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Des accidents nucléaires partout

France : CIS Bio Saclay : De l’iode radioactif dans l’air

Quand les filtres ne marchent pas (pour la seconde fois) : incompétence et contamination




13 décembre 2023


Dans son usine de Saclay (Île de France), CIS Bio utilise de l’iode radioactif qui se répand dans l’air des locaux. Le radioélément est censé être capté par des filtres du système de ventilation pour ne pas être rejeté à l’extérieur et contaminer l’environnement. Mais encore faut-il que les filtres marchent.


Alors que l’exploitant de l’usine de Saclay vient d’être condamné une nouvelle fois par la justice pour de graves défaillances dans son usine nucléaire, la déclaration d’un nouvel incident sonne le constat de son incompétence. Le 1er décembre 2023, il a averti l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) que son filtre à iode, censé capter le radioélément présent dans l’air de son usine avant qu’il ne soit rejeté à l’extérieur du bâtiment, ne fonctionnait pas correctement. Une découverte que l’industriel a fait le 23 novembre, soit une semaine avant d’avoir prévenu le gendarme du nucléaire.

Déjà en 2021, le même problème était survenu dans l’usine de production de radioéléments de CIS Bio. Les actions que l’industriel était censé mettre en œuvre pour que ce genre de chose n’arrive plus n’ont pas été efficaces. Ce que pointe d’ailleurs l’ASN dans le communiqué qui averti le public de l’incident (CIS Bio ne communique pas sur ses déclarations) : "insuffisance des actions correctives", qui n’ont "pas permis le maintien dans le temps d’une efficacité conforme aux exigences du référentiel de l’installation". Si quand on a fait des erreurs on les reproduit encore, a-t-on compris la leçon ?

Le piège à iode radioactif qui équipe la ventilation de l’usine doit avoir une certaine efficacité, dont le minimum requis est défini dans les règles d’exploitation (le "référentiel" que mentionne l’ASN). L’enjeu est important : ne pas rejeter dans l’air extérieur trop de radioactivité, en tout cas pas plus que ce qui est autorisé (les autorités accordent aux usines des autorisations pour rejeter dans l’air et dans l’eau des produits chimiques et radioactifs, leur donnant ainsi le droit de polluer, mais dans certaines limites). Le filtre en bout de chaîne, celui qui est le dernier avant que l’air ne soit rejeté à l’extérieur de l’usine de CIS Bio doit avoir un coefficient d’épuration au minimum de 1 000. Il était de 893 lorsque l’industriel a testé son efficacité le 23 novembre. Un test qu’il ne fait qu’une fois par an.

La fréquence d’une fois par an est-elle adaptée au regard de l’importance de ce filtre, dernier rempart avant un rejet radioactif dans l’environnement ? Pourquoi ne vérifier son état qu’une fois tous les 12 mois, alors que les faits ont montré par le passé que le rythme de surveillance n’était pas adapté et ne permet pas de détecter au plus vite une perte d’efficacité ?
D’après les mesures faites CIS Bio les rejets radioactifs dans l’air n’auraient pas dépassé les limites autorisées. On ne sait pas combien de temps l’usine a fonctionné avec un filtre à iode qui avait perdu en efficacité. Ni à quoi est due la baisse du coefficient d’épuration. Qu’il n’y ait pas eu de rejet radioactif excédant les autorisations de CIS Bio n’efface pas le problème : l’industriel est tenu de maintenir en état ses équipements évitant une contamination radioactive à l’extérieur de son installation et de détecter au plus tôt tout dysfonctionnement.

L’exploitant nucléaire a déjà été plusieurs fois mis en demeure par l’ASN, qui est même allée jusqu’à une consignation financière pour l’obliger à mettre de l’argent de côté pour effectuer des travaux dans son usine. Quand ce n’est pas les protections contre l’incendie ou le contrôle des équipements importants, c’est le confinement de la radioactivité et la protection de l’environnement...Quand on n’apprend pas de ses erreurs, il est impossible de s’améliorer. Une nouvelle fois, CIS Bio apparaît tel qu’il est : un exploitant nucléaire incompétent, incapable d’appliquer les règles censées régir le fonctionnement de son usine et qui prend le risque de polluer notre environnement.

Ce que dit l’ASN :

Non-respect du critère d’efficacité d’un piège à iode

Publié le 13/12/2023

Usine de production de radioéléments artificiels Fabrication ou transformation de substances radioactives - Cis-Bio

CIS bio international, exploitant de l’installation nucléaire de base (INB) n° 29 à Saclay, a déclaré le 1er décembre 2023 à l’ASN un événement significatif pour la sûreté relatif à un écart aux règles générales d’exploitation concernant l’efficacité d’un piège à iode.

La société CIS bio international exerce dans cette installation des activités de recherche et développement, de production et de distribution de produits radiopharmaceutiques et d’appareils à usage médical pour le diagnostic et la thérapie.

Certains produits radiopharmaceutiques contiennent de l’iode radioactif (*). Leur production ou leur manipulation dans différents types d’enceintes ventilées au sein de laboratoires, génère la présence d’iode radioactif dans les gaz extraits de ces enceintes. Ces gaz transitent dans un réseau de ventilation constituant une barrière de confinement dynamique. Ils sont traités avant rejet à l’extérieur, en particulier par le piégeage de l’iode sur des filtres appropriés (pièges à iode) dont l’efficacité est contrôlée régulièrement.

Le piège à iode concerné par l’événement se situe au dernier niveau de filtration à l’aval d’équipements nucléaires présents dans plusieurs laboratoires de contrôle qualité et de R&D de l’INB n° 29. Même si d’autres filtres sont présents en amont, c’est ce dernier niveau de filtration qui constitue un équipement important pour la sûreté, participant à la maîtrise du confinement. Les règles générales d’exploitation précisent que le coefficient d’épuration de ce piège à iode doit être supérieur à 1000.

Le 23 novembre 2023, lors du contrôle d’essai périodique annuel, le coefficient d’épuration de ce piège à iode a été mesuré égal à 893. Le 29 novembre 2023, les filtres du piège ont été changés et le dispositif de filtration a été requalifié. Avant de retrouver cet état de fonctionnement nominal, l’exploitant a mis en œuvre des mesures compensatoires comme la limitation de certaines activités réalisées dans les laboratoires concernés, le remplacement des charbons actifs des premières barrières de filtration présentes sur certaines enceintes et la surveillance renforcée des rejets à l’émissaire.

Le défaut d’efficacité du piège à iode n’a pas eu d’incidence sur les personnes et l’environnement selon les analyses qui ont été faites au niveau de la cheminée de rejet.

Cependant, un défaut analogue avait déjà été observé en fin d’année 2021. Le plan d’action mis en œuvre avait permis la requalification du dispositif, mais les actions définies n’ont en revanche pas permis le maintien dans le temps d’une efficacité conforme aux exigences du référentiel de l’installation.

En raison de la répétition de défaillances sur un équipement participant à la maîtrise du confinement des substances radioactives, et de l’insuffisance des actions correctives précédemment appliquées, cet événement a été classé au niveau 1 de l’échelle INES (échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques, graduée de 0 à 7 par ordre croissant de gravité).

https://www.asn.fr/l-asn-controle/actualites-du-controle/installations-nucleaires/avis-d-incident-des-installations-nucleaires/non-respect-du-critere-d-efficacite-d-un-piege-a-iode2


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Installation(s) concernée(s)

CIS BIO

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