendaient qu’ils ne savaient pas, que ce n’était pas eux qui décidaient. Tout a été fait pour nous mettre en défaut : le chauffage a été poussé au maximum dans le bus, en nous laissant plus de 20 minutes en plein soleil. Je pense qu’ils souhaitaient nous mettre à bout, nous énerver, sans doute dans l’espoir de nous pousser à faire quelque chose que l’on aurait pu ensuite qualifier d’outrage. Les policiers des deux commissariats ont tenté à plusieurs reprises de nous interdire l’usage de nos téléphones en dehors, bien sûr, de toute justification légale puisque officiellement rien ne nous était reproché. Enfin, certains CRS se sont comportés de manière affligeante : ils se sont ouvertement moqués de nous lorsque nous leur avons demandé d’éteindre le chauffage, et ils n’ont pas hésité à faire des remarques totalement déplacées, notamment sur le fait qu’il y ait des Japonais avec nous. Je croyais naïvement que les agents de police étaient soumis à un devoir de réserve, malheureusement, certains d’entre eux s’évertuent à entretenir le cliché du policier raciste, bête et méchant. Pour ceux là, la présomption d’innocence ne pèse pas lourd, surtout quand vous ne partagez pas leur idées. Lorsque vous êtes entre leurs mains, ils pensent avoir tous les droits, et je dois avouer que ça m’effraie.

« Allons chercher l’information et soyons curieux »

Je souhaiterais vraiment finir sur ce point : pour moi, l’écologie est foncièrement positive. L’écologie va dans l’intérêt du plus grand nombre, et le respect de l’environnement, est la seule voie qui, à mes yeux, ne nous mène pas à une impasse. La main-mise sur la production de l’énergie ou sur le contrôle du vivant ne sert les intérêts que d’une minorité. Nous sommes à un stade où la loi du marché n’est plus adaptée aux réalités de l’épuisement des ressources : plus une matière première est en voie d’épuisement, plus les prix augmentent. Cela accélère son exploitation et permet une débauche de moyens pour la perpétuer (on le voit avec les sables bitumineux, le gaz de schiste...). Ce fonctionnement est complètement insoutenable ! Je ne vais pas reprendre l’argumentaire complet en faveur des énergies renouvelables, mais ce n’est pas en fabricant des centrales toujours plus grosses que l’on résoudra les problèmes d’indépendance énergétique, aussi bien à l’échelle du consommateur que du pays. J’encourage tout le monde à ne pas s’arrêter à l’écran de fumée établi par la puissance économique des grosses sociétés, mais à aller chercher les informations un peu partout. Soyez curieux, ne restez pas passifs et vous pourrez voir où se trouvent les intérêts des uns et des autres. Pour ce qui est du sujet du nucléaire, je conseille vivement le site du Réseau « Sortir du nucléaire » et celui de la CRIIRAD, car il sont tous les deux extrêmement bien documentés, précis, avec des références sérieuses et vérifiables. Il n’y a pas qu’une solution pour une politique énergétique durable. J’aimerais qu’on cesse avec les clichés les plus idiots, du genre « pour remplacer le nucléaire, il faudrait une éolienne tous les 200m ». Résoudre les problèmes énergétiques en France, c’est un ensemble d’actions à mener, qui sont toutes complémentaires (voir le scénario Négawatt). Cela se fait déjà dans d’autres pays, notamment dans certaines régions d’Allemagne, alors pourquoi continuer à cotiser bien sagement chez Areva en prenant des risques énormes ? Enfin, en attendant que les lignes bougent en France, il existe tout de même une possibilité de ne plus financer intégralement le nucléaire : Enercoop (nos impôts paient toujours la recherche, la présence de l’armée Française au Niger, etc... et il faudra en payer encore pour le démantèlement des centrales, la gestion des déchets...). En résumé : informons-nous correctement et ensuite agissons. Cela permettra peut-être qu’un jour, je ne voie plus passer de train de containers avec le sigle des matières radioactives en attendant mon RER…

Moi, Xavier F., écologiste et citoyen ordinaire

Je m’appelle Xavier, j’ai 38 ans. Je vis en couple sans enfants, dans le nord des Yvelines, en banlieue parisienne. Je suis originaire du Sud-Ouest. J’ai longtemps travaillé dans l’industrie agroalimentaire ; je m’occupais de la gestion de la qualité. En 2005, j’ai souhaité gérer un point de vente parisien de l’entreprise dans laquelle je travaillais. En 2009, je me suis lassé, et j’ai décidé de me réorienter professionnellement. Après un bilan de compétences, j’ai réalisé une formation dans le domaine des énergies solaires, et obtenu un certificat de formation professionnelle. J’ai décroché un CDI dans l’entreprise qui m’avait accueilli pour mon stage. À cette époque, mon entreprise avait de nombreux chantiers en perspective. Les choses se sont cependant rapidement dégradées puisque, seulement neuf mois plus tard, mon patron n’arrivait plus à assurer correctement le versement des salaires : en effet, dans l’intervalle les conditions d’aide au secteur photovoltaïque avaient changé plusieurs fois, et un moratoire avait été décrété. Du coup, il y a un mois en juin 2011, j’ai du convenir avec mon entreprise d’une rupture conventionnelle de contrat.

« Malgré les difficultés du secteur, je souhaite toujours travailler dans les énergies renouvelables »

Aujourd’hui, je souhaite toujours travailler dans les énergies renouvelables, malgré les difficultés que connaît le secteur. J’aimerais pouvoir créer mon entreprise et travailler à mon compte. Ce choix professionnel fait partie d’une démarche globale : même si je me considère comme un citoyen tout à fait « normal », je m’applique à respecter mes valeurs. Pour moi, il n’y a rien de très extraordinaire : résidant en Ile de France, je privilégie les transports en commun pour mes trajets domicile/lieu de travail, même si pour circuler de banlieue à banlieue, je préfère le deux-roues. Ma compagne possède une voiture, que nous utilisons très peu. Je fais du sport dans un club auquel je donne un peu de mon temps libre comme bénévole. Je ne suis pas citadin à la base, mais j’aime profiter des avantages que la région parisienne offre : expositions, concerts, sorties, je ne me prive pas vraiment. Ma vie n’a rien d’austère, bien que je m’efforce de vivre de manière responsable. Ne pas gaspiller, être un consommateur attentif et avisé, faire la différence entre besoins réels et envies… C’est une question de principes : je suis fatigué de ce marketing agressif et omniprésent qui nous infantilise et nous dicte nos modes de vie. A-t-on vraiment besoin de nous pousser à consommer des choses inutiles ? Ne sommes-nous pas assez adultes pour décider de nos besoins et de nos envies ? Que se passe-t-il si demain, nous cessons de consommer « bête » et réfléchissons avant d’acheter ?

« Plus nous serons exigeants vis-à-vis des fabricants, plus ceux-ci se verront forcés de modifier leurs pratiques »

C’est la même chose pour l’alimentation : pourquoi acheter des oignons produits en Italie ou en Espagne, puisque nous avons les mêmes qui poussent ici ? Sans être totalement « locavore », je privilégie au maximum les produits qui ne viennent pas de loin, et je suis très attaché aux produits issus de l’agriculture biologique. Je n’achète que peu de produits élaborés : je préfère passer une demi-heure à cuisiner le soir et savoir ce que j’ai dans mon assiette, plutôt que d’acheter des produits transformés avec des étiquettes obscures où je ne comprends pas très bien quels ingrédients y sont inscrits. Pour ce qui est des autres produits de consommation, je m’oriente systématiquement vers des produits qui garantissent un impact environnemental moindre, et plus ils sont issus de la filière équitable, mieux c’est. Ce n’est pas toujours évident, mais je suis convaincu que plus nous serons exigeants vis-à-vis des fabricants, plus ceux-ci se verront forcés de modifier leurs pratiques. Mon mode de vie actuel s’est mis en place progressivement. Mon arrivée en région parisienne a été un vrai bouleversement : j’ai été effaré par la saturation des réseaux de circulation, par la pollution atmosphérique, par ce bétonnage anarchique et incessant. Tout cela paraît tellement absurde, quand on vient d’une petite ville provinciale. On continue de construire des logements dans des cités-dortoirs, alors que les moyens de transports sont tous saturés. On bâtit des zones d’activités, des zones de consommations, des zones de résidences, des zones de bureaux. Quel monde de fous ! Un jour, un peu par hasard, dans mon village d’origine, j’ai assisté à la projection d’un film de Jean-Paul Jaud, Nos enfants nous accuseront. Ce film a été un électrochoc pour moi, et a été l’un des éléments déclencheurs de mon engagement quotidien aujourd’hui. Depuis ce film, je consomme bio, je suis de près les informations et les documentaires en rapport avec l’environnement. Je m’intéresse aux associations, au Réseau "Sortir du nucléaire" bien sûr, mais aussi à Greenpeace, Surfrider Foundation, Les Amis de la Terre, Kokopelli, Terre de liens… Je suis de nature curieuse, alors j’ai découvert toutes ces associations au fur et à mesure de mes recherches. Tous ces acteurs ont fait de moi le citoyen responsable, écologiste et humaniste que je crois être aujourd’hui.

« J’ai été profondément choqué par la gestion des évènements de Fukushima »

Fukushima a eu l’effet d’un révélateur pour moi. Pas seulement la catastrophe en elle-même, terrible et qui ne fait que commencer, mais la façon dont les évènements ont été « gérés » par les instances dirigeantes : la manière dont ils ont minimisé les faits, occupé tous les plateaux de télévision possibles pour défendre contre « vents et tsunamis » l’industrie du nucléaire. Leurs arguments étaient tellement navrants, dignes du comptoir du Café du Commerce : la fameuse indépendance énergétique que procure le nucléaire, son soi-disant faible coût, la supériorité technologique de l’expertise française... Pas un débat où « l’expert scientifique en nucléaire » ne soit un employé ou un retraité d’EDF, d’Areva, du CEA... Apothéose : la réaction du Ministre de l’Energie Eric Besson, qui quitte le plateau de l’émission « Capital » de M6, ulcéré par les commentaires du présentateur sur les problèmes de sécurité, lâchant au passage le désormais célèbre « Fait chier, j’me casse ! ». Ce spectacle est pour moi profondément choquant : des dirigeants sourds à tous les arguments et raisonnements, qui défendent obstinément le nucléaire. À cela s’additionnent les pages entières de publicité déversées dans la presse écrite pour faire l’éloge du nucléaire par EDF et le soutien d’Areva à la fédération Française d’athlétisme pour se donner une bonne image. Est-ce normal de pouvoir se refaire une virginité en signant un chèque, aussi conséquent soit-il ? Est-ce acceptable que la presse soit arrosée par EDF, rendant par conséquent toute critique infiniment plus périlleuse ? Je considère plus que jamais, dans ce contexte de campagne pour les élections présidentielles, qu’il est du devoir de chacun de militer, s’informer, débattre à tous les niveaux, afin que les futurs électeurs puissent entendre toutes les informations, et pas seulement le discours rôdé d’EDF, d’Areva et de leurs représentants politiques.

« Je passe mon temps à justifier mon choix professionnel »

J’ai remarqué que, depuis que j’ai décidé ma reconversion professionnelle dans le domaine des énergies renouvelables, je reçoit régulièrement des réflexions de personnes qui, sans vraiment connaître le sujet, ont des a priori négatifs sur ces énergies. Dans le meilleur des cas, mes interlocuteurs manifestent de la curiosité : on me demande si « ça marche » vraiment. Mais le plus souvent, ce sont des réactions de rejet : on va souvent jusqu’à me dire que ces sources d’énergies sont « pire » que les énergies conventionnelles, que ce n’est pas rentable, que ce n’est pas fiable, pas recyclable… Quand on me laisse l’occasion d’expliquer un peu le fonctionnement de ces énergies, ces préjugés fondent systématiquement comme neige au soleil. Vraisemblablement, les gens répètent sans trop réfléchir les bribes d’informations erronées entendues ça et là. Par exemple, ils ne savent même pas ce qu’est un panneau photovoltaïque, ni de quoi il est composé, mais « on » leur a dit que ce n’est garanti que 10 ans, et « il paraît que » ce n’est pas recyclable. C’est aussi cette désinformation ambiante, ainsi que le manque de débats sur ces sujets qui me poussent à militer. Être un citoyen engagé m’oblige à devoir me justifier souvent, et cela dans n’importe quel cadre : aussi bien à un apéritif entre copains que dans un repas de famille, ou au sein de mon club de sport. J’ai parfois l’impression étrange que certains ne sont pas loin de considérer que l’écologie, d’une manière générale, pourrait leur faire du tort, et je décèle presque de l’agressivité chez certains. Cette agressivité, je l’ai subie de plein fouet lors d’une manifestation à laquelle j’ai récemment participé. Le 8 juillet dernier, un tractage avait été organisé par le Réseau "Sortir du nucléaire" devant l’enceinte du Stade de France, pour informer les spectateurs à propos des activités d’Areva. En effet, Areva est devenu le sponsor officiel de la Fédération Française d’Athlétisme, ce qui l’autorise à donner son nom à la compétition « Meeting Areva ». Les tracts avaient simplement une visée informative : il s’agissait d’expliquer qui est Areva, quelles sont ses activités, pourquoi elle essaie de se racheter une image sur les valeurs du sport et de l’athlétisme, pourquoi elle s’attache à financer des sports « décarbonés », etc. Il est important que les citoyens et amateurs d’athlétisme sachent qui se cache derrière le généreux mécène.

« Nous avons été encerclés par des CRS, puis parqués dans un bus avec le chauffage au maximum »

Nous n’avons même pas eu le temps de commencer la distribution de tracts puisque, visiblement informés de notre venue, des CRS nous ont encerclés dès notre arrivée et empêchés d’accéder aux abords du Stade de France. Ils nous ont ainsi retenus pendant un moment, sans nous donner d’explication, puis nous ont embarqués dans un car pour un contrôle d’identité. On a été conduits au commissariat de Saint-Denis. La moitié du groupe est restée là et l’autre moitié, dont je faisais partie, a été redirigée vers celui d’Aubervilliers. Tout cela a pris environ 3 heures et a ainsi rendu impossible notre tractage. Seuls deux groupes, qui avaient pris un itinéraire différent, ont pu distribuer des documents et aborder les spectateurs du meeting. Même si c’était la première fois que je participais à ce genre d’actions, je m’attendais à ce que nous soyons un peu « chahutés ». On avait pris soin, au préalable, de se répartir en petits groupes, pour ne pas constituer un rassemblement de personnes. J’ai été stupéfait de constater le nombre de CRS présents uniquement pour nous, et effaré de constater que nous avions été parfaitement identifiés en amont (à une erreur près : une jeune femme qui se rendait au meeting sur invitation d’Areva a été embarquée avec nous…). La mise en œuvre de tels moyens m’a confirmé à quel point le gouvernement est sur la défensive sur le sujet du nucléaire, et qu’il ne lésine pas sur les moyens pour faire taire la contestation. Avant de me rendre à ce rendez-vous militant, je craignais un peu de me retrouver avec des activistes virulents qui auraient pu envenimer les rapports avec la police. En même temps, j’avais également peur que les CRS fassent du zèle. J’ai été agréablement surpris par le comportement des militants présents : même si certains tenaient à résister à l’action des CRS et à se faire entendre, il n’y a eu aucun dérapage de notre côté ; au contraire, l’ambiance était plutôt sereine, même si nous étions tous franchement écœurés par cette arrestation arbitraire. J’ai aussi tout de suite ressenti une certaine solidarité entre nous même si, pour bon nombre, nous ne nous connaissions pas avant d’arriver là. Mais je tiens également à signaler le bon comportement de la police : arrivé au commissariat, l’un d’eux a fini par nous écouter et a demandé à son supérieur que le cas de la jeune femme, qui allait au meeting et qui avait été embarquée avec nous par erreur, soit traité à part, en faisant ensuite ce commentaire : « c’est vraiment n’importe quoi ! ». Il mérite selon moi d’être cité comme exemple. Par contre, le comportement des CRS n’a pas été franchement exemplaire : ils ne nous ont pas dit pourquoi nous étions arrêtés (et pour cause, il n’y avait aucune raison valable et certains policiers n’étaient pas franchement à l’aise quand on insistait un peu pour avoir des explications). Les seuls CRS qui répondaient à nos questions prétendaient qu’ils ne savaient pas, que ce n’était pas eux qui décidaient. Tout a été fait pour nous mettre en défaut : le chauffage a été poussé au maximum dans le bus, en nous laissant plus de 20 minutes en plein soleil. Je pense qu’ils souhaitaient nous mettre à bout, nous énerver, sans doute dans l’espoir de nous pousser à faire quelque chose que l’on aurait pu ensuite qualifier d’outrage. Les policiers des deux commissariats ont tenté à plusieurs reprises de nous interdire l’usage de nos téléphones en dehors, bien sûr, de toute justification légale puisque officiellement rien ne nous était reproché. Enfin, certains CRS se sont comportés de manière affligeante : ils se sont ouvertement moqués de nous lorsque nous leur avons demandé d’éteindre le chauffage, et ils n’ont pas hésité à faire des remarques totalement déplacées, notamment sur le fait qu’il y ait des Japonais avec nous. Je croyais naïvement que les agents de police étaient soumis à un devoir de réserve, malheureusement, certains d’entre eux s’évertuent à entretenir le cliché du policier raciste, bête et méchant. Pour ceux là, la présomption d’innocence ne pèse pas lourd, surtout quand vous ne partagez pas leur idées. Lorsque vous êtes entre leurs mains, ils pensent avoir tous les droits, et je dois avouer que ça m’effraie.

« Allons chercher l’information et soyons curieux »

Je souhaiterais vraiment finir sur ce point : pour moi, l’écologie est foncièrement positive. L’écologie va dans l’intérêt du plus grand nombre, et le respect de l’environnement, est la seule voie qui, à mes yeux, ne nous mène pas à une impasse. La main-mise sur la production de l’énergie ou sur le contrôle du vivant ne sert les intérêts que d’une minorité. Nous sommes à un stade où la loi du marché n’est plus adaptée aux réalités de l’épuisement des ressources : plus une matière première est en voie d’épuisement, plus les prix augmentent. Cela accélère son exploitation et permet une débauche de moyens pour la perpétuer (on le voit avec les sables bitumineux, le gaz de schiste...). Ce fonctionnement est complètement insoutenable ! Je ne vais pas reprendre l’argumentaire complet en faveur des énergies renouvelables, mais ce n’est pas en fabricant des centrales toujours plus grosses que l’on résoudra les problèmes d’indépendance énergétique, aussi bien à l’échelle du consommateur que du pays. J’encourage tout le monde à ne pas s’arrêter à l’écran de fumée établi par la puissance économique des grosses sociétés, mais à aller chercher les informations un peu partout. Soyez curieux, ne restez pas passifs et vous pourrez voir où se trouvent les intérêts des uns et des autres. Pour ce qui est du sujet du nucléaire, je conseille vivement le site du Réseau « Sortir du nucléaire » et celui de la CRIIRAD, car il sont tous les deux extrêmement bien documentés, précis, avec des références sérieuses et vérifiables. Il n’y a pas qu’une solution pour une politique énergétique durable. J’aimerais qu’on cesse avec les clichés les plus idiots, du genre « pour remplacer le nucléaire, il faudrait une éolienne tous les 200m ». Résoudre les problèmes énergétiques en France, c’est un ensemble d’actions à mener, qui sont toutes complémentaires (voir le scénario Négawatt). Cela se fait déjà dans d’autres pays, notamment dans certaines régions d’Allemagne, alors pourquoi continuer à cotiser bien sagement chez Areva en prenant des risques énormes ? Enfin, en attendant que les lignes bougent en France, il existe tout de même une possibilité de ne plus financer intégralement le nucléaire : Enercoop (nos impôts paient toujours la recherche, la présence de l’armée Française au Niger, etc... et il faudra en payer encore pour le démantèlement des centrales, la gestion des déchets...). En résumé : informons-nous correctement et ensuite agissons. Cela permettra peut-être qu’un jour, je ne voie plus passer de train de containers avec le sigle des matières radioactives en attendant mon RER…



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