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Sortir du nucléaire n°22



Juillet 2003

Dysfonctionnement

La centrale nucléaire du Blayais fonctionne sans autorisations administratives

Article paru dans la revue Sortir du nucléaire n°22 - Juillet 2003

 Lobby nucléaire  Sites nucléaires  Blayais
Article publié le : 1er juillet 2003


Une centrale nucléaire hors-la-loi, ça fait un peu désordre. Surtout quand l’illégalité résulte d’une « broutille » administrative. L’histoire concerne le centre nucléaire de production d’électricité du Blayais, basé à Saint-Ciers-sur-Gironde. Pour fonctionner, une centrale doit bénéficier d’autorisations administratives, notamment celles de pomper de l’eau et de rejeter des effluents radioactifs et non radioactifs, liquides et gazeux.

Sur le site du Blayais, lesdites autorisations sont arrivées à échéance le 31 mars 2003. En théorie, EDF n’a donc plus le droit de pomper les 500 millions de litres d’eau nécessaires pour le refroidissement de ses quatre réacteurs (dont deux fonctionnent en ce moment, les deux autres étant en révision), ni de rejeter l’équivalent en effluents dans l’estuaire de la Gironde. En pratique, l’entreprise publique s’en fiche bien. Elle reconnaît fonctionner sans avoir le droit de le faire mais assure respecter les normes fixées par les autorisations obtenues en 1989. « C’est scandaleux, explique Maître Reulet, avocat de l’association Tchernoblaye (*), qui a assigné EDF en justice. EDF agit comme un automobiliste privé de permis de conduire qui promettrait de respecter le code de la route. »

Comment EDF a-t-elle pu négliger ces autorisations ? Leur cheminement administratif est long et l’entreprise aurait omis de lancer la procédure à temps. C’est la Direction régionale de l’industrie, de la recherche et de l’environnement (Drire) de l’Aquitaine qui monte le dossier de la centrale, mais c’est un arrêté interministériel (industrie, écologie et santé) qui délivre les fameux imprimatur.

L’association Tchernoblaye guettait l’expiration des autorisations délivrées par la préfecture en 1989. Dès le 1er avril, elle assigne l’entreprise en justice. « Nous demandions au juge de constater une voie de faits et de stopper l’activité de la centrale », explique Stéphane Lhomme, président de l’association. Un voeu symbolique qu’EDF a évité grâce à un ergotage juridique : l’association s’est fait débouter lundi au motif que ses statuts ne prévoient pas la possibilité d’engager des poursuites judiciaires. Le jugement rendu précise même que les statuts de Tchernoblaye « n’indiquent pas que celle-ci a pour objet spécifique de veiller aux conditions réglementaires applicables aux installations nucléaires ». Comble de l’ironie, Tchernoblaye est condamnée à payer 610 euros d’amende.

« Pour nous, il y a un vrai problème de démocratie. EDF nous dit : « Même sans autorisation, je fonctionne. » Ça veut dire quoi ? Nul n’est censé ignorer la loi, y compris le lobby nucléaire », s’énerve Stéphane Lhomme. Le dossier, désormais en cours d’instruction dans les ministères, se débloquera à la fin de l’année 2003. D’ici là, Tchernoblaye aura modifié ses statuts et repartira à l’assaut. A moins qu’EDF ne prépare un nouveau tour de passe-passe juridique pour se défiler. En attendant, la centrale nucléaire du Blayais continuera à fonctionner, en toute illégalité.

Laure Noualhat

(article paru dans Libération du samedi 17 mai 2003)
(*) Tchernoblaye – Cinéma Utopia – Place Camille-Jullian, 33000 Bordeaux – Tel. 05 56 50 00 05 – www.tchernoblaye.org

Une centrale nucléaire hors-la-loi, ça fait un peu désordre. Surtout quand l’illégalité résulte d’une « broutille » administrative. L’histoire concerne le centre nucléaire de production d’électricité du Blayais, basé à Saint-Ciers-sur-Gironde. Pour fonctionner, une centrale doit bénéficier d’autorisations administratives, notamment celles de pomper de l’eau et de rejeter des effluents radioactifs et non radioactifs, liquides et gazeux.

Sur le site du Blayais, lesdites autorisations sont arrivées à échéance le 31 mars 2003. En théorie, EDF n’a donc plus le droit de pomper les 500 millions de litres d’eau nécessaires pour le refroidissement de ses quatre réacteurs (dont deux fonctionnent en ce moment, les deux autres étant en révision), ni de rejeter l’équivalent en effluents dans l’estuaire de la Gironde. En pratique, l’entreprise publique s’en fiche bien. Elle reconnaît fonctionner sans avoir le droit de le faire mais assure respecter les normes fixées par les autorisations obtenues en 1989. « C’est scandaleux, explique Maître Reulet, avocat de l’association Tchernoblaye (*), qui a assigné EDF en justice. EDF agit comme un automobiliste privé de permis de conduire qui promettrait de respecter le code de la route. »

Comment EDF a-t-elle pu négliger ces autorisations ? Leur cheminement administratif est long et l’entreprise aurait omis de lancer la procédure à temps. C’est la Direction régionale de l’industrie, de la recherche et de l’environnement (Drire) de l’Aquitaine qui monte le dossier de la centrale, mais c’est un arrêté interministériel (industrie, écologie et santé) qui délivre les fameux imprimatur.

L’association Tchernoblaye guettait l’expiration des autorisations délivrées par la préfecture en 1989. Dès le 1er avril, elle assigne l’entreprise en justice. « Nous demandions au juge de constater une voie de faits et de stopper l’activité de la centrale », explique Stéphane Lhomme, président de l’association. Un voeu symbolique qu’EDF a évité grâce à un ergotage juridique : l’association s’est fait débouter lundi au motif que ses statuts ne prévoient pas la possibilité d’engager des poursuites judiciaires. Le jugement rendu précise même que les statuts de Tchernoblaye « n’indiquent pas que celle-ci a pour objet spécifique de veiller aux conditions réglementaires applicables aux installations nucléaires ». Comble de l’ironie, Tchernoblaye est condamnée à payer 610 euros d’amende.

« Pour nous, il y a un vrai problème de démocratie. EDF nous dit : « Même sans autorisation, je fonctionne. » Ça veut dire quoi ? Nul n’est censé ignorer la loi, y compris le lobby nucléaire », s’énerve Stéphane Lhomme. Le dossier, désormais en cours d’instruction dans les ministères, se débloquera à la fin de l’année 2003. D’ici là, Tchernoblaye aura modifié ses statuts et repartira à l’assaut. A moins qu’EDF ne prépare un nouveau tour de passe-passe juridique pour se défiler. En attendant, la centrale nucléaire du Blayais continuera à fonctionner, en toute illégalité.

Laure Noualhat

(article paru dans Libération du samedi 17 mai 2003)
(*) Tchernoblaye – Cinéma Utopia – Place Camille-Jullian, 33000 Bordeaux – Tel. 05 56 50 00 05 – www.tchernoblaye.org



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