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Sortir du nucléaire n°69



Mai 2016

Les Îles Marshall contre les puissances nucléaires

Article paru dans la revue Sortir du nucléaire n°69 - Mai 2016

 Nucléaire militaire


En mars 2016, la Cour internationale de justice de l’ONU, à La Haye, a tenu ses premières audiences à propos de la plainte déposée par les Îles Marshall en avril 2014 contre les puissances nucléaires pour non respect de leurs engagements. Plusieurs mois seront encore nécessaires avant qu’un verdict soit prononcé. Mais le simple fait que des audiences ont eu lieu est déjà un succès pour les Îles Marshall et pour l’avancée du désarmement nucléaire.



Les Îles Marshall ont déposé leur plainte contre chacune des neuf puissances nucléaires pour non respect de leurs "obligations relatives à des négociations concernant la cessation de la course aux armes nucléaires et le désarmement nucléaire". Pour justifier leur démarche, les Îles Marshall s’appuient sur les 67 essais nucléaires menés par les États-Unis sur leur territoire entre 1946 et 1958 et dont les conséquences se font encore sentir aujourd’hui.

Le Commandant Ben Wyatt s’adresse à des habitants de l’atoll de Bikini peu de temps avant qu’ils soient évacués.

Les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, États-Unis, Russie, Chine, France et Royaume-Uni, signataires du Traité de Non- Prolifération (TNP) sont accusés par les Îles Marshall d’avoir failli à leur devoir en ne mettant pas en œuvre de "bonne foi" l’article VI du TNP. Et les quatre autres puissances nucléaires — Inde, Pakistan, Corée du Nord et Israël — sont accusées d’avoir violé le droit international coutumier.

Organe judiciaire principal de l’ONU, institué en juin 1945 par la Charte des Nations-Unies, la Cour Internationale de Justice (CIJ) a justement pour mission de régler, conformément au droit international, les différends d’ordre juridique qui lui sont soumis par les États, par des arrêts qui ont force obligatoire et sont sans appel pour les parties concernées.

France, une nouvelle occasion manquée

Pour s’exercer, la compétence de la CIJ nécessite l’accord des États parties au litige, sauf pour ceux qui ont souscrit une clause prévoyant que cette dernière sera automatiquement compétente. Une clause que la France avait au départ signée, mais dont elle s’est retirée en 1974, suite à la plainte déposée par l’Australie à propos des essais nucléaires atmosphériques qu’elle effectuait alors dans le Pacifique... La France — qui se veut exemplaire en matière de respect du droit international... sauf quand elle est directement concernée ! — n’a pas donné son accord à l’examen de la plainte des Îles Marshall ! Tout comme les États-Unis, la Chine, la Russie, Israël et la Corée du Nord.

Aussi, les premières audiences, qui se sont déroulées du 7 au 16 mars, ont porté sur la compétence de la Cour pour la plainte déposée contre le Pakistan et l’Inde, ainsi que sur des "exceptions préliminaires" soulevées par le Royaume-Uni. En effet, sur les neuf accusés, seuls ces trois États ont accepté de se soumettre de manière systématique à la juridiction de la Cour de La Haye. Si la CIJ estime la plainte recevable, ces trois pays devront ensuite se présenter devant le tribunal. La CIJ, dans un précédent avis consultatif datant du 8 juillet 1996, est déjà unanimement parvenue à la conclusion qu’"[i]l existe une obligation de poursuivre de bonne foi et de mener à terme des négociations conduisant au désarmement nucléaire dans tous ses aspects, sous un contrôle international strict et efficace". Vingt ans après cet avis, les puissances nucléaires poursuivent, plus que jamais, la modernisation de leur arsenal.

La démarche des Îles Marshall vient renforcer les initiatives prises par les Nations-Unies, avec notamment la création du groupe de travail sur le désarmement nucléaire "chargé d’étudier sur le fond les mesures juridiques concrètes et efficaces et les dispositions juridiques nécessaires à l’instauration d’un monde exempt à jamais d’armes nucléaires" (résolution A/RES/70/33), qui doit rendre son rapport pour la prochaine Assemblée générale de l’ONU à l’automne 2016.

Patrice Bouveret

Observatoire des armements (https://www.obsarm.org)

Les Îles Marshall ont déposé leur plainte contre chacune des neuf puissances nucléaires pour non respect de leurs "obligations relatives à des négociations concernant la cessation de la course aux armes nucléaires et le désarmement nucléaire". Pour justifier leur démarche, les Îles Marshall s’appuient sur les 67 essais nucléaires menés par les États-Unis sur leur territoire entre 1946 et 1958 et dont les conséquences se font encore sentir aujourd’hui.

Le Commandant Ben Wyatt s’adresse à des habitants de l’atoll de Bikini peu de temps avant qu’ils soient évacués.

Les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, États-Unis, Russie, Chine, France et Royaume-Uni, signataires du Traité de Non- Prolifération (TNP) sont accusés par les Îles Marshall d’avoir failli à leur devoir en ne mettant pas en œuvre de "bonne foi" l’article VI du TNP. Et les quatre autres puissances nucléaires — Inde, Pakistan, Corée du Nord et Israël — sont accusées d’avoir violé le droit international coutumier.

Organe judiciaire principal de l’ONU, institué en juin 1945 par la Charte des Nations-Unies, la Cour Internationale de Justice (CIJ) a justement pour mission de régler, conformément au droit international, les différends d’ordre juridique qui lui sont soumis par les États, par des arrêts qui ont force obligatoire et sont sans appel pour les parties concernées.

France, une nouvelle occasion manquée

Pour s’exercer, la compétence de la CIJ nécessite l’accord des États parties au litige, sauf pour ceux qui ont souscrit une clause prévoyant que cette dernière sera automatiquement compétente. Une clause que la France avait au départ signée, mais dont elle s’est retirée en 1974, suite à la plainte déposée par l’Australie à propos des essais nucléaires atmosphériques qu’elle effectuait alors dans le Pacifique... La France — qui se veut exemplaire en matière de respect du droit international... sauf quand elle est directement concernée ! — n’a pas donné son accord à l’examen de la plainte des Îles Marshall ! Tout comme les États-Unis, la Chine, la Russie, Israël et la Corée du Nord.

Aussi, les premières audiences, qui se sont déroulées du 7 au 16 mars, ont porté sur la compétence de la Cour pour la plainte déposée contre le Pakistan et l’Inde, ainsi que sur des "exceptions préliminaires" soulevées par le Royaume-Uni. En effet, sur les neuf accusés, seuls ces trois États ont accepté de se soumettre de manière systématique à la juridiction de la Cour de La Haye. Si la CIJ estime la plainte recevable, ces trois pays devront ensuite se présenter devant le tribunal. La CIJ, dans un précédent avis consultatif datant du 8 juillet 1996, est déjà unanimement parvenue à la conclusion qu’"[i]l existe une obligation de poursuivre de bonne foi et de mener à terme des négociations conduisant au désarmement nucléaire dans tous ses aspects, sous un contrôle international strict et efficace". Vingt ans après cet avis, les puissances nucléaires poursuivent, plus que jamais, la modernisation de leur arsenal.

La démarche des Îles Marshall vient renforcer les initiatives prises par les Nations-Unies, avec notamment la création du groupe de travail sur le désarmement nucléaire "chargé d’étudier sur le fond les mesures juridiques concrètes et efficaces et les dispositions juridiques nécessaires à l’instauration d’un monde exempt à jamais d’armes nucléaires" (résolution A/RES/70/33), qui doit rendre son rapport pour la prochaine Assemblée générale de l’ONU à l’automne 2016.

Patrice Bouveret

Observatoire des armements (https://www.obsarm.org)



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