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Sortir du nucléaire n°54



Eté 2012

Actions et vie des groupes

Gorleben ­- Bure, luttes fraternelles

Article paru dans la revue Sortir du nucléaire n°54 - Eté 2012

 Luttes et actions  Déchets radioactifs  Bure


Du 4 au 9 avril 2012, une trentaine de personnes venues de tous les coins de la France, pour la plupart membres de Bure Zone Libre ou du Réseau "Sortir du nucléaire ", se sont rendues à Gorleben, dans la région du Wendland en Allemagne, pour participer à la campagne Gorleben365, en solidarité avec les opposants au projet d’enfouissement de déchets radioactifs HA et MA-VL (1).



Là-bas comme ici, on nous promet les mêmes merveilles : sûreté des installations pour les travailleurs, les riverains et l’environnement, absence de faille, préservation des générations futures, création d’emplois, re-dynamisation économique de la région... Pourtant, là-bas comme ici, l’argent coule à flots pour faire passer la pilule et endormir toute opposition. Là-bas comme ici, la police surveille et fiche les opposants. Là-bas comme ici, le site n’a pas été choisi pour les caractéristiques de son sous-sol, mais pour des raisons politiques, sociales et économiques.

Le projet de Gorleben

En 1977, le village de Gorleben est choisi pour accueillir un centre d’enfouissement de déchets les plus radioactifs (1), mais aussi une usine de "retraitement" et une zone d’entreposage temporaire en surface pour le refroidissement des colis. L’idée est de regrouper sur un même site toutes les installations relatives à la gestion des déchets. La résistance au projet fut si forte que deux ans plus tard, en 1979, le gouvernement abandonnait le projet d’usine de retraitement : les déchets des centrales allemandes continueront donc à être retraités en France, à La Hague. Mais si le gouvernement cède sur le projet d’usine, il refuse absolument d’abandonner le programme d’enfouissement. Le temps de calmer les esprits, les travaux de creusement du site ne débuteront qu’en 1986.

Aujourd’hui, Gorleben, ce sont des centaines de kilomètres de galeries en cours de creusement à 933 mètres sous terre dans un gisement de sel inexploité jusqu’à maintenant, destinées à accueillir des milliers de tonnes de déchets HA et MA-VL. À quelques mètres du futur centre d’enfouissement, une zone de stockage temporaire de surface a été créée en 1983, pour accueillir les déchets nucléaires destinés à être enfouis à Gorleben. Tous les CASTOR (2) contenant les déchets allemands "traités" à La Hague s’y trouvent aujourd’hui.

La lutte au Wendland

L’opposition au projet de Gorleben a surtout été au départ l’initiative de gens de l’extérieur, dont beaucoup d’étudiants, car les locaux ne voulaient pas participer à des actions illégales. Nombre de ces "extérieurs", venus au Wendland pour s’opposer au nucléaire, sont restés vivre sur place et cela a eu un fort impact sur le développement alternatif de la région. On y trouve beaucoup de coopératives, de cultures biologiques, une vie culturelle dynamique et les énergies renouvelables y sont très présentes. Dans les villages alentours, le X jaune, symbole de la résistance, est omniprésent.

Nos hôtes n’ont eu de cesse de nous le répéter, ils n’ont rien inventé. La lutte au Larzac fut une source d’inspiration et d’espoir très forte pour les Allemands : une lutte soutenue fortement par des gens venus de loin, longue et difficile, mais au sein de laquelle le temps qui passe n’est pas un facteur de lassitude et permet au contraire à l’opposition de prendre de l’ampleur ! Le consensus sur le nucléaire s’est effondré en Allemagne dans les années 70 et peu à peu la lutte s’est cristallisée autour de Gorleben et du problème de la gestion des déchets.

C’est ainsi que lorsque les premiers wagons de déchets sont acheminés vers Gorleben en 1995, l’étincelle se réveille pour donner jour, petit à petit, à ce que nous pouvons voir aujourd’hui à chaque transport de déchets vers le Wendland : d’importantes mobilisations au sein desquelles toutes les cultures de résistance peuvent s’exprimer. Alors qu’au départ la lutte était assez désorganisée et qu’il n’y avait pas de travail commun, aujourd’hui les différentes cultures de résistance cohabitent et se complètent. Et si tout n’est pas rose entre les différentes mouvances de la lutte, chacun peut rejoindre le type d’action qui lui convient et les tensions internes n’affectent pas la lutte globale.

La campagne "Gorleben365"

Cette campagne est à l’initiative de deux groupes, "X-tausend mal quer" et "KURVE Wustrow". Elle a commencé le 14 août 2011 et durera jusqu’au 13 août 2012. Le but est de bloquer de manière non violente pendant un maximum de jours l’accès au chantier et ceci afin de montrer jour après jour l’opposition à ce projet, avec des groupes et des thèmes différents et variés. Chacun peut initier une idée de blocage et l’organiser. À ce jour, une quarantaine de blocages ont eu lieu depuis le mois d’août 2011. C’est dans ce cadre qu’a eu lieu une semaine francophone de rencontres et d’actions au Wendland du 4 au 9 avril 2012.

Cinq jours riches en actions et rencontres en tous genres

Cette semaine au Wendland fut l’occasion pour notre groupe de rencontrer de nombreuses personnes, collectifs et associations participant à la lutte locale, de partager nos expériences, de recueillir des informations sur les énergies renouvelables dans la région, et surtout de marquer notre solidarité avec les antinucléaires allemands, en participant au blocage du site de Gorleben. Nous avions fait près de 1000 km pour participer à cette campagne et étions bien déterminés à réussir notre action.

Pour cela, nous avions pris soin de bien la préparer avec l’aide de Matthias Wiedenlübbert, responsable bénévole de la campagne Gorleben365. Et ce 7 avril 2012, ce n’est pas un mais deux blocages des six portes du site que nous avons réalisés. Le premier, aux alentours de sept heures du matin, pour la première relève, le second, en soirée, accompagnés de locaux venus nous prêter main forte. À chaque fois, un constat : l’attitude des policiers allemands est bien différente de celle de leurs collègues français. Ici, pas de menace, pas de violence, pas de gaz lacrymogène, mais une évacuation dans les règles de l’art, en portant et déplaçant simplement les personnes. Aucune arrestation ne fut d’ailleurs à déplorer. Un bon moyen de se former à la non- violence pour ceux et celles d’entre nous qui n’avaient jamais participé à ce type d’action de résistance.

Des idées, des projets et des espoirs nés de cet échange

De cet échange sont nés des idées, de nombreux projets et des espoirs. Sont déjà prévues, entre autres, la création d’une coordination internationale contre les projets d’enfouissement des déchets, la mise en place d’un site commun d’information, ainsi que des actions tri-nationales contre les transports des déchets allemands venant de Sellafield en Angleterre et devant passer par la France, à partir de 2014. Nos amis allemands ont également été conviés à venir nous rendre visite en France pour le prochain festival de Bure et pour participer aux nombreuses actions qui seront mises en place dans les mois et années à venir.

La découverte de l’historique de la lutte antinucléaire au Wendland ouvre également de nouvelles perspectives sur l’avenir du projet de Bure. Le projet de Gorleben date de 1976 et les luttes locales n’ont pas toujours été aussi fortes et virulentes qu’elles le sont aujourd’hui. À nous de nous inspirer de l’histoire du Wendland pour créer en Meuse une opposition forte, radicale et imaginative au projet de Bure. Si les CASTOR arrivent à Bure dans quelques années nous serons peut-être, comme en Allemagne, des dizaines de milliers à nous mettre "des milliers de fois en travers"3.

Remerciements : nous tenons à adresser des remerciements tous particuliers à Franck Linke, Wolfgang Hertle, Matthias Wiedenlübbert, ainsi qu’à Peter Desoï sans qui cet échange n’aurait pas été possible.

Synthèse réalisée par Laura Hameaux sur la base d’un compte rendu rédigé à plusieurs mains par l’équipe de Bure Zone Libre, consultable sur : burezoneblog.over-blog.com

Notes :

1 : Déchets radioactifs de Moyenne et Haute Activité à Vie Longue

2 : Cask for storage and transport of radioactive material ; acronyme anglais désignant les conteneurs de transport et de stockage des déchets radioactifs

3 : Traduction française de la campagne allemande "X-tausend mal quer"

Là-bas comme ici, on nous promet les mêmes merveilles : sûreté des installations pour les travailleurs, les riverains et l’environnement, absence de faille, préservation des générations futures, création d’emplois, re-dynamisation économique de la région... Pourtant, là-bas comme ici, l’argent coule à flots pour faire passer la pilule et endormir toute opposition. Là-bas comme ici, la police surveille et fiche les opposants. Là-bas comme ici, le site n’a pas été choisi pour les caractéristiques de son sous-sol, mais pour des raisons politiques, sociales et économiques.

Le projet de Gorleben

En 1977, le village de Gorleben est choisi pour accueillir un centre d’enfouissement de déchets les plus radioactifs (1), mais aussi une usine de "retraitement" et une zone d’entreposage temporaire en surface pour le refroidissement des colis. L’idée est de regrouper sur un même site toutes les installations relatives à la gestion des déchets. La résistance au projet fut si forte que deux ans plus tard, en 1979, le gouvernement abandonnait le projet d’usine de retraitement : les déchets des centrales allemandes continueront donc à être retraités en France, à La Hague. Mais si le gouvernement cède sur le projet d’usine, il refuse absolument d’abandonner le programme d’enfouissement. Le temps de calmer les esprits, les travaux de creusement du site ne débuteront qu’en 1986.

Aujourd’hui, Gorleben, ce sont des centaines de kilomètres de galeries en cours de creusement à 933 mètres sous terre dans un gisement de sel inexploité jusqu’à maintenant, destinées à accueillir des milliers de tonnes de déchets HA et MA-VL. À quelques mètres du futur centre d’enfouissement, une zone de stockage temporaire de surface a été créée en 1983, pour accueillir les déchets nucléaires destinés à être enfouis à Gorleben. Tous les CASTOR (2) contenant les déchets allemands "traités" à La Hague s’y trouvent aujourd’hui.

La lutte au Wendland

L’opposition au projet de Gorleben a surtout été au départ l’initiative de gens de l’extérieur, dont beaucoup d’étudiants, car les locaux ne voulaient pas participer à des actions illégales. Nombre de ces "extérieurs", venus au Wendland pour s’opposer au nucléaire, sont restés vivre sur place et cela a eu un fort impact sur le développement alternatif de la région. On y trouve beaucoup de coopératives, de cultures biologiques, une vie culturelle dynamique et les énergies renouvelables y sont très présentes. Dans les villages alentours, le X jaune, symbole de la résistance, est omniprésent.

Nos hôtes n’ont eu de cesse de nous le répéter, ils n’ont rien inventé. La lutte au Larzac fut une source d’inspiration et d’espoir très forte pour les Allemands : une lutte soutenue fortement par des gens venus de loin, longue et difficile, mais au sein de laquelle le temps qui passe n’est pas un facteur de lassitude et permet au contraire à l’opposition de prendre de l’ampleur ! Le consensus sur le nucléaire s’est effondré en Allemagne dans les années 70 et peu à peu la lutte s’est cristallisée autour de Gorleben et du problème de la gestion des déchets.

C’est ainsi que lorsque les premiers wagons de déchets sont acheminés vers Gorleben en 1995, l’étincelle se réveille pour donner jour, petit à petit, à ce que nous pouvons voir aujourd’hui à chaque transport de déchets vers le Wendland : d’importantes mobilisations au sein desquelles toutes les cultures de résistance peuvent s’exprimer. Alors qu’au départ la lutte était assez désorganisée et qu’il n’y avait pas de travail commun, aujourd’hui les différentes cultures de résistance cohabitent et se complètent. Et si tout n’est pas rose entre les différentes mouvances de la lutte, chacun peut rejoindre le type d’action qui lui convient et les tensions internes n’affectent pas la lutte globale.

La campagne "Gorleben365"

Cette campagne est à l’initiative de deux groupes, "X-tausend mal quer" et "KURVE Wustrow". Elle a commencé le 14 août 2011 et durera jusqu’au 13 août 2012. Le but est de bloquer de manière non violente pendant un maximum de jours l’accès au chantier et ceci afin de montrer jour après jour l’opposition à ce projet, avec des groupes et des thèmes différents et variés. Chacun peut initier une idée de blocage et l’organiser. À ce jour, une quarantaine de blocages ont eu lieu depuis le mois d’août 2011. C’est dans ce cadre qu’a eu lieu une semaine francophone de rencontres et d’actions au Wendland du 4 au 9 avril 2012.

Cinq jours riches en actions et rencontres en tous genres

Cette semaine au Wendland fut l’occasion pour notre groupe de rencontrer de nombreuses personnes, collectifs et associations participant à la lutte locale, de partager nos expériences, de recueillir des informations sur les énergies renouvelables dans la région, et surtout de marquer notre solidarité avec les antinucléaires allemands, en participant au blocage du site de Gorleben. Nous avions fait près de 1000 km pour participer à cette campagne et étions bien déterminés à réussir notre action.

Pour cela, nous avions pris soin de bien la préparer avec l’aide de Matthias Wiedenlübbert, responsable bénévole de la campagne Gorleben365. Et ce 7 avril 2012, ce n’est pas un mais deux blocages des six portes du site que nous avons réalisés. Le premier, aux alentours de sept heures du matin, pour la première relève, le second, en soirée, accompagnés de locaux venus nous prêter main forte. À chaque fois, un constat : l’attitude des policiers allemands est bien différente de celle de leurs collègues français. Ici, pas de menace, pas de violence, pas de gaz lacrymogène, mais une évacuation dans les règles de l’art, en portant et déplaçant simplement les personnes. Aucune arrestation ne fut d’ailleurs à déplorer. Un bon moyen de se former à la non- violence pour ceux et celles d’entre nous qui n’avaient jamais participé à ce type d’action de résistance.

Des idées, des projets et des espoirs nés de cet échange

De cet échange sont nés des idées, de nombreux projets et des espoirs. Sont déjà prévues, entre autres, la création d’une coordination internationale contre les projets d’enfouissement des déchets, la mise en place d’un site commun d’information, ainsi que des actions tri-nationales contre les transports des déchets allemands venant de Sellafield en Angleterre et devant passer par la France, à partir de 2014. Nos amis allemands ont également été conviés à venir nous rendre visite en France pour le prochain festival de Bure et pour participer aux nombreuses actions qui seront mises en place dans les mois et années à venir.

La découverte de l’historique de la lutte antinucléaire au Wendland ouvre également de nouvelles perspectives sur l’avenir du projet de Bure. Le projet de Gorleben date de 1976 et les luttes locales n’ont pas toujours été aussi fortes et virulentes qu’elles le sont aujourd’hui. À nous de nous inspirer de l’histoire du Wendland pour créer en Meuse une opposition forte, radicale et imaginative au projet de Bure. Si les CASTOR arrivent à Bure dans quelques années nous serons peut-être, comme en Allemagne, des dizaines de milliers à nous mettre "des milliers de fois en travers"3.

Remerciements : nous tenons à adresser des remerciements tous particuliers à Franck Linke, Wolfgang Hertle, Matthias Wiedenlübbert, ainsi qu’à Peter Desoï sans qui cet échange n’aurait pas été possible.

Synthèse réalisée par Laura Hameaux sur la base d’un compte rendu rédigé à plusieurs mains par l’équipe de Bure Zone Libre, consultable sur : burezoneblog.over-blog.com

Notes :

1 : Déchets radioactifs de Moyenne et Haute Activité à Vie Longue

2 : Cask for storage and transport of radioactive material ; acronyme anglais désignant les conteneurs de transport et de stockage des déchets radioactifs

3 : Traduction française de la campagne allemande "X-tausend mal quer"



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