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Sortir du nucléaire n°28



Septembre 2005

ITER

La France et l’énergie des étoiles

Article paru dans la revue Sortir du nucléaire n°28 - Septembre 2005

 ITER
Article publié le : 1er septembre 2005


ITER, il s’agit en fait d’un vieux projet : en 1985, Reagan et Gorbatchev voulaient sceller la détente des rapports Est-Ouest en se lançant, ensemble, dans un projet grandiose : ITER, qui signifie aussi « chemin » en latin, constituait la continuation d’une série de machines précédemment conçues pour étudier l’utilisation de la fusion thermonucléaire pour produire de l’énergie, JET en Angleterre, Torre Supra à Cadarache, TFTR à Princeton. (…)

A travers l’information qui circule dans le public, on a parfois l’impression que les négociations autour du site d’ITER concernent un grand projet d’ordre technologique et industriel. Nous sommes, hélas ! loin d’en être là. Un réacteur à fusion soulève trois types de problèmes, tous fondamentaux : la maîtrise des réactions de fusion proprement dites, la production des éléments devant fusionner, la tenue des matériaux des enceintes de confinement. ITER ne s’intéressera qu’à la première de ces questions, ce n’est pas une machine conçue pour résoudre les deux autres, ce qui est pourtant préalable à toute mise en oeuvre à l’échelle industrielle. (…)

Contrairement à ce que déclarait notre premier ministre fin 2003 ( « C’est le projet [qui nous apportera] l’énergie du futur quasi inépuisable et sans nuisance significative, grâce à l’abondante ressource de l’hydrogène contenu dans l’eau » ), ce n’est pas une source d’énergie inépuisable (le tritium ne se trouvera pas dans l’eau de mer), ni une source propre : elle produit des rayonnements dix fois plus énergétiques que tout ce qu’on peut rencontrer même dans les centrales nucléaires à neutrons rapides d’aujourd’hui.

On ne connaît, à l’heure actuelle, aucun matériau qui résiste à une telle irradiation. Or, pour produire de l’énergie par fusion nucléaire, il faut enfermer dans des conditions d’étanchéité absolue le mélange deutérium + tritium en train de fusionner. Sous l’impact des neutrons hyperrapides, les atomes d’un acier ordinaire cassent, produisant des bulles d’hélium qui rendent le matériau poreux, donc impropre au confinement nécessaire. (…)

Quant au combustible, la nature abonde en deutérium, mais pas en tritium, car il est instable (demi-vie de douze ans). Jusqu’à présent, on n’a produit du tritium qu’en petites quantités, ce qui était nécessaire pour la fabrication des bombes H. (…)

La machine ITER est en fait un grand instrument de recherche fondamentale, rien de plus (…)

La France se prépare à investir au moins 130 millions d’euros par an pendant dix ans pour la construction d’ITER (…). Il faudra continuer ensuite avec des sommes du même ordre de grandeur pendant quelques décennies d’exploitation. Une grande partie des frais de construction sera supportée par les contribuables de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, le reste par l’Etat.

130 millions d’euros (…) c’est plus que l’ensemble de la participation de la France au grand centre mondial de recherche qu’est le Centre Européen de Recherche Nucléaire - CERN (100 millions). C’est aussi le double de l’ensemble des moyens financiers de tous les laboratoires de physique ou de mathématiques qui sont associés au CNRS (57 millions en 2003) ou de ceux du département des sciences de la vie (65 millions).

La France a déjà gaspillé 2 milliards de dollars pour une participation à la station spatiale internationale que la communauté scientifique a jugée inutile, en particulier la communauté des astrophysiciens, qui a bien senti le lourd impact que cet engagement a eu sur ses moyens de recherche. (…)

Si l’on s’accorde souvent à se plaindre de la lourdeur bureaucratique et des effets pervers du centralisme français sur la dynamique de la recherche, on pointe rarement du doigt un des effets les plus manifestes de ses défauts : la prime qui va à tout projet plus ou moins grandiose facile à identifier par les extérieurs à la science (dont les politiques) et à défendre par la structure bureaucratique. (…)

Si la communauté internationale a vraiment les moyens de se lancer dans la fusion thermonucléaire contrôlée, il nous semble que deux problèmes doivent être préalablement résolus : matériaux et production de tritium. Avant de construire le moteur révolutionnaire d’une voiture de course, il vaut mieux s’assurer qu’on aura des pneus pour la faire rouler.
Le dernier Nobel physique japonais conteste le bien-fondé d’Iter

Dernier prix Nobel japonais de physique, le professeur Masatoshi Koshiba est l’un des scientifiques qui remettent en cause le bien-fondé du projet de réacteur expérimental

international de fusion nucléaire Iter.

Dans un entretien avec l’AFP, l’an dernier, le Pr Koshiba, 78 ans, avait expliqué ses réserves, accusant les promoteurs d’Iter de vouloir faire prendre des vessies pour des lanternes.

Citant un proverbe chinois "Tête de mouton, mais viande de chien", ce spécialiste de physique fondamentale reprochait aux tenants du projet de le présenter comme "la source d’énergie de la prochaine génération", ce qu’il n’est pas, selon lui.

Ambitionnant de produire une énergie propre et sûre en recréant sur Terre les mécanismes à l’oeuvre au coeur des étoiles, le projet Iter devrait entrer dans sa phase opérationnelle en 2014 et être exploité pendant 20 ans, avec un budget estimé à quelque dix milliards d’euros.

Pour le prix Nobel de physique 2002, Iter ne remplit pas "un certain nombre de conditions, à savoir la sûreté et les coûts économiques", pour s’affirmer comme une prochaine source d’énergie quasi inépuisable.

(…)

Mais "ce projet n’est plus aux mains des scientifiques, il est dans celles des hommes politiques et des hommes d’affaires. Les scientifiques ne peuvent plus rien changer", déplorait-il.

Et le professeur Koshiba, ironique, disait souhaiter "que le gouvernement français ait l’honneur d’accepter Iter dans son propre pays".

Source : 07/05/2005 - AFP
Sébastien Balibar, Yves Pomeau et Jacques Treiner

Physiciens

Article paru dans Le Monde 24/10/04
Signez l’APPEL pour le NON à ITER sur notre site internet : www.sortirdunucleaire.fr

ITER, il s’agit en fait d’un vieux projet : en 1985, Reagan et Gorbatchev voulaient sceller la détente des rapports Est-Ouest en se lançant, ensemble, dans un projet grandiose : ITER, qui signifie aussi « chemin » en latin, constituait la continuation d’une série de machines précédemment conçues pour étudier l’utilisation de la fusion thermonucléaire pour produire de l’énergie, JET en Angleterre, Torre Supra à Cadarache, TFTR à Princeton. (…)

A travers l’information qui circule dans le public, on a parfois l’impression que les négociations autour du site d’ITER concernent un grand projet d’ordre technologique et industriel. Nous sommes, hélas ! loin d’en être là. Un réacteur à fusion soulève trois types de problèmes, tous fondamentaux : la maîtrise des réactions de fusion proprement dites, la production des éléments devant fusionner, la tenue des matériaux des enceintes de confinement. ITER ne s’intéressera qu’à la première de ces questions, ce n’est pas une machine conçue pour résoudre les deux autres, ce qui est pourtant préalable à toute mise en oeuvre à l’échelle industrielle. (…)

Contrairement à ce que déclarait notre premier ministre fin 2003 ( « C’est le projet [qui nous apportera] l’énergie du futur quasi inépuisable et sans nuisance significative, grâce à l’abondante ressource de l’hydrogène contenu dans l’eau » ), ce n’est pas une source d’énergie inépuisable (le tritium ne se trouvera pas dans l’eau de mer), ni une source propre : elle produit des rayonnements dix fois plus énergétiques que tout ce qu’on peut rencontrer même dans les centrales nucléaires à neutrons rapides d’aujourd’hui.

On ne connaît, à l’heure actuelle, aucun matériau qui résiste à une telle irradiation. Or, pour produire de l’énergie par fusion nucléaire, il faut enfermer dans des conditions d’étanchéité absolue le mélange deutérium + tritium en train de fusionner. Sous l’impact des neutrons hyperrapides, les atomes d’un acier ordinaire cassent, produisant des bulles d’hélium qui rendent le matériau poreux, donc impropre au confinement nécessaire. (…)

Quant au combustible, la nature abonde en deutérium, mais pas en tritium, car il est instable (demi-vie de douze ans). Jusqu’à présent, on n’a produit du tritium qu’en petites quantités, ce qui était nécessaire pour la fabrication des bombes H. (…)

La machine ITER est en fait un grand instrument de recherche fondamentale, rien de plus (…)

La France se prépare à investir au moins 130 millions d’euros par an pendant dix ans pour la construction d’ITER (…). Il faudra continuer ensuite avec des sommes du même ordre de grandeur pendant quelques décennies d’exploitation. Une grande partie des frais de construction sera supportée par les contribuables de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, le reste par l’Etat.

130 millions d’euros (…) c’est plus que l’ensemble de la participation de la France au grand centre mondial de recherche qu’est le Centre Européen de Recherche Nucléaire - CERN (100 millions). C’est aussi le double de l’ensemble des moyens financiers de tous les laboratoires de physique ou de mathématiques qui sont associés au CNRS (57 millions en 2003) ou de ceux du département des sciences de la vie (65 millions).

La France a déjà gaspillé 2 milliards de dollars pour une participation à la station spatiale internationale que la communauté scientifique a jugée inutile, en particulier la communauté des astrophysiciens, qui a bien senti le lourd impact que cet engagement a eu sur ses moyens de recherche. (…)

Si l’on s’accorde souvent à se plaindre de la lourdeur bureaucratique et des effets pervers du centralisme français sur la dynamique de la recherche, on pointe rarement du doigt un des effets les plus manifestes de ses défauts : la prime qui va à tout projet plus ou moins grandiose facile à identifier par les extérieurs à la science (dont les politiques) et à défendre par la structure bureaucratique. (…)

Si la communauté internationale a vraiment les moyens de se lancer dans la fusion thermonucléaire contrôlée, il nous semble que deux problèmes doivent être préalablement résolus : matériaux et production de tritium. Avant de construire le moteur révolutionnaire d’une voiture de course, il vaut mieux s’assurer qu’on aura des pneus pour la faire rouler.
Le dernier Nobel physique japonais conteste le bien-fondé d’Iter

Dernier prix Nobel japonais de physique, le professeur Masatoshi Koshiba est l’un des scientifiques qui remettent en cause le bien-fondé du projet de réacteur expérimental

international de fusion nucléaire Iter.

Dans un entretien avec l’AFP, l’an dernier, le Pr Koshiba, 78 ans, avait expliqué ses réserves, accusant les promoteurs d’Iter de vouloir faire prendre des vessies pour des lanternes.

Citant un proverbe chinois "Tête de mouton, mais viande de chien", ce spécialiste de physique fondamentale reprochait aux tenants du projet de le présenter comme "la source d’énergie de la prochaine génération", ce qu’il n’est pas, selon lui.

Ambitionnant de produire une énergie propre et sûre en recréant sur Terre les mécanismes à l’oeuvre au coeur des étoiles, le projet Iter devrait entrer dans sa phase opérationnelle en 2014 et être exploité pendant 20 ans, avec un budget estimé à quelque dix milliards d’euros.

Pour le prix Nobel de physique 2002, Iter ne remplit pas "un certain nombre de conditions, à savoir la sûreté et les coûts économiques", pour s’affirmer comme une prochaine source d’énergie quasi inépuisable.

(…)

Mais "ce projet n’est plus aux mains des scientifiques, il est dans celles des hommes politiques et des hommes d’affaires. Les scientifiques ne peuvent plus rien changer", déplorait-il.

Et le professeur Koshiba, ironique, disait souhaiter "que le gouvernement français ait l’honneur d’accepter Iter dans son propre pays".

Source : 07/05/2005 - AFP
Sébastien Balibar, Yves Pomeau et Jacques Treiner

Physiciens

Article paru dans Le Monde 24/10/04
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