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Des accidents nucléaires partout

France : Chinon : Un matériel hors-service durant des mois

La qualité de la maintenance, des contrôles et des tests d’EDF pose questions




2 novembre 2023


Il s’agissait d’une opération simple : remplacer un moto-ventilateur, un équipement associé à une pompe qui permet à un circuit crucial de fonctionner en cas d’accident. L’intervention a été faite en mai 2023 sur le réacteur 3 de la centrale nucléaire de Chinon (Centre-Val de Loire). Fin octobre, EDF se rend compte que l’équipement ne fonctionne pas. Et que toute une partie du circuit était hors-service depuis mai.


Crédit photo : André Paris

Le circuit en question (dit EAS) doit être totalement fonctionnel dès que le réacteur est chargé de combustible et que la réaction nucléaire est lancée. Le principe est de pulvériser de l’eau et de la soude dans le bâtiment qui contient le cœur du réacteur en cas d’accident sur celui-ci. Le but de ce système est de faire baisser la température et la pression dans le bâtiment et de rabattre au sol les éléments radioactifs. Donc d’éviter une explosion de l’enceinte du réacteur et une contamination radioactive de l’environnement.

Chaque intervention (entretien, réparation, tests de fonctionnement etc.) sur un matériel classé comme important, tel que ce circuit de secours, est codifiée : il y a un protocole à suivre qui décrit tout ce qui doit être fait, étape par étape. Un contrôle technique est ensuite réalisé par une personne différente de celle qui a exécuté l’intervention. Est-ce que l’intervention a permis d’atteindre le résultat attendu ? A-t-elle été faite conformément au protocole ? Le matériel est-il apte à fonctionner ? Si oui, alors ledit matériel est considéré comme "requalifié" (il est à nouveau qualifié pour remplir ses fonctions).

C’est bien ce qu’il s’est passé à Chinon après le remplacement du moto-ventilateur associé à une pompe du système d’aspersion de l’enceinte du réacteur 3. L’équipement a été requalifié : les tests faits par EDF disaient que tout allait bien et que le matériel fonctionnait parfaitement après son remplacement. Sauf que ce n’était pas le cas.

Ce n’est que cinq mois plus tard, le 25 octobre 2023, que EDF s’en rendra compte. Et identifiera l’origine des problèmes de fonctionnement : l’intervention de remplacement faite en mai. Celle-ci n’avait pas été faite correctement, elle "n’était pas conforme" précise l’industriel. Et c’est le seul élément qu’il donnera. Il n’expliquera pas non plus comment le matériel a pu être requalifié alors qu’il ne fonctionnait pas convenablement. De quoi questionner très sérieusement le niveau de qualité au sein d’EDF  : celle des interventions de maintenance, celle des contrôles techniques, celle des essais de requalification. De quoi s’interroger aussi sur la réelle capacité à fonctionner des circuits de la centrale : depuis cinq mois, EDF pensait que le système d’aspersion du réacteur 3 fonctionnait parfaitement, alors que ce n’était pas le cas. "Détection tardive et non respect des règles", c’est bien le minimum que l’on puisse dire pour qualifier comment cette affaire a été gérée.

Ce que dit EDF :

Détection tardive d’un non-respect des règles générales d’exploitation sur l’unité de production n°3

Publié le 02/11/2023

Le 24 mai 2023, au cours de la visite partielle de l’unité de production n°3 de la centrale de Chinon, les équipes procèdent au remplacement d’un moto-ventilateur associé à une des pompes du système de sauvegarde permettant l’aspersion de l’enceinte du bâtiment réacteur en cas d’accident (EAS)*. Lors de la requalification du nouveau matériel, aucune anomalie n’est détectée et le matériel est considéré disponible.

Le 25 octobre 2023, alors que l’unité de production n°3 est mise à l’arrêt pour des opérations de maintenance programmée, une anomalie constatée sur ce moto-ventilateur amène à le considérer indisponible. Une intervention est réalisée pour retrouver sa pleine fonctionnalité et requalifier le matériel mais l’analyse montre que le remplacement réalisé lors de la précédente visite partielle n’était pas conforme.

Cette situation a conduit EDF à considérer que le moto-ventilateur et, par conséquent, une partie du système d’aspersion de l’enceinte de l’unité de production n°3, n’étaient pas disponibles depuis le 24 mai 2023, date de la dernière maintenance réalisée. Cette indisponibilité constatée a posteriori, alors que le réacteur était dans un domaine d’exploitation où le système d’aspersion de l’enceinte était requis, constitue un non-respect des règles générales d’exploitation.

Cet événement n’a pas eu de conséquence réelle sur la sûreté des installations. Cependant, du fait de sa détection tardive, la direction de la centrale de Chinon a déclaré le 31 octobre 2023 à l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN), un évènement significatif sûreté au niveau 1 sur l’échelle INES qui en compte 7.

* Le système de sauvegarde EAS est un système d’aspersion d’eau dans l’enceinte du bâtiment réacteur. Ce système est mis en service automatiquement en situation accidentelle et a pour objectif de diminuer la pression et la température dans l’enceinte de confinement.

https://www.edf.fr/la-centrale-nucleaire-de-chinon/les-actualites-de-la-centrale-nucleaire-de-chinon/detection-tardive-dun-non-respect-des-regles-generales-dexploitation-sur-lunite-de-production-ndeg3


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Installation(s) concernée(s)

Chinon

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