Faire un don

Sortir du nucléaire n°51



Automne 2011

Journées d’études du Réseau "Sortir du nucléaire"

Le Procès citoyen du Nucléaire Toulouse, La Chapelle, 18 juin 2011

Article paru dans la revue Sortir du nucléaire n°51 - Automne 2011

 Luttes et actions


Le procès du nucléaire a été le cœur des journées d’étude du Réseau "Sortir du nucléaire". Sur le modèle du procès de l’argent devenu roi, une véritable pièce de théâtre de cinq heures a été jouée devant un public participant – le jury populaire a été choisi dans le public.



Le texte, dont nous proposons ici de courts extraits et qui est disponible sur le site des journées d’études (https://journeesdetudes.org/), résulte d’un travail collectif d’écriture des membres du tribunal, des coordonnateurs des trois actes et des témoins et experts qui ont fourni le texte de leur intervention. Pour des raisons de lisibilité et de place, les nombreuses coupes opérées dans les textes cités ne sont pas signalées.

Ouverture de l’audience

Le Président : Hum…hum, un peu de silence dans la salle, on n’est pas là pour s’amuser. Je ne comprends pas pourquoi, à chaque fois qu’il y a un procès tordu c’est sur moi que ça tombe. La dernière fois, c’était pour le procès de l’Argent devenu Roi. Il s’agissait de juger si l’argent, ce grand ami des hommes des finances et des politiques, ne s’était pas corrompu au cours du temps, s’il n’était pas devenu peu recommandable voire condamnable… Quelle ineptie, tout le monde sait bien que l’argent fait loi, et que "Qui paye commande". Eh bien figurez-vous qu’ils se sont arrangés pour faire condamner le système monétaire dans son ensemble aux travaux d’intérêts collectifs à perpétuité, au service du bien commun. Heureusement que la peine n’a pas été appliquée, cela nous a valu une belle crise ! Et aujourd’hui, ils récidivent, en plus fort, avec un procès sur le nucléaire civil. Celui qui nous fournit cette merveilleuse énergie sans laquelle nous serions encore à nous cogner le front contre les murs des cavernes et à laver à la main des couches de bébé, en peau de zébu. Et cette fois encore devinez qui va devoir présider ? Et avec qui ? Voyez un peu ! Là, à ma gauche le procureur, c’est lui qui est chargé d’instruire l’accusation, de nous raconter pourquoi le nucléaire est coupable et de quoi. Non mais vous avez vu sa tête ?

Le Procureur : Monsieur le Président, un peu de tenue s’il vous plaît.

Le Président : À ma droite, l’avocat de la défense, l’homme chargé de rétablir le bon sens et de pourfendre les accusations mensongères du procureur.

L’Avocat de la Défense : Comptez sur moi, Monsieur le Président.

Le Président : Là, en bas caché derrière son ordinateur, le greffier chargé de prendre les minutes du procès. Sourd comme un pot et passant le plus clair de son temps à jouer au démineur.

Le Greffier : Hein, quoi, pardon ?

Le Président : J’ai dit "Qui passe son temps à jouer au démineur".

Le Greffier : Vous faites erreur Monsieur le Président, aujourd’hui j’ai installé le solitaire.

Le Président : Il y a également dans la salle une quantité d’experts et de témoins variés et colorés. Levez-vous Messieurs Dames svp. Voilà, que du beau monde, un peu trop pour faire court je le crains et sans doute pas assez pour aboutir à une condamnation. Écoutez maintenant les charges ridicules qui sont avancées. Je vous les lis, je suis bien obligé, c’est la procédure. La première charge : Le nucléaire n’est pas une solution viable. Il ne résout pas le problème énergétique et n’a pas d’avenir. Pff… Le nucléaire est une fausse solution au changement climatique et c’est une des énergies les plus chères de toutes. N’importe quoi ! Je sens qu’ils veulent nous refaire le coup de l’argent devenu roi. Pour la deuxième charge, ils ressortent les épouvantails à moineaux habituels : le nucléaire est un péril pour nos sociétés et pour l’humanité. Et ça va du nucléaire c’est pas propre, avec la rengaine des déchets, et c’est dangereux avec Tchernobyl, Fukushima et j’en passe, et enfin le bouquet "il n’y a pas de nucléaire civil" comme si les centrales civiles pouvaient être associées aux bombes. Mais là où cela frise le délire, c’est avec la dernière charge. Interdiction de se rouler par terre ou j’évacue la salle.

Le Procureur : Monsieur le Président, vous vous moquez !

Le Président : Eh bien non, écoutez bien mesdames et messieurs : "Le lobby du nucléaire fait barrage aux solutions de sortie du nucléaire". Vous avez bien entendu. Opacité, dissimulation d’information, manipulation de l’opinion, intimidation et répression seraient monnaie courante. De mémoire de juge… intègre, je n’ai jamais entendu pareille chose. Il imposerait un modèle de société qui nous éloigne des conditions nécessaires au changement et ce même lobby pro-nucléaire raillerait et combattrait des scénarios de sortie crédibles, je répète "crédibles". Là je sens que nous allons bien nous amuser avec de pareils rigolos. Ils vont se faire démonter. J’ai mal pour eux (Clins d’œil, mimiques avec l’avocat). Nous voilà prêts pour démarrer. Défense de crier, de rire, de vous battre ou je fais évacuer la salle. Merci de respecter ce lieu.

Il jette un regard vers la nef de la chapelle1.

Acte I Le nucléaire n’est pas une solution viable

Extraits de la Scène 3 : Le nucléaire est une des énergies les plus chères au monde

Le Président : Madame, déclinez nom et qualité.

Expert - Anne Lauvergeon2 : Anne Lauvergeon, ex-directrice du Directoire d’Areva. Vous avez tout à fait raison, l’énergie nucléaire ce n’est pas cher. Les Français n’en n’ont pas toujours conscience. Mais c’est vrai que leur facture d’électricité, qui pèse lourdement sur les ménages, est de 30 à 40 % inférieure au reste de l’Europe.

Le Procureur : Tout ceci est inexact Monsieur le Président. Les chiffres sont donnés par les acteurs du nucléaire sans possibilité de contrôle. Je cite mon expert.

Le Président : Monsieur, déclinez nom et qualité.

Expert - Hubert Cros : Hubert Cros, ingénieur, "expert dans les technologies de l’énergie". Depuis ses débuts les études et les investissements dans le nucléaire ont été payés par le pays et EDF se contentait de faire payer le coût de fonctionnement. Les coûts des démantèlements et des traitements des déchets sont très largement sous-estimés. L’industrie nucléaire est une industrie à haute intensité capitalistique, il faut investir pour près de 20 ans dans un EPR avant de toucher des dividendes : c’est bien trop long pour les capitalistes nord-américains pressés qui en 2009 ont reculé devant la facture de plus de 8 milliards d’euro que présentait AREVA.

L’Avocat de la Défense : Monsieur le Procureur vous cherchez à tromper la cour. Si le nucléaire a fait un tel consensus politique dans notre pays c’est qu’évidemment l’indépendance énergétique, à un faible coût, de notre électricité est une évidence. Sinon pourquoi une telle adhésion de la classe politique ?

Le Procureur : Le nucléaire n’a jamais donné lieu à un quelconque débat, à aucune consultation dans notre pays. Il est resté le choix des puissants qui nous gouvernent.

Acte II Le nucléaire est un péril pour nos sociétés et l’humanité

Extrait de la Scène 1 : Le nucléaire n’est pas propre

Le Président : Je déclare l’audience ouverte. Laissez vos popcorns et vos sodas à l’entrée, veuillez respecter ce lieu. Je me répète. Greffier où en étions-nous ?

Le Greffier : À l’audience précédente donc, nous avions conclu, hum, je relis mes notes : "Le nucléaire est une énergie du passé qui n’a pas d’avenir."

Le Président : Voilà c’est bien ça.

L’Avocat de la Défense : Je proteste Monsieur le Président ! Nous sommes ici pour établir que les charges retenues sont recevables et pour l’instant je n’entends que des arguments passionnels, revenons donc à la réalité !

Le Président : Ah, oui (piteux), c’était la conclusion du procureur. Gardez votre calme Monsieur l’Avocat, rien n’est joué. Bon, Monsieur le Procureur, qu’y-a-t-il d’autre à dire sur le nucléaire ?

Le Procureur : L’exploitation des mines d’uranium produit également des déchets importants. Nous pourrions nous appesantir sur la situation déplorable des mines du Niger. Je propose à la cour de rester en France et d’examiner l’état de nos anciennes mines. Je demande la venue de Jean-Pierre Minne à la barre.

Le Greffier : À la barre. Ah ! Minne. À la barre. Ah ! Minne. Et que ça saute !

Le Président : Greffier, arrêtez vos enfantillages et à vos notes. (À l’attention de l’expert) Monsieur, déclinez nom et qualité.

Expert – Jean-Pierre Minne : Jean-Pierre Minne, administrateur du Réseau "Sortir du nucléaire". Plus de 220 sites d’extraction ont été exploités en France sur 25 départements et plus de 70000 tonnes d’uranium ont été extraites depuis 1946. L’uranium est d’abord utilisé à des fins militaires et de recherche. Les principaux gisements se situent dans le Limousin, le Forez, la Vendée, la Lozère, l’Hérault. Les résidus d’extractions, les stériles aboutissent dans les cours de ferme, les parkings de stade, de sites touristiques, des usines, dans des cours de récréation. Les mines oubliées, qualifiées d’"orphelines", plus personne ne les connaît.

Le Président : Bon, bon, sans doute, mais si les déchets sont éternels, moi je ne voudrais pas que ce débat s’éternise…

Le Greffier : C’est très bon ça Monsieur le Président, je note (Regard noir du président).

Extrait de la Scène 3 : Il n’y a pas de nucléaire civil

Le Président : Passons à l’accusation suivante. Qu’avez-vous noté ?

Le Greffier : Accrochez-vous Monsieur le Président : Il n’y pas de nucléaire civil (Mimique, eh oui c’est ça qui est écrit !).

Le Président : Et moi, je me tue à répéter qu’il n’y aura pas de nucléaire militaire dans ce procès ! Vous voulez ma perte ?

Le Procureur : Monsieur le Président, rassurez-vous, nous instruisons bien le procès du nucléaire civil... (Mimique de soulagement du juge) Mais comment faire abstraction du fait que les programmes militaires et civils français ont été lancés en même temps, qu’un seul organisme, le CEA, a été créé pour mener à bien le développement de ces programmes et continue de gérer les deux à ce jour ? Sécurité de la France et énergie nucléaire sont hélas étroitement liées et le poids du militaire pèse toujours sur les débats du nucléaire civil.

Acte III Le lobby du nucléaire fait barrage aux initiatives de sortie du nucléaire

Extrait de la Scène 3 : Le lobby du nucléaire dénigre et combat les scénarios de sortie du nucléaire

Le Président : Monsieur, déclinez nom et qualité.

Expert - Martin Leers : Martin Leers, photographe, militant du Réseau "Sortir du nucléaire". Monsieur le Président, je vais exposer devant la cour des scénarios permettant de sortir du nucléaire en 5 ou 10 ans. Sortir du nucléaire, c’est possible et cela passe en premier lieu par d’importantes économies d’énergie. Premièrement, il s’agit d’arrêter l’hémorragie énergétique. Deuxièmement, d’économiser l’énergie principalement dans les secteurs tertiaire et résidentiel. Troisièmement, s’attaquer à la dépendance au chauffage électrique mais aussi à la climatisation pour écrêter les pointes hivernales, et estivales. Il y a 8 millions de logements tout électrique en 2010. C’est l’équivalent de la production de 13 réacteurs nucléaires qui est, en grande partie, gaspillée dans le chauffage, l’eau chaude et la climatisation des logements. En parallèle de ces programmes d’économies d’énergie, l’effort doit porter sur le développement d’une production d’électricité sans nucléaire. Premièrement, développer la cogénération qui permet de décentraliser la production d’électricité en améliorant les rendements. Deuxièmement, développer les énergies renouvelables disponibles aujourd’hui pour une utilisation massive. La France a pris un retard considérable dans ce domaine. Troisièmement, rationaliser l’utilisation les énergies fossiles. Quatrièmement, gérer intelligemment l’intégration massive des énergies renouvelables au réseau électrique.

Le Président : Bien, le moment est venu de clore l’audience. Les jurés vont délibérer.

Notes :

1 : Le procès du 18 Juin s’est déroulé dans une ancienne chapelle reconvertie en un lieu d’expérimentation politique, sociale et culturelle, géré par l’association l’Atelier Idéal.

2 : Les interventions de Mme Anne Lauvergeon, ainsi que celles de Patrick Cohen et de Philippe Lefébure sont extraites de la vidéo de l’interview du 25 Mai 2011 au 7-9 de France Inter.

Le texte, dont nous proposons ici de courts extraits et qui est disponible sur le site des journées d’études (https://journeesdetudes.org/), résulte d’un travail collectif d’écriture des membres du tribunal, des coordonnateurs des trois actes et des témoins et experts qui ont fourni le texte de leur intervention. Pour des raisons de lisibilité et de place, les nombreuses coupes opérées dans les textes cités ne sont pas signalées.

Ouverture de l’audience

Le Président : Hum…hum, un peu de silence dans la salle, on n’est pas là pour s’amuser. Je ne comprends pas pourquoi, à chaque fois qu’il y a un procès tordu c’est sur moi que ça tombe. La dernière fois, c’était pour le procès de l’Argent devenu Roi. Il s’agissait de juger si l’argent, ce grand ami des hommes des finances et des politiques, ne s’était pas corrompu au cours du temps, s’il n’était pas devenu peu recommandable voire condamnable… Quelle ineptie, tout le monde sait bien que l’argent fait loi, et que "Qui paye commande". Eh bien figurez-vous qu’ils se sont arrangés pour faire condamner le système monétaire dans son ensemble aux travaux d’intérêts collectifs à perpétuité, au service du bien commun. Heureusement que la peine n’a pas été appliquée, cela nous a valu une belle crise ! Et aujourd’hui, ils récidivent, en plus fort, avec un procès sur le nucléaire civil. Celui qui nous fournit cette merveilleuse énergie sans laquelle nous serions encore à nous cogner le front contre les murs des cavernes et à laver à la main des couches de bébé, en peau de zébu. Et cette fois encore devinez qui va devoir présider ? Et avec qui ? Voyez un peu ! Là, à ma gauche le procureur, c’est lui qui est chargé d’instruire l’accusation, de nous raconter pourquoi le nucléaire est coupable et de quoi. Non mais vous avez vu sa tête ?

Le Procureur : Monsieur le Président, un peu de tenue s’il vous plaît.

Le Président : À ma droite, l’avocat de la défense, l’homme chargé de rétablir le bon sens et de pourfendre les accusations mensongères du procureur.

L’Avocat de la Défense : Comptez sur moi, Monsieur le Président.

Le Président : Là, en bas caché derrière son ordinateur, le greffier chargé de prendre les minutes du procès. Sourd comme un pot et passant le plus clair de son temps à jouer au démineur.

Le Greffier : Hein, quoi, pardon ?

Le Président : J’ai dit "Qui passe son temps à jouer au démineur".

Le Greffier : Vous faites erreur Monsieur le Président, aujourd’hui j’ai installé le solitaire.

Le Président : Il y a également dans la salle une quantité d’experts et de témoins variés et colorés. Levez-vous Messieurs Dames svp. Voilà, que du beau monde, un peu trop pour faire court je le crains et sans doute pas assez pour aboutir à une condamnation. Écoutez maintenant les charges ridicules qui sont avancées. Je vous les lis, je suis bien obligé, c’est la procédure. La première charge : Le nucléaire n’est pas une solution viable. Il ne résout pas le problème énergétique et n’a pas d’avenir. Pff… Le nucléaire est une fausse solution au changement climatique et c’est une des énergies les plus chères de toutes. N’importe quoi ! Je sens qu’ils veulent nous refaire le coup de l’argent devenu roi. Pour la deuxième charge, ils ressortent les épouvantails à moineaux habituels : le nucléaire est un péril pour nos sociétés et pour l’humanité. Et ça va du nucléaire c’est pas propre, avec la rengaine des déchets, et c’est dangereux avec Tchernobyl, Fukushima et j’en passe, et enfin le bouquet "il n’y a pas de nucléaire civil" comme si les centrales civiles pouvaient être associées aux bombes. Mais là où cela frise le délire, c’est avec la dernière charge. Interdiction de se rouler par terre ou j’évacue la salle.

Le Procureur : Monsieur le Président, vous vous moquez !

Le Président : Eh bien non, écoutez bien mesdames et messieurs : "Le lobby du nucléaire fait barrage aux solutions de sortie du nucléaire". Vous avez bien entendu. Opacité, dissimulation d’information, manipulation de l’opinion, intimidation et répression seraient monnaie courante. De mémoire de juge… intègre, je n’ai jamais entendu pareille chose. Il imposerait un modèle de société qui nous éloigne des conditions nécessaires au changement et ce même lobby pro-nucléaire raillerait et combattrait des scénarios de sortie crédibles, je répète "crédibles". Là je sens que nous allons bien nous amuser avec de pareils rigolos. Ils vont se faire démonter. J’ai mal pour eux (Clins d’œil, mimiques avec l’avocat). Nous voilà prêts pour démarrer. Défense de crier, de rire, de vous battre ou je fais évacuer la salle. Merci de respecter ce lieu.

Il jette un regard vers la nef de la chapelle1.

Acte I Le nucléaire n’est pas une solution viable

Extraits de la Scène 3 : Le nucléaire est une des énergies les plus chères au monde

Le Président : Madame, déclinez nom et qualité.

Expert - Anne Lauvergeon2 : Anne Lauvergeon, ex-directrice du Directoire d’Areva. Vous avez tout à fait raison, l’énergie nucléaire ce n’est pas cher. Les Français n’en n’ont pas toujours conscience. Mais c’est vrai que leur facture d’électricité, qui pèse lourdement sur les ménages, est de 30 à 40 % inférieure au reste de l’Europe.

Le Procureur : Tout ceci est inexact Monsieur le Président. Les chiffres sont donnés par les acteurs du nucléaire sans possibilité de contrôle. Je cite mon expert.

Le Président : Monsieur, déclinez nom et qualité.

Expert - Hubert Cros : Hubert Cros, ingénieur, "expert dans les technologies de l’énergie". Depuis ses débuts les études et les investissements dans le nucléaire ont été payés par le pays et EDF se contentait de faire payer le coût de fonctionnement. Les coûts des démantèlements et des traitements des déchets sont très largement sous-estimés. L’industrie nucléaire est une industrie à haute intensité capitalistique, il faut investir pour près de 20 ans dans un EPR avant de toucher des dividendes : c’est bien trop long pour les capitalistes nord-américains pressés qui en 2009 ont reculé devant la facture de plus de 8 milliards d’euro que présentait AREVA.

L’Avocat de la Défense : Monsieur le Procureur vous cherchez à tromper la cour. Si le nucléaire a fait un tel consensus politique dans notre pays c’est qu’évidemment l’indépendance énergétique, à un faible coût, de notre électricité est une évidence. Sinon pourquoi une telle adhésion de la classe politique ?

Le Procureur : Le nucléaire n’a jamais donné lieu à un quelconque débat, à aucune consultation dans notre pays. Il est resté le choix des puissants qui nous gouvernent.

Acte II Le nucléaire est un péril pour nos sociétés et l’humanité

Extrait de la Scène 1 : Le nucléaire n’est pas propre

Le Président : Je déclare l’audience ouverte. Laissez vos popcorns et vos sodas à l’entrée, veuillez respecter ce lieu. Je me répète. Greffier où en étions-nous ?

Le Greffier : À l’audience précédente donc, nous avions conclu, hum, je relis mes notes : "Le nucléaire est une énergie du passé qui n’a pas d’avenir."

Le Président : Voilà c’est bien ça.

L’Avocat de la Défense : Je proteste Monsieur le Président ! Nous sommes ici pour établir que les charges retenues sont recevables et pour l’instant je n’entends que des arguments passionnels, revenons donc à la réalité !

Le Président : Ah, oui (piteux), c’était la conclusion du procureur. Gardez votre calme Monsieur l’Avocat, rien n’est joué. Bon, Monsieur le Procureur, qu’y-a-t-il d’autre à dire sur le nucléaire ?

Le Procureur : L’exploitation des mines d’uranium produit également des déchets importants. Nous pourrions nous appesantir sur la situation déplorable des mines du Niger. Je propose à la cour de rester en France et d’examiner l’état de nos anciennes mines. Je demande la venue de Jean-Pierre Minne à la barre.

Le Greffier : À la barre. Ah ! Minne. À la barre. Ah ! Minne. Et que ça saute !

Le Président : Greffier, arrêtez vos enfantillages et à vos notes. (À l’attention de l’expert) Monsieur, déclinez nom et qualité.

Expert – Jean-Pierre Minne : Jean-Pierre Minne, administrateur du Réseau "Sortir du nucléaire". Plus de 220 sites d’extraction ont été exploités en France sur 25 départements et plus de 70000 tonnes d’uranium ont été extraites depuis 1946. L’uranium est d’abord utilisé à des fins militaires et de recherche. Les principaux gisements se situent dans le Limousin, le Forez, la Vendée, la Lozère, l’Hérault. Les résidus d’extractions, les stériles aboutissent dans les cours de ferme, les parkings de stade, de sites touristiques, des usines, dans des cours de récréation. Les mines oubliées, qualifiées d’"orphelines", plus personne ne les connaît.

Le Président : Bon, bon, sans doute, mais si les déchets sont éternels, moi je ne voudrais pas que ce débat s’éternise…

Le Greffier : C’est très bon ça Monsieur le Président, je note (Regard noir du président).

Extrait de la Scène 3 : Il n’y a pas de nucléaire civil

Le Président : Passons à l’accusation suivante. Qu’avez-vous noté ?

Le Greffier : Accrochez-vous Monsieur le Président : Il n’y pas de nucléaire civil (Mimique, eh oui c’est ça qui est écrit !).

Le Président : Et moi, je me tue à répéter qu’il n’y aura pas de nucléaire militaire dans ce procès ! Vous voulez ma perte ?

Le Procureur : Monsieur le Président, rassurez-vous, nous instruisons bien le procès du nucléaire civil... (Mimique de soulagement du juge) Mais comment faire abstraction du fait que les programmes militaires et civils français ont été lancés en même temps, qu’un seul organisme, le CEA, a été créé pour mener à bien le développement de ces programmes et continue de gérer les deux à ce jour ? Sécurité de la France et énergie nucléaire sont hélas étroitement liées et le poids du militaire pèse toujours sur les débats du nucléaire civil.

Acte III Le lobby du nucléaire fait barrage aux initiatives de sortie du nucléaire

Extrait de la Scène 3 : Le lobby du nucléaire dénigre et combat les scénarios de sortie du nucléaire

Le Président : Monsieur, déclinez nom et qualité.

Expert - Martin Leers : Martin Leers, photographe, militant du Réseau "Sortir du nucléaire". Monsieur le Président, je vais exposer devant la cour des scénarios permettant de sortir du nucléaire en 5 ou 10 ans. Sortir du nucléaire, c’est possible et cela passe en premier lieu par d’importantes économies d’énergie. Premièrement, il s’agit d’arrêter l’hémorragie énergétique. Deuxièmement, d’économiser l’énergie principalement dans les secteurs tertiaire et résidentiel. Troisièmement, s’attaquer à la dépendance au chauffage électrique mais aussi à la climatisation pour écrêter les pointes hivernales, et estivales. Il y a 8 millions de logements tout électrique en 2010. C’est l’équivalent de la production de 13 réacteurs nucléaires qui est, en grande partie, gaspillée dans le chauffage, l’eau chaude et la climatisation des logements. En parallèle de ces programmes d’économies d’énergie, l’effort doit porter sur le développement d’une production d’électricité sans nucléaire. Premièrement, développer la cogénération qui permet de décentraliser la production d’électricité en améliorant les rendements. Deuxièmement, développer les énergies renouvelables disponibles aujourd’hui pour une utilisation massive. La France a pris un retard considérable dans ce domaine. Troisièmement, rationaliser l’utilisation les énergies fossiles. Quatrièmement, gérer intelligemment l’intégration massive des énergies renouvelables au réseau électrique.

Le Président : Bien, le moment est venu de clore l’audience. Les jurés vont délibérer.

Notes :

1 : Le procès du 18 Juin s’est déroulé dans une ancienne chapelle reconvertie en un lieu d’expérimentation politique, sociale et culturelle, géré par l’association l’Atelier Idéal.

2 : Les interventions de Mme Anne Lauvergeon, ainsi que celles de Patrick Cohen et de Philippe Lefébure sont extraites de la vidéo de l’interview du 25 Mai 2011 au 7-9 de France Inter.



Soyez au coeur de l'information !

Tous les 3 mois, retrouvez 36 pages (en couleur) de brèves, interviews, articles, BD, alternatives concrètes, actions originales, luttes antinucléaires à l’étranger, décryptages, etc.

Je m'abonne à la revue du Réseau