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Sortir du nucléaire n°56



Hiver 2012-2013

Fessenheim : arrêt immédiat

Mme Batho, la ministre de l’accident ?

Article paru dans la revue Sortir du nucléaire n°56 - Hiver 2012-2013

 Fessenheim


Fessenheim, la doyenne des centrales françaises, cumule les incidents. François Hollande a annoncé sa fermeture pour fin 2016 seulement, contrairement à ses engagements de campagne, alors qu’elle aura atteint... 39 ans de fonctionnement !



EDF y réalise actuellement des travaux très coûteux, à la demande de l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN), pour qu’elle puisse continuer à fonctionner quelques années. Mais pourquoi donc engager de telles dépenses pour la fermer juste après ? Ce n’est pas cohérent. Ses deux réacteurs peuvent et doivent être arrêtés immédiatement.

Le lobby arc-bouté contre la fermeture

Fessenheim est devenue la centrale emblématique de la sortie du nucléaire, dont tous les pro-nucléaires retardent la fermeture à 2016, pour pouvoir la redémarrer en 2017. Ces derniers temps, on entend tout et n’importe quoi dans les grands médias, et le lobby est encore une fois à la manœuvre pour orchestrer la manipulation. La contre-offensive sur la mise à l’arrêt de Fessenheim est menée par l’industrie nucléaire et ses sbires principalement sur deux fronts.

Le premier vise à semer le doute sur la possibilité de tenir l’engagement pris de fermer Fessenheim d’ici à fin 2016. L’ASN, par la voix d’André Claude Lacoste et désormais de Pierre-Franck Chevet, outrepasse totalement le rôle qui lui est attribué en affirmant, à qui veut bien l’entendre, que la procédure pour arrêter une centrale prend 5 ans, en mélangeant volontairement l’arrêt et la procédure de mise à l’arrêt définitive et de démantèlement. Et le député UMP Hervé Mariton de prendre le relais dans son récent rapport parlementaire sur les finances et l’écologie.

Le second consiste à diffuser à tout-va des contre-vérités sur la soi-disant absurdité d’une fermeture du site et ses prétendues conséquences désastreuses. Tout d’abord, Fessenheim serait "sûre", puisque l’ASN n’a pas demandé qu’elle soit arrêtée. Son arrêt, quant à lui, engendrerait, sur le plan énergétique, "un recours accru aux énergies fossiles ou une perte d’approvisionnement en électricité de la région Alsace". Sur le plan économique et social, ce serait "une catastrophe". L’industrie avance de prétendues pertes financières à la volée, en occultant le coût d’une poursuite de fonctionnement ou d’un potentiel accident. Et sous prétexte que le démantèlement va coûter cher, il faudrait continuer à faire fonctionner des réacteurs, alors qu’un arrêt peut se faire indépendamment du démantèlement qui peut avoir lieu plus tard, sans précipitation. Enfin, quid des salariés de la centrale ? Ils seraient "lâchement abandonnés". Mais... non, les antinucléaires ne sont pas des enquiquineurs sans cœur qui ne pensent pas aux familles des travailleurs. Un plan rapide de reconversion d’une partie du site est possible et le potentiel d’emploi dans les économies d’énergie et les renouvelables est bien supérieur aux emplois créés par le nucléaire.

Pour contrer cette offensive médiatique, Alsace Nature, le CSFR, Stop-Fessenheim, Stop-Transports - Halte au nucléaire et le Réseau "Sortir du nucléaire" ont tenu à rappeler au gouvernement sa responsabilité en matière de risque nucléaire. Nos cinq associations ont organisé une conférence de presse, le 22 novembre dernier à Paris, et ont dévoilé, à cette occasion, une lettre ouverte interpellant Delphine Batho, la ministre de l’Ecologie. Nous la publions ci-après en intégralité.

Lettre ouverte à Delphine Batho

Madame la Ministre,

Votre Ministère avait accueilli le 5 septembre une délégation de nos associations. Par l’intermédiaire de votre Conseiller technique, nous vous avions :

...alertée des risques que la centrale nucléaire de Fessenheim fait peser sur les populations d’Alsace, Suisse, Allemagne et bien au-delà ; notamment de par son implantation sur une faille sismique et neuf mètres en contrebas du Grand Canal d’Alsace qui en est mitoyen

...sensibilisée quant à l’exigence citoyenne de fermer immédiatement cette centrale nucléaire, demande relayée officiellement par les motions de 154 collectivités (représentant 187 communes et 1606 000 habitants d’Alsace, d’Allemagne et de Suisse) et par 448 autres élus dans un Appel solennel.

…remis une proposition de calendrier pour la mise à l’arrêt définitive de Fessenheim et la création d’un centre pilote de démantèlement (contribution qui prend en compte aussi bien les aspects techniques, qu’administratifs et humains) ; et demandé que votre Ministère publie enfin un calendrier officiel de mise à l’arrêt. Notre proposition était assortie de 3 pistes de reconversion énergétique et économique, pour préserver l’emploi, valoriser le savoir-faire des salariés et tirer profit de la situation géographique du site.

… mise en garde contre la stratégie d’EDF, qui refuse de prendre acte de la décision du Président de la République de fermer la centrale et y entreprend des travaux extrêmement coûteux, condition posée par l’ASN pour la poursuite de son exploitation. En période de crise économique n’y a-t-il pas un meilleur usage à faire des fonds publics, l’Etat étant actionnaire d’EDF à hauteur de 84,48 % ?

… informée de la contribution extrêmement faible de Fessenheim à la production électrique française : avec ses très nombreux arrêts pour pannes et maintenance, Fessenheim y contribue pour moins de 2%.

Depuis cette rencontre, une étude que vous aviez commanditée confirme notre constat : l’arrêt de la centrale de Fessenheim n’aura pas de conséquences sur l’approvisionnement en électricité de l’Alsace.

Depuis, et contrairement à l’engagement de votre Ministère, aucune nouvelle de votre part malgré deux lettres de relance. Pourquoi tant d’atermoiements ? Souhaitez-vous appartenir au gouvernement de l’accident ?

Lors du débat télévisé qui a précédé l’élection du Président de la République, François Hollande a clairement indiqué la raison de sa décision de fermer la centrale nucléaire de Fessenheim : "Parce que c’est la plus vieille et qu’elle est située sur une faille sismique". C’est bien qu’elle n’est pas sûre.

Or au regard de la loi, c’est bien l’État qui est responsable in fine en matière de nucléaire : "l’État définit la réglementation en matière de sécurité nucléaire et met en œuvre les contrôles visant à l’application de cette réglementation.
Il veille à l’information du public sur les risques liés aux activités nucléaires et leur impact sur la santé et la sécurité des personnes ainsi que sur l’environnement" (art. 1 de la loi TSN ).

L’ASN ne fait que "participer au contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection et à l’information du public dans ces domaines" (art. 4 de la loi TSN).

Le pouvoir exécutif a une fâcheuse tendance à oublier cette responsabilité et à se cacher derrière une prétendue responsabilité de l’ASN, ce qui conduit, dans les faits, à la démission du pouvoir politique sur la question de la sûreté et du risque nucléaire.

Le gouvernement s’en remet à la procédure classique plébiscitée par l’Autorité de Sûreté Nucléaire, comme si elle était la seule existante. Celle-ci prévoit le dépôt d’une demande d’arrêt du site par l’exploitant lui-même et prend au moins cinq ans à compter de cette date. Dans ce cas, annoncer un arrêt du site avant le 31 décembre 2016 n’est qu’un leurre.

Pourtant, il existe aussi une procédure d’urgence permettant d’arrêter une centrale par décret pour raison de sûreté, immédiatement, indépendamment du démantèlement qui peut avoir lieu beaucoup plus tard, sans précipitation.

Votre gouvernement pourrait, et devrait, se saisir de cette deuxième procédure. Mais à entendre certaines déclarations de ses membres, personne ne semble avoir vraiment pris la mesure de votre rôle et de vos responsabilités en matière de risque nucléaire.

Madame la Ministre, nous vous l’affirmons solennellement : vous avez le pouvoir et le devoir de prendre les mesures d’urgence nécessaires pour arrêter immédiatement et définitivement les deux réacteurs de Fessenheim.

EDF y réalise actuellement des travaux très coûteux, à la demande de l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN), pour qu’elle puisse continuer à fonctionner quelques années. Mais pourquoi donc engager de telles dépenses pour la fermer juste après ? Ce n’est pas cohérent. Ses deux réacteurs peuvent et doivent être arrêtés immédiatement.

Le lobby arc-bouté contre la fermeture

Fessenheim est devenue la centrale emblématique de la sortie du nucléaire, dont tous les pro-nucléaires retardent la fermeture à 2016, pour pouvoir la redémarrer en 2017. Ces derniers temps, on entend tout et n’importe quoi dans les grands médias, et le lobby est encore une fois à la manœuvre pour orchestrer la manipulation. La contre-offensive sur la mise à l’arrêt de Fessenheim est menée par l’industrie nucléaire et ses sbires principalement sur deux fronts.

Le premier vise à semer le doute sur la possibilité de tenir l’engagement pris de fermer Fessenheim d’ici à fin 2016. L’ASN, par la voix d’André Claude Lacoste et désormais de Pierre-Franck Chevet, outrepasse totalement le rôle qui lui est attribué en affirmant, à qui veut bien l’entendre, que la procédure pour arrêter une centrale prend 5 ans, en mélangeant volontairement l’arrêt et la procédure de mise à l’arrêt définitive et de démantèlement. Et le député UMP Hervé Mariton de prendre le relais dans son récent rapport parlementaire sur les finances et l’écologie.

Le second consiste à diffuser à tout-va des contre-vérités sur la soi-disant absurdité d’une fermeture du site et ses prétendues conséquences désastreuses. Tout d’abord, Fessenheim serait "sûre", puisque l’ASN n’a pas demandé qu’elle soit arrêtée. Son arrêt, quant à lui, engendrerait, sur le plan énergétique, "un recours accru aux énergies fossiles ou une perte d’approvisionnement en électricité de la région Alsace". Sur le plan économique et social, ce serait "une catastrophe". L’industrie avance de prétendues pertes financières à la volée, en occultant le coût d’une poursuite de fonctionnement ou d’un potentiel accident. Et sous prétexte que le démantèlement va coûter cher, il faudrait continuer à faire fonctionner des réacteurs, alors qu’un arrêt peut se faire indépendamment du démantèlement qui peut avoir lieu plus tard, sans précipitation. Enfin, quid des salariés de la centrale ? Ils seraient "lâchement abandonnés". Mais... non, les antinucléaires ne sont pas des enquiquineurs sans cœur qui ne pensent pas aux familles des travailleurs. Un plan rapide de reconversion d’une partie du site est possible et le potentiel d’emploi dans les économies d’énergie et les renouvelables est bien supérieur aux emplois créés par le nucléaire.

Pour contrer cette offensive médiatique, Alsace Nature, le CSFR, Stop-Fessenheim, Stop-Transports - Halte au nucléaire et le Réseau "Sortir du nucléaire" ont tenu à rappeler au gouvernement sa responsabilité en matière de risque nucléaire. Nos cinq associations ont organisé une conférence de presse, le 22 novembre dernier à Paris, et ont dévoilé, à cette occasion, une lettre ouverte interpellant Delphine Batho, la ministre de l’Ecologie. Nous la publions ci-après en intégralité.

Lettre ouverte à Delphine Batho

Madame la Ministre,

Votre Ministère avait accueilli le 5 septembre une délégation de nos associations. Par l’intermédiaire de votre Conseiller technique, nous vous avions :

...alertée des risques que la centrale nucléaire de Fessenheim fait peser sur les populations d’Alsace, Suisse, Allemagne et bien au-delà ; notamment de par son implantation sur une faille sismique et neuf mètres en contrebas du Grand Canal d’Alsace qui en est mitoyen

...sensibilisée quant à l’exigence citoyenne de fermer immédiatement cette centrale nucléaire, demande relayée officiellement par les motions de 154 collectivités (représentant 187 communes et 1606 000 habitants d’Alsace, d’Allemagne et de Suisse) et par 448 autres élus dans un Appel solennel.

…remis une proposition de calendrier pour la mise à l’arrêt définitive de Fessenheim et la création d’un centre pilote de démantèlement (contribution qui prend en compte aussi bien les aspects techniques, qu’administratifs et humains) ; et demandé que votre Ministère publie enfin un calendrier officiel de mise à l’arrêt. Notre proposition était assortie de 3 pistes de reconversion énergétique et économique, pour préserver l’emploi, valoriser le savoir-faire des salariés et tirer profit de la situation géographique du site.

… mise en garde contre la stratégie d’EDF, qui refuse de prendre acte de la décision du Président de la République de fermer la centrale et y entreprend des travaux extrêmement coûteux, condition posée par l’ASN pour la poursuite de son exploitation. En période de crise économique n’y a-t-il pas un meilleur usage à faire des fonds publics, l’Etat étant actionnaire d’EDF à hauteur de 84,48 % ?

… informée de la contribution extrêmement faible de Fessenheim à la production électrique française : avec ses très nombreux arrêts pour pannes et maintenance, Fessenheim y contribue pour moins de 2%.

Depuis cette rencontre, une étude que vous aviez commanditée confirme notre constat : l’arrêt de la centrale de Fessenheim n’aura pas de conséquences sur l’approvisionnement en électricité de l’Alsace.

Depuis, et contrairement à l’engagement de votre Ministère, aucune nouvelle de votre part malgré deux lettres de relance. Pourquoi tant d’atermoiements ? Souhaitez-vous appartenir au gouvernement de l’accident ?

Lors du débat télévisé qui a précédé l’élection du Président de la République, François Hollande a clairement indiqué la raison de sa décision de fermer la centrale nucléaire de Fessenheim : "Parce que c’est la plus vieille et qu’elle est située sur une faille sismique". C’est bien qu’elle n’est pas sûre.

Or au regard de la loi, c’est bien l’État qui est responsable in fine en matière de nucléaire : "l’État définit la réglementation en matière de sécurité nucléaire et met en œuvre les contrôles visant à l’application de cette réglementation.
Il veille à l’information du public sur les risques liés aux activités nucléaires et leur impact sur la santé et la sécurité des personnes ainsi que sur l’environnement" (art. 1 de la loi TSN ).

L’ASN ne fait que "participer au contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection et à l’information du public dans ces domaines" (art. 4 de la loi TSN).

Le pouvoir exécutif a une fâcheuse tendance à oublier cette responsabilité et à se cacher derrière une prétendue responsabilité de l’ASN, ce qui conduit, dans les faits, à la démission du pouvoir politique sur la question de la sûreté et du risque nucléaire.

Le gouvernement s’en remet à la procédure classique plébiscitée par l’Autorité de Sûreté Nucléaire, comme si elle était la seule existante. Celle-ci prévoit le dépôt d’une demande d’arrêt du site par l’exploitant lui-même et prend au moins cinq ans à compter de cette date. Dans ce cas, annoncer un arrêt du site avant le 31 décembre 2016 n’est qu’un leurre.

Pourtant, il existe aussi une procédure d’urgence permettant d’arrêter une centrale par décret pour raison de sûreté, immédiatement, indépendamment du démantèlement qui peut avoir lieu beaucoup plus tard, sans précipitation.

Votre gouvernement pourrait, et devrait, se saisir de cette deuxième procédure. Mais à entendre certaines déclarations de ses membres, personne ne semble avoir vraiment pris la mesure de votre rôle et de vos responsabilités en matière de risque nucléaire.

Madame la Ministre, nous vous l’affirmons solennellement : vous avez le pouvoir et le devoir de prendre les mesures d’urgence nécessaires pour arrêter immédiatement et définitivement les deux réacteurs de Fessenheim.



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