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Sortir du nucléaire n°50



Eté 2011

Alternatives

Le pari de l’éolien collectif

Article paru dans la revue Sortir du nucléaire n°50 - Eté 2011


Article publié le : 1er août 2011


Passer du rêve d’un parc éolien collectif à la réalité était un vrai défi. Mais l’aventure de groupe que cette folle idée a fait naître est passionnante. Retour sur un marathon initié par une poignée de passionnés et rallié par plus de 200 personnes.



Au départ, il y a Michel Leclercq, prof de dessin retraité, Éric et Laure Vaillant, maraîchers dans le pays de Redon. Écolos, tous les trois, ils veulent installer une éolienne sur leurs terrains, pour produire de l’énergie propre. "On s’est rendu compte que c’était affreusement compliqué, se souvient Michel, chevelure blanche, grand sourire accroché aux lèvres. Alors on s’est dit  : pourquoi ne se lancerait-on pas plutôt dans le montage collectif d’un parc éolien  ? " L’idée, lumineuse, s’est évidemment avérée encore plus compliquée… mais bien plus séduisante. "Nous souhaitions développer un projet lié au territoire, explique Michel. Et faire en sorte que les riverains, au sens large, pilotent le projet, qu’ils aient leur mot à dire. Il nous semblait important qu’ils participent au financement. Pour qu’il y ait des revenus locaux, le principal impact d’un parc éolien étant local."

La réflexion collective commence en septembre 2002. Avec une trentaine de personnes. En mai suivant, l’association Éoliennes en pays de Vilaine (EPV) voit le jour. Objectif  : finaliser le développement et l’installation de deux parcs (quatre éoliennes de 2 MW pour chaque site) sur les zones identifiées de Sévérac-Guenrouet en Loire-Atlantique et de Béganne en Morbihan. En 2007, la SARL Site à Watts voit le jour. "Cette structure était plus adaptée qu’une association aux financements des études nécessaires à l’obtention d’un permis de construire", précise Michel Leclercq. Le capital de cette SARL pas comme les autres provient des adhérents d’EPV, mais aussi de trois Cigales (clubs d’investisseurs pour une gestion alternative et locale de l’épargne solidaire) qui regroupent 60 personnes. Le conseil général de Loire-Atlantique est également entré au capital de la SARL par l’intermédiaire d’une Sem (société d’économie mixte). En pratique, les sommes perçues des particuliers intéressés par le projet sont de l’ordre de 1 000 € par personne.

Difficultés administratives

En janvier 2009 arrive Pierre Jourdain. Salarié de la SARL grâce aux financements de la Fondation de France, du conseil régional de Bretagne et du conseil général d’Ille-et-Vilaine, il prend la suite du salarié qu’avait embauché EPV en 2005 et assure la coordination du projet. Les bénévoles soufflent un peu. "Depuis septembre 2002, nous avons assuré à nous tous l’équivalent d’un bon temps plein", annonce Michel. C’est que l’éolien coopératif, en France, n’existait simplement pas. Aux savoirs techniques de cette filière industrielle qu’il leur fallait acquérir, les passionnés d’EPV ont dû ajouter ceux des outils financiers et juridiques, à même d’encadrer leur projet hors normes.
Et quand on leur demande de récapituler les difficultés de ce vaste chantier, qui dure depuis huit ans, salariés et bénévoles répondent comme un seul homme : "elles sont administratives !" Charlène Suire, embauchée en mai  2010 arrive du secteur éolien privé, où elle a travaillé pendant deux ans. "Dans le secteur éolien, tout est long, dit-elle. Les études de faisabilité, les négociations avec les propriétaires, l’obtention des permis de construire. Sans compter que les textes de loi évoluent constamment. Mais quand on veut en plus faire participer une centaine de particuliers à l’exploitation d’un parc éolien, les contraintes juridiques augmentent !" A la demande des investisseurs/riverains (privés et publics) soucieux de financer le parc de leur propre territoire, une troisième structure a été montée, pour la construction et l’exploitation des éoliennes. "La création de deux SAS – sociétés par actions simplifiées – permet de relocaliser les projets. En plus, Site à Watts garde ainsi sa compétence en développement de parcs éoliens", note Pierre Jourdain. À Béganne, la SAS s’appellera Bégawatts.

Gérer le site

Aux conseils de l’union régionale des Scop (sociétés coopératives de production), se sont ajoutés une persévérance quasi sans faille de l’équipe et un vrai soutien de la population, qui a toujours été tenue informée. "Des réunions publiques sont organisées très régulièrement, explique Charlène Suire. Même quand le projet patine. Pour que les gens sachent pourquoi." Le Zeff, un bulletin d’information édité régulièrement, complète ces réunions. Au printemps dernier, un autre rouage a été ajouté à ces allers-retours entre porteurs de projet et population  : le comité de suivi. Composé d’une petite dizaine de riverains et animé par Charlène Suire, ce groupe est chargé d’assurer une information de proximité aux riverains inquiets, ou non, du lancement des travaux. Forts de tous ces soutiens et connaissances, l’équipe d’EPV/Site à Watts/Bégawatts se lance donc dans le dernier, et majeur, défi de cette aventure  : la gouvernance d’un projet de type industriel à plusieurs  : particuliers, Cigales, collectivités locales, Caisse des dépôts, etc. Sachant que le budget est de 12 millions d’euros, dont 25 % en fonds propres. Le reste étant emprunté à une banque suffisamment visionnaire et confiante. L’hiver s’annonce donc polémique, mais passionnant. Le printemps sera riche d’enseignements pour cet éolien du troisième type.
Repères Financement
Ni EPV, ni Site à Watts, ni Bégawatts ne peuvent faire d’appel public à épargne. Un outil participatif et financier a donc été créé : Énergie partagée. Cette "plate-forme de l’éolien citoyen" est une structure nationale qui récolte l’investissement citoyen sur des projets d’énergies renouvelables. Le site de Béganne et celui de Sévérac-Guenrouet pourront, entre autres, en bénéficier. Mais pour associer plus de 99 personnes à une société (ce qui est le cas des projets de parcs éoliens coopératifs), il faut un visa de l’autorité des marchés financiers (AMF). Énergie partagée attend donc ce visa (qui fera suite au vote de la loi de finances 2011, en ce début d’année) pour pouvoir lancer son appel à épargne populaire. Dans le projet d’Énergie partagée, figure aussi la promotion et l’accompagnement des démarches citoyennes en matière d’énergie.
Infos : www.energie-partagee.org
Nolwenn Weiler
La Maison Écologique n°61
www.la-maison-ecologique.com
Contact : EPV - www.eolien-citoyen.fr

Au départ, il y a Michel Leclercq, prof de dessin retraité, Éric et Laure Vaillant, maraîchers dans le pays de Redon. Écolos, tous les trois, ils veulent installer une éolienne sur leurs terrains, pour produire de l’énergie propre. "On s’est rendu compte que c’était affreusement compliqué, se souvient Michel, chevelure blanche, grand sourire accroché aux lèvres. Alors on s’est dit  : pourquoi ne se lancerait-on pas plutôt dans le montage collectif d’un parc éolien  ? " L’idée, lumineuse, s’est évidemment avérée encore plus compliquée… mais bien plus séduisante. "Nous souhaitions développer un projet lié au territoire, explique Michel. Et faire en sorte que les riverains, au sens large, pilotent le projet, qu’ils aient leur mot à dire. Il nous semblait important qu’ils participent au financement. Pour qu’il y ait des revenus locaux, le principal impact d’un parc éolien étant local."

La réflexion collective commence en septembre 2002. Avec une trentaine de personnes. En mai suivant, l’association Éoliennes en pays de Vilaine (EPV) voit le jour. Objectif  : finaliser le développement et l’installation de deux parcs (quatre éoliennes de 2 MW pour chaque site) sur les zones identifiées de Sévérac-Guenrouet en Loire-Atlantique et de Béganne en Morbihan. En 2007, la SARL Site à Watts voit le jour. "Cette structure était plus adaptée qu’une association aux financements des études nécessaires à l’obtention d’un permis de construire", précise Michel Leclercq. Le capital de cette SARL pas comme les autres provient des adhérents d’EPV, mais aussi de trois Cigales (clubs d’investisseurs pour une gestion alternative et locale de l’épargne solidaire) qui regroupent 60 personnes. Le conseil général de Loire-Atlantique est également entré au capital de la SARL par l’intermédiaire d’une Sem (société d’économie mixte). En pratique, les sommes perçues des particuliers intéressés par le projet sont de l’ordre de 1 000 € par personne.

Difficultés administratives

En janvier 2009 arrive Pierre Jourdain. Salarié de la SARL grâce aux financements de la Fondation de France, du conseil régional de Bretagne et du conseil général d’Ille-et-Vilaine, il prend la suite du salarié qu’avait embauché EPV en 2005 et assure la coordination du projet. Les bénévoles soufflent un peu. "Depuis septembre 2002, nous avons assuré à nous tous l’équivalent d’un bon temps plein", annonce Michel. C’est que l’éolien coopératif, en France, n’existait simplement pas. Aux savoirs techniques de cette filière industrielle qu’il leur fallait acquérir, les passionnés d’EPV ont dû ajouter ceux des outils financiers et juridiques, à même d’encadrer leur projet hors normes.
Et quand on leur demande de récapituler les difficultés de ce vaste chantier, qui dure depuis huit ans, salariés et bénévoles répondent comme un seul homme : "elles sont administratives !" Charlène Suire, embauchée en mai  2010 arrive du secteur éolien privé, où elle a travaillé pendant deux ans. "Dans le secteur éolien, tout est long, dit-elle. Les études de faisabilité, les négociations avec les propriétaires, l’obtention des permis de construire. Sans compter que les textes de loi évoluent constamment. Mais quand on veut en plus faire participer une centaine de particuliers à l’exploitation d’un parc éolien, les contraintes juridiques augmentent !" A la demande des investisseurs/riverains (privés et publics) soucieux de financer le parc de leur propre territoire, une troisième structure a été montée, pour la construction et l’exploitation des éoliennes. "La création de deux SAS – sociétés par actions simplifiées – permet de relocaliser les projets. En plus, Site à Watts garde ainsi sa compétence en développement de parcs éoliens", note Pierre Jourdain. À Béganne, la SAS s’appellera Bégawatts.

Gérer le site

Aux conseils de l’union régionale des Scop (sociétés coopératives de production), se sont ajoutés une persévérance quasi sans faille de l’équipe et un vrai soutien de la population, qui a toujours été tenue informée. "Des réunions publiques sont organisées très régulièrement, explique Charlène Suire. Même quand le projet patine. Pour que les gens sachent pourquoi." Le Zeff, un bulletin d’information édité régulièrement, complète ces réunions. Au printemps dernier, un autre rouage a été ajouté à ces allers-retours entre porteurs de projet et population  : le comité de suivi. Composé d’une petite dizaine de riverains et animé par Charlène Suire, ce groupe est chargé d’assurer une information de proximité aux riverains inquiets, ou non, du lancement des travaux. Forts de tous ces soutiens et connaissances, l’équipe d’EPV/Site à Watts/Bégawatts se lance donc dans le dernier, et majeur, défi de cette aventure  : la gouvernance d’un projet de type industriel à plusieurs  : particuliers, Cigales, collectivités locales, Caisse des dépôts, etc. Sachant que le budget est de 12 millions d’euros, dont 25 % en fonds propres. Le reste étant emprunté à une banque suffisamment visionnaire et confiante. L’hiver s’annonce donc polémique, mais passionnant. Le printemps sera riche d’enseignements pour cet éolien du troisième type.
Repères Financement
Ni EPV, ni Site à Watts, ni Bégawatts ne peuvent faire d’appel public à épargne. Un outil participatif et financier a donc été créé : Énergie partagée. Cette "plate-forme de l’éolien citoyen" est une structure nationale qui récolte l’investissement citoyen sur des projets d’énergies renouvelables. Le site de Béganne et celui de Sévérac-Guenrouet pourront, entre autres, en bénéficier. Mais pour associer plus de 99 personnes à une société (ce qui est le cas des projets de parcs éoliens coopératifs), il faut un visa de l’autorité des marchés financiers (AMF). Énergie partagée attend donc ce visa (qui fera suite au vote de la loi de finances 2011, en ce début d’année) pour pouvoir lancer son appel à épargne populaire. Dans le projet d’Énergie partagée, figure aussi la promotion et l’accompagnement des démarches citoyennes en matière d’énergie.
Infos : www.energie-partagee.org
Nolwenn Weiler
La Maison Écologique n°61
www.la-maison-ecologique.com
Contact : EPV - www.eolien-citoyen.fr



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