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Sortir du nucléaire n°52



Hiver 2012

Alternatives

Palestine : être autonome avec les énergies renouvelables

Article paru dans la revue Sortir du nucléaire n°52 - Hiver 2012

 Energies renouvelables


L’association Comet-ME (Community, Energy and Technology in the Middle-East) aide les populations palestiniennes les plus marginalisées par l’occupation israélienne à retrouver de l’autonomie dans leur vie quotidienne, en mettant en place avec elles des solutions de production d’énergie non connectées au réseau électrique, à partir des énergies solaire et éolienne. Bien qu’ayant paru (en anglais) en mars 2009, cet entretien avec Elad Orian, co-fondateur de COMET, garde toute son actualité. C’est pourquoi nous avons décidé de le traduire et de le publier aujourd’hui.



Par la production durable d’énergie pour les villages non raccordés au réseau, ce projet vise à rendre socialement et économiquement autonomes les populations palestiniennes de la région au sud du Mont Hébron. Il s’agit en effet de l’une des zones les plus pauvres et les plus marginalisées des territoires palestiniens sous contrôle israélien. Le projet est modeste, puisqu’Elad Orian et son partenaire Noam Dotan animent le projet COMET pendant leur temps libre, mais il a fait ses preuves. À l’été 2008, ils ont installé 20 systèmes solaires de leur fabrication dans le village de Susya, et organisé un atelier de construction d’éolienne pour les Palestiniens de toute la Cisjordanie.

Quelle est la situation des Territoires palestiniens dans le domaine des énergies renouvelables ?

Elad : Dans la zone A (sous contrôle civil et militaire complet des Palestiniens) et la zone B (sous contrôle militaire israélien et sous contrôle civil palestinien), il existe un fournisseur palestinien d’électricité, qui s’approvisionne lui-même en Israël. Cette société palestinienne exploite une petite centrale électrique, mais le reste de l’électricité vient d’Israël. En Palestine, les gens paient ainsi leur électricité jusqu’à trois fois plus cher. Il existe quelques miniprojets d’énergie renouvelable, mais assez peu.

Là où nous travaillons, des Allemands ont installé des panneaux solaires il y a une dizaine d’années. Cependant, ils ne sont pas restés pour assurer l’entretien et un grand nombre de ces systèmes ne fonctionnent plus. En fait, nous avons "cannibalisé" certains de ces systèmes pour nous procurer des panneaux solaires supplémentaires. Les panneaux proprement dits fonctionnent toujours, mais il faut remplacer les batteries tous les deux ou trois ans.

Pourquoi avez-vous choisi le sud du Mont Hébron plutôt que d’autres secteurs des Territoires palestiniens ?

Elad : Le secteur sud du Mont Hébron est l’un des plus pauvres de la Palestine (avec la vallée du Jourdain), du moins en Cisjordanie. Cette grande pauvreté est due au fait que cette population vit dans la zone C (sous contrôle militaire et civil intégralement israélien). Non seulement Israël contrôle la région, mais ce contrôle est également civil. Ainsi, la moindre installation civile est interdite à cause de ce contrôle exercé par Israël. Vous êtes donc en présence d’une situation ridicule, mais terrible, où des lignes à haute tension passent au-dessus de certains villages, mais sans les desservir. Ou bien ils sont traversés par un énorme aqueduc, mais ne sont pas raccordés au réseau de distribution d’eau.

Il existe de nombreuses manières d’électrifier un village. Pourquoi une énergie renouvelable ?

Elad : Le raccordement au réseau électrique n’est pas le bon choix. C’est hors de question et cela n’arrivera pas à cause de la politique de l’occupation.

Sur le plan idéologique, nous préférons avoir une énergie renouvelable propre que ces générateurs qui rejettent de grandes quantités de CO2 et d’autres polluants.

En outre, il existe une technologie appropriée. Notre idée est d’utiliser la technologie de manière à rendre la population autonome. Il s’agit de réduire sa dépendance vis-à-vis de l’extérieur, plutôt que la rendre encore plus dépendante de choses sur lesquelles la population locale n’exerce aucun contrôle (prix du gazole, prix du fioul, prix du pétrole). Même si l’investissement initial est élevé, les systèmes renouvelables présentent l’avantage, une fois opérationnels, de rendre la population plus indépendante. Elle est mieux armée pour résister aux chocs extérieurs, aux aléas de la géopolitique, à toutes les choses sur lesquelles elle n’exerce aucun contrôle. Il faut savoir aussi que, sur le plan purement technique, fournir un générateur diesel capable de fonctionner longtemps et d’alimenter tout un village n’est pas une mince affaire. Il ne s’agit pas d’un de ces petits générateurs que vous achetez à la quincaillerie du coin. Vous devez acheter de gros générateurs, qui tournent à bas régime. Alors si vous prenez tout en compte, cela vous reviendra probablement plus cher qu’un système renouvelable (et ce sera bien plus polluant). Le choix des énergies renouvelables s’est donc imposé logiquement.

Nous pouvons construire une bonne partie des éléments nous-mêmes, ce qui présente un double avantage : cela abaisse le coût et nous permet de travailler avec la population locale. A la fin du processus, elle n’a plus besoin de nous. Elle est en mesure de construire ses propres systèmes et le tour est joué.

Comment réagissent les populations avec lesquelles vous travaillez ?

Elad : [Ce projet] est très important pour elles. Nous fournissons des services de base que les Occidentaux tiennent entièrement pour acquis. Ce n’est pas leur cas. Pas parce qu’elles n’en veulent pas, mais parce qu’Israël le leur interdit.

Comment la population participe-t-elle au projet ?

Elad : C’est elle qui nous indique ce dont elle a besoin. Nous apportons seulement l’expertise technique. Le projet reste dans les mains des populations locales, au sens où ce sont elles qui prennent les décisions. Elles disposent d’un comité de village. C’est lui qui prend les décisions, qui hiérarchise les besoins et détermine exactement ce que nous allons construire. C’est un processus long. Avant chaque installation, nous partons à la rencontre de chaque communauté, de chaque foyer. Nous parlons à tout le monde. Nous nous assurons qu’ils tiennent vraiment au projet et comprennent ce qui se passe.

L’été dernier, vous avez terminé l’installation de systèmes autonomes fonctionnant aux énergies renouvelables dans vingt foyers du village de Susya. Comment cela s’est-il passé ?

Elad : L’opération a été un grand succès. Pour commencer, tous les systèmes fonctionnent. Surtout, l’entretien du système, du moins jusqu’à un certain point, sera assuré par les populations locales. Nous avons de très bonnes indications que c’est déjà le cas. Les gens réparent le système en cas de panne ou installent de nouveaux composants sans même faire appel à nous. Certaines familles ont déménagé et emporté le système et l’ont réinstallé à leur nouveau domicile. Elles n’ont pas eu besoin de notre aide, ce qui montre clairement qu’elles comprennent parfaitement le fonctionnement du système. Elles nous appellent si elles ont besoin de pièces de rechange.

Quelle est l’étape suivante pour votre organisation ?

Elad : Nous comptons poursuivre dans cette voie. En ce moment [2009], nous levons des fonds. Nous recherchons la structure formelle adéquate. Nous ne sommes pas encore certains de la direction à emprunter. Pour le moment, nous levons des fonds afin de pouvoir continuer dans d’autres communautés.

Compte tenu de l’état actuel du marché, l’électricité du réseau est bien moins chère que celle produite avec les sources d’énergie renouvelables. Alors pour le moment, nous nous concentrons sur les populations qui ne sont pas raccordées au réseau. Il y en a suffisamment en Palestine pour nous occuper encore longtemps.

Pour en savoir plus, et soutenir l’action de COMET en faisant un don, rendez-vous sur le site internet de l’association : www.comet-me.org

Entretien réalisé par Rachel Bergstein,
le 11 mars 2009
Initialement publié en anglais par www.greenprophet.com
Traduit en français pour le Réseau "Sortir du nucléaire" par Gilles Chertier

Par la production durable d’énergie pour les villages non raccordés au réseau, ce projet vise à rendre socialement et économiquement autonomes les populations palestiniennes de la région au sud du Mont Hébron. Il s’agit en effet de l’une des zones les plus pauvres et les plus marginalisées des territoires palestiniens sous contrôle israélien. Le projet est modeste, puisqu’Elad Orian et son partenaire Noam Dotan animent le projet COMET pendant leur temps libre, mais il a fait ses preuves. À l’été 2008, ils ont installé 20 systèmes solaires de leur fabrication dans le village de Susya, et organisé un atelier de construction d’éolienne pour les Palestiniens de toute la Cisjordanie.

Quelle est la situation des Territoires palestiniens dans le domaine des énergies renouvelables ?

Elad : Dans la zone A (sous contrôle civil et militaire complet des Palestiniens) et la zone B (sous contrôle militaire israélien et sous contrôle civil palestinien), il existe un fournisseur palestinien d’électricité, qui s’approvisionne lui-même en Israël. Cette société palestinienne exploite une petite centrale électrique, mais le reste de l’électricité vient d’Israël. En Palestine, les gens paient ainsi leur électricité jusqu’à trois fois plus cher. Il existe quelques miniprojets d’énergie renouvelable, mais assez peu.

Là où nous travaillons, des Allemands ont installé des panneaux solaires il y a une dizaine d’années. Cependant, ils ne sont pas restés pour assurer l’entretien et un grand nombre de ces systèmes ne fonctionnent plus. En fait, nous avons "cannibalisé" certains de ces systèmes pour nous procurer des panneaux solaires supplémentaires. Les panneaux proprement dits fonctionnent toujours, mais il faut remplacer les batteries tous les deux ou trois ans.

Pourquoi avez-vous choisi le sud du Mont Hébron plutôt que d’autres secteurs des Territoires palestiniens ?

Elad : Le secteur sud du Mont Hébron est l’un des plus pauvres de la Palestine (avec la vallée du Jourdain), du moins en Cisjordanie. Cette grande pauvreté est due au fait que cette population vit dans la zone C (sous contrôle militaire et civil intégralement israélien). Non seulement Israël contrôle la région, mais ce contrôle est également civil. Ainsi, la moindre installation civile est interdite à cause de ce contrôle exercé par Israël. Vous êtes donc en présence d’une situation ridicule, mais terrible, où des lignes à haute tension passent au-dessus de certains villages, mais sans les desservir. Ou bien ils sont traversés par un énorme aqueduc, mais ne sont pas raccordés au réseau de distribution d’eau.

Il existe de nombreuses manières d’électrifier un village. Pourquoi une énergie renouvelable ?

Elad : Le raccordement au réseau électrique n’est pas le bon choix. C’est hors de question et cela n’arrivera pas à cause de la politique de l’occupation.

Sur le plan idéologique, nous préférons avoir une énergie renouvelable propre que ces générateurs qui rejettent de grandes quantités de CO2 et d’autres polluants.

En outre, il existe une technologie appropriée. Notre idée est d’utiliser la technologie de manière à rendre la population autonome. Il s’agit de réduire sa dépendance vis-à-vis de l’extérieur, plutôt que la rendre encore plus dépendante de choses sur lesquelles la population locale n’exerce aucun contrôle (prix du gazole, prix du fioul, prix du pétrole). Même si l’investissement initial est élevé, les systèmes renouvelables présentent l’avantage, une fois opérationnels, de rendre la population plus indépendante. Elle est mieux armée pour résister aux chocs extérieurs, aux aléas de la géopolitique, à toutes les choses sur lesquelles elle n’exerce aucun contrôle. Il faut savoir aussi que, sur le plan purement technique, fournir un générateur diesel capable de fonctionner longtemps et d’alimenter tout un village n’est pas une mince affaire. Il ne s’agit pas d’un de ces petits générateurs que vous achetez à la quincaillerie du coin. Vous devez acheter de gros générateurs, qui tournent à bas régime. Alors si vous prenez tout en compte, cela vous reviendra probablement plus cher qu’un système renouvelable (et ce sera bien plus polluant). Le choix des énergies renouvelables s’est donc imposé logiquement.

Nous pouvons construire une bonne partie des éléments nous-mêmes, ce qui présente un double avantage : cela abaisse le coût et nous permet de travailler avec la population locale. A la fin du processus, elle n’a plus besoin de nous. Elle est en mesure de construire ses propres systèmes et le tour est joué.

Comment réagissent les populations avec lesquelles vous travaillez ?

Elad : [Ce projet] est très important pour elles. Nous fournissons des services de base que les Occidentaux tiennent entièrement pour acquis. Ce n’est pas leur cas. Pas parce qu’elles n’en veulent pas, mais parce qu’Israël le leur interdit.

Comment la population participe-t-elle au projet ?

Elad : C’est elle qui nous indique ce dont elle a besoin. Nous apportons seulement l’expertise technique. Le projet reste dans les mains des populations locales, au sens où ce sont elles qui prennent les décisions. Elles disposent d’un comité de village. C’est lui qui prend les décisions, qui hiérarchise les besoins et détermine exactement ce que nous allons construire. C’est un processus long. Avant chaque installation, nous partons à la rencontre de chaque communauté, de chaque foyer. Nous parlons à tout le monde. Nous nous assurons qu’ils tiennent vraiment au projet et comprennent ce qui se passe.

L’été dernier, vous avez terminé l’installation de systèmes autonomes fonctionnant aux énergies renouvelables dans vingt foyers du village de Susya. Comment cela s’est-il passé ?

Elad : L’opération a été un grand succès. Pour commencer, tous les systèmes fonctionnent. Surtout, l’entretien du système, du moins jusqu’à un certain point, sera assuré par les populations locales. Nous avons de très bonnes indications que c’est déjà le cas. Les gens réparent le système en cas de panne ou installent de nouveaux composants sans même faire appel à nous. Certaines familles ont déménagé et emporté le système et l’ont réinstallé à leur nouveau domicile. Elles n’ont pas eu besoin de notre aide, ce qui montre clairement qu’elles comprennent parfaitement le fonctionnement du système. Elles nous appellent si elles ont besoin de pièces de rechange.

Quelle est l’étape suivante pour votre organisation ?

Elad : Nous comptons poursuivre dans cette voie. En ce moment [2009], nous levons des fonds. Nous recherchons la structure formelle adéquate. Nous ne sommes pas encore certains de la direction à emprunter. Pour le moment, nous levons des fonds afin de pouvoir continuer dans d’autres communautés.

Compte tenu de l’état actuel du marché, l’électricité du réseau est bien moins chère que celle produite avec les sources d’énergie renouvelables. Alors pour le moment, nous nous concentrons sur les populations qui ne sont pas raccordées au réseau. Il y en a suffisamment en Palestine pour nous occuper encore longtemps.

Pour en savoir plus, et soutenir l’action de COMET en faisant un don, rendez-vous sur le site internet de l’association : www.comet-me.org

Entretien réalisé par Rachel Bergstein,
le 11 mars 2009
Initialement publié en anglais par www.greenprophet.com
Traduit en français pour le Réseau "Sortir du nucléaire" par Gilles Chertier



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