15 décembre 1995
Un incident grave est survenu dans le surgénérateur japonais de Monju, situé à proximité de Tsuruga, sur la côte ouest du Japon, à quelque 300 km de Tokyo. Une fuite de sodium dans le circuit secondaire de refroidissement du surgénérateur, qui fonctionnait alors à 40% de sa capacité, a obligé les ingénieurs de garde à procéder à un arrêt manuel.
Le surgénérateur a été arrêté d’urgence
Un incident grave est survenu dans le surgénérateur japonais de Monju, situé à proximité de Tsuruga, sur la côte ouest du Japon, à quelque 300 km de Tokyo. Vendredi soir, une fuite de sodium dans le circuit secondaire de refroidissement du surgénérateur, qui fonctionne alors à 40% de sa capacité, oblige les ingénieurs de garde à procéder à un arrêt manuel. A priori, l’incident ne présente pas de danger majeur immédiat : le circuit de refroidissement secondaire n’est pas en contact avec le coeur du réacteur. Le sodium, qui sert de liquide de refroidissement, n’est donc pas radioactif Mais, au contact de l’air, il peut s’enflammer. La fuite est importante : un mètre cube, soit 2 à 3 tonnes. Elle serait due à une mauvaise soudure dans les conduits où passe ce fameux liquide de refroidissement, comme il y en a plusieurs dizaines à Monju.
L’enquête sur les causes de l’accident ne devrait commencer qu’en janvier. Mais, d’ores et déjà, certains experts en déduisent que le Superphénix japonais a bel et bien frôlé la catastrophe. Selon un chercheur de l’université de Kyoto, Keiji Kobayashi, la fuite aurait pu provoquer une explosion, car les systèmes qui auraient dû la détecter ont réagi tardivement et les extincteurs automatiques n’ont, semble-t-il, pas fonctionné. Selon de nombreux experts proches des milieux antinucléaires, les autorités auraient volontairement minimisé la gravité de l’incident, ainsi que le laisse penser le retard avec lequel elles ont fourni, avec parcimonie, des explications sur les causes de l’arrêt d’urgence du réacteur expérimental.
Le Citizen’s NuclearInformation Center, une association antinucléaire japonaise, souligne que la fuite constatée à Monju est la plus importante jamais enregistrée dans le monde par ce type de réacteur. L’association dénonce, en outre, une tentative de désinformation de la part de PNC, l’organisme public en charge du surgénérateur, qui a diffusé deux jours après l’incident des images rassurantes de l’endroit de la fuite. Ce n’est que quarante-huit heures plus tard, lorsque des responsables de la préfecture de Fukui (côte ouest du Japon) ont pu se rendre sur place, que l’on a pu enfin disposer d’images plus complètes montrant l’ampleur des dégâts causés par la fuite de sodium.
Les autorités admettent désormais qu’il faudra probablement deux ans avant que le surgénérateur soit remis en activité. A moins que, sous la pression de plus en plus forte de l’opinion, Monju ne soit mis en veilleuse comme le fut Superphénix en France jusqu’à l’an dernier. La remise en cause de l’avenir de la fihère des surgénérateurs, qui fonctionne à l’aide de combustible nucléaire retraité en France par la Cogema, n’est pas à l’ordre du jour. Cet accident risque néanmoins d’abonder dans le sens des critiques adressées par les militants antinucléaires au sujet du transport, qui se fait par bateau, du combustible retraité. Seuls la France et le Japon suivent cette filière, basée sur l’utilisation de plutonium civil.
F.A.
Libération
Tokyo, de notre correspondante