Fin 2004, l’association AIRE représentait la FRAPNA Isère à la Commission Locale dInformation (CLI) de la centrale nucléaire de Saint-Alban/Saint-Maurice lExil (Isère). La séance a été entièrement consacrée au bilan de lexercice daccident nucléaire du 26 octobre 2004.
Le choix dun scénario maîtrisé
Le scénario choisi était celui dun accident à cinétique lente, qui laisse beaucoup plus de temps pour préparer la protection des populations que le scénario à cinétique rapide, où un important rejet de radioactivité peut intervenir trois heures après le début de la fusion du coeur du réacteur. Cest à 7h40 du matin que le Plan durgence interne (PUI) de la centrale a été déclenché en raison dune fuite sur le circuit primaire provoquant une montée en température du coeur du réacteur. Cette avarie a entraîné la mise en action des systèmes de sauvegarde du circuit primaire : linjection de sécurité (RIS), qui injecte de leau borée, et laspersion de lenceinte (EAS). Mais face à la perte des deux voies du système RIS à 9h30, le pronostic de découvrement du coeur était établi à 13h35, avec des rejets de radioactivité dans lenvironnement. Le Plan Particulier d’intervention (PPI) a donc été déclenché à 10h35, avec pour objectif la prise des comprimés diode et le confinement de la population dans un rayon de deux kilomètres. Par chance, la récupération des deux voies du système RIS à 14h45 permettait de noyer à nouveau le coeur et à 16h30, la fin de lexercice était annoncée. Cet accident a été classé au niveau 3 (incident grave).
Linformation toujours en question
Le vent soufflant du Nord, le Poste de commandement opérationnel (PCO) avait été placé à Reventin-Vaugris (Isère), commune située à quelques kilomètres au nord de la centrale. Le Sous-Préfet de Vienne a souligné les difficultés de linstallation de ce PCO (téléphones, fax, ordinateurs...) dans un délai raisonnable et la nécessité de donner des instructions plus claires pour les monteurs. Cet aspect a été aggravé par le problème darrivée des informaticiens de Grenoble (100 km). Mais ce sont les maires des communes environnantes de la centrale qui ont le plus ressenti la difficulté dobtenir des informations. Les maires ou leurs adjoints ont été prévenus par un système téléphonique automatique appelant depuis le Poste de commandement fixe de Grenoble. Le Maire de Saint-Alban-du-Rhône (Isère) a déclaré avoir bien été prévenu à 8h15, mais sêtre ensuite senti très isolé. En effet, il na jamais eu dinformation du PCO de Reventin. La Maire de Clonas-sur-Varèze (Isère) a fait part du même souci de manque dinformation. Les informations téléphoniques nétaient pas confirmées par des fax comme prévu et lorsque ceux-ci arrivaient, plusieurs interprétations étaient possibles. Quant à la fin de lalerte, la Maire de Clonas a dû sen informer par ses propres moyens, à 18h...
Le Sous-Préfet a reconnu que les deux postes de commandement se sont concurrencés de manière négative. Cela a été confirmé par les Maires de Saint-Alban-du-Rhône et de Clonas-sur-Varèze, qui ont révélé quils navaient même pas à leur disposition le numéro de téléphone du PCO censé leur donner les informations. Le Maire de Saint-Pierre-de-Boeuf (Loire) a aussi mis en avant la nécessité dune meilleure répartition des tâches en prenant comme exemple les services hospitaliers (1), qui sont prévenus par la DDASS : dans le cas présent ceux-ci nont été avertis quà 15h... Le Maire de Chavanay (Loire) a bien été averti à 8h45 mais na reçu par fax que les deux premiers communiqués. Quant au Maire de Saint-Maurice-lExil, il na été averti que par un seul message sur le répondeur de la mairie et cest donc la Secrétaire de mairie qui la prévenu de laccident nucléaire en cours lorsquelle a relevé les messages.
Toutes ces réactions concernent des communes situées dans un rayon de deux kilomètres. Le jour du véritable accident, le nuage radioactif ne tiendra pas compte des divisions en cercles concentriques de deux, cinq et dix kilomètres, mais atteindra Vienne (20 km), Lyon (50 km) ou Valence (50 km) en fonction de la rapidité et de la direction des vents dominants (Nord/Sud).
Cest certainement le Maire de Saint-Maurice-lExil qui résume le mieux ce que je ressens au fil des exercices daccidents nucléaires : On a limpression que lon ne met pas à profit les expériences des crises précédentes .
Une protection déficiente des populations
Cette inertie entre les discours et les actes ne concerne pas seulement linformation. Ainsi le Principal du collège de Saint-Maurice-lExil avait précisé lors dune CLI en 2002 quil ne disposait pas de salle aménagée pour confiner lensemble des élèves de son établissement. Cette question, qui relève du financement du Conseil Général de lIsère, est toujours à létude fin 2004 ! De même, la déficience de la distribution des comprimés diode est régulièrement à lordre du jour de la CLI. Aujourdhui, le taux de couverture est denviron 50 % dans le périmètre concerné. Il y a peu de stocks locaux et pour compléter la distribution ; il faudrait faire appel, le jour de laccident, aux 50 000 comprimés complémentaires stockés au CHU de Grenoble. Même si ces stocks pouvaient être transférés dans un délai raisonnable, la question des moyens de la distribution à la population reste posée. Le Sous-Préfet a précisé que la réflexion au niveau national montrait que la distribution complémentaire nétait pas praticable et quil valait mieux obtenir un taux de couverture élevé avant laccident. Lassociation AIRE a demandé qui déciderait de lévacuation des populations et si les calculs de doses qui prennent en compte la contamination de leau, de lair, de la terre par lensemble des radioéléments rejetés (césium, ruthénium, strontium...) étaient publics. Le représentant de lAutorité de sûreté nucléaire a précisé que, pendant la simulation daccident, les discussions ont parfois été vives sur les calculs de doses entre lInstitut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) et EDF pour la prise diode par les nourrissons. Les propos du nouveau Sous-Préfet de Vienne ont confirmé ceux de son prédécesseur, en rappelant que la décision dévacuation des populations ne serait pas prise sur un critère technique (calcul de doses). Nous pouvons donc en conclure quil sagira dune décision politique : cest le risque de panique ou de révolte de la population qui précipitera lévacuation des territoires bouclés par larmée.
Mais il en est de même pour lavenir du nucléaire, qui repose plus sur des considérations politiques que techniques. Cest la prise de conscience du danger nucléaire et la montée en puissance de la contestation antinucléaire qui peuvent empêcher le prolongement de la durée des centrales de 30 à 40 ans et le lancement du réacteur EPR.
Hervé Prat
Contact
Association pour l’Information Rhodanienne sur l’Energie (AIRE)
Foyer Henri Barbusse
38150 Roussillon
(1) Dans un périmètre de 2 km, on compte 2 000 scolaires et 140 personnes médicalisées et dans un périmètre de 10 km, ces nombres sélèvent à 13 700 scolaires et 1 600 personnes médicalisées (chiffres donnés à la CLI en 2002).
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