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Des accidents nucléaires partout

France : EPR de Flamanville : Surpression et baisse du niveau d’eau dans le bâtiment combustible

"Phénomène normal mais non anticipé" : un petit incident qui en dit long




3 mai 2024


Le niveau d’eau de la piscine où est entreposé le combustible nucléaire de l’EPR de Flamanville (Normandie) est passé en dessous du seuil minimum exigé par les règles de sûreté. À cause d’une surpression dans le bâtiment, elle-même causée par un problème de ventilation. D’après EDF, il s’agit d’un "phénomène normal mais pas suffisamment anticipé". De quoi être rassuré·e sur sa capacité à gérer l’installation ?


Crédit photo : Schoella - Wikimedia Commons - CC BY 3.0

C’est lors d’un essai début avril 2024 que l’incident est survenu. Classé tout en bas de l’échelle de gravité des incidents nucléaires [1], il n’en révèle pas moins un grave manque de préparation et questionne sérieusement sur les capacités d’EDF à gérer le plus puissant de ses réacteurs nucléaires, au moment même où l’Autorité de sûreté nucléaire s’apprête à autoriser sa mise en service.

Après pas moins de 12 années de retard, le combustible est enfin prêt et les essais de matériels sont réalisés. Les groupes électrogènes à moteurs diesels, qui servent à fournir de l’électricité aux systèmes les plus essentiels en cas de coupure de courant généralisée, sont eux-aussi testés pour vérifier leur bon fonctionnement. Et c’est justement ce qui a fait baisser le niveau d’eau de la piscine de refroidissement du combustible. Sans que EDF n’ait vu le problème arriver.

Les groupes électrogènes de secours ne peuvent pas fournir de l’électricité à tous les équipements du réacteur. Seuls les plus fondamentaux pour éviter un accident nucléaire sont alimentés en électricité. La mise en service du groupe électrogène a provoqué un déséquilibre dans la ventilation du bâtiment combustible : l’extraction d’air n’était plus assurée, mais l’apport d’air oui. La pression atmosphérique de ce bâtiment hermétiquement fermé (pour éviter une contamination radioactive de l’environnement) a commencé à monter. Cette surpression a fait baisser le niveau d’eau de la piscine où est entreposé le combustible nucléaire. Jusqu’à le faire passer sous le seuil minimum requis. Mais soyons rassuré·es : selon EDF, ce phénomène est normal, il n’a juste pas été anticipé.

Prenons deux minutes pour réfléchir à cet incident dont l’annonce a été particulièrement discrète : le dernier d’une liste de 6 évènements significatifs [2], publiée sur la page d’actualité de la centrale de Flamanville dédiée aux réacteurs en fonctionnement (les réacteurs 1 et 2), l’EPR (Flamanville 3) ayant sa page spécifique.
Certes le niveau d’eau n’est pas descendu beaucoup sous le seuil minimal (2 cm), certes le combustible est neuf et il n’est pas encore irradié (l’eau faisant office de barrière aux rayonnements), certes dès la détection de la baisse de niveau d’eau l’extraction d’air a été remis en route. Mais on ne sait pas combien de temps EDF a mis pour détecter le problème. Et ce "phénomène" n’aurait jamais dû arriver. Le niveau d’eau de la piscine de combustible ne doit pas passer sous le minimum requis, qu’il s’agisse de 10, 20, 30 ou 50 cm ne change rien. Si EDF avait correctement préparé son essai, si l’industriel connaissait suffisamment ses équipements, ce "phénomène normal mais pas suffisamment anticipé" ne serait pas arrivé.
Enfin, qu’il soit "normal" que le déclenchement d’un groupe électrogène de secours mette le bâtiment combustible sous pression et fasse baisser le niveau dans sa piscine pose sérieusement question. Car si c’est ce qui doit arriver "normalement" en cas de coupure de courant, si la mise en route des diesels de secours engendre ces réactions, il y a un gros, gros problème de conception sur l’EPR de Flamanville. Et si c’est dû à une configuration des circuits de l’installation, c’est au niveau des connaissances et de la maîtrise des équipes de conduite qu’il y a de gros soucis. Un "petit" incident, sans aucune conséquence, mais qui en dit long.

Ce que dit EDF :

[Flamanville 3]

Sûreté

08/04/2024

Le 3 avril 2024, un essai périodique d’un groupe électrogène de secours a été réalisé. Lors de cet essai, un phénomène normal (mais pas suffisamment anticipé) de déséquilibre dans les systèmes de ventilation du bâtiment combustible a conduit à une légère montée en pression du Hall piscine combustible et par conséquent, une baisse du niveau d’eau de la piscine de désactivation à 18,88 m au lieu d’un minimum de 18,90m prévu dans nos règles d’exploitation.

Dès détection de cet écart, un opérateur a remis en service le système d’extraction d’air afin de rétablir les niveaux d’eau.

Cet événement n’a eu aucune conséquence sur la sûreté des installations.

Toutefois, conformément aux procédures, la direction de la centrale de Flamanville 3 a déclaré à l’Autorité de sûreté nucléaire, le 8 avril 2024, un événement significatif sûreté au niveau 0 de l’échelle INES.

https://www.edf.fr/la-centrale-nucleaire-de-flamanville-1-2/les-actualites-de-la-centrale-nucleaire-de-flamanville-1-2/evenements-significatifs-avril-2024


[1INES : International nuclear and radiological event scale (Échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques) - Description et niveaux ici - https://www.asn.fr/Lexique/I/INES

[2Événements significatifs : incidents ou accidents présentant une importance particulière en matière, notamment, de conséquences réelles ou potentielles sur les travailleurs, le public, les patients ou l’environnement. https://www.asn.fr/Lexique/E/Evenement-significatif En dessous des évènements significatifs, il y a les évènements dits « intéressants », et encore en dessous les « signaux faibles ». Un évènement catégorisé « significatif » est donc déjà « en haut de l’échelle » d’importance des évènements


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Installation(s) concernée(s)

EPR Flamanville

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13