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Sortir du nucléaire n°56



Hiver 2012-2013

Alternatives

En maison autonome, au gré des saisons

Article paru dans la revue Sortir du nucléaire n°56 - Hiver 2012-2013

 Energies renouvelables


Une maison "autonome"... cela signifie d’abord qu’elle n’est pas branchée sur le réseau national d’électricité et qu’elle ne consomme que l’électricité auto-produite sur place. Dans notre cas, uniquement par panneaux photovoltaïques. En conséquence, l’énergie disponible pour produire de l’électricité est plus rare et parcimonieuse en hiver qu’en été.



Via le réseau (inter)national d’électricité, la prise de courant et le commutateur donnent l’impression - mensongère - d’avoir accès à une énergie illimitée et nous laissent croire que nous n’avons pas à nous préoccuper des "limites énergétiques". Pourtant, malgré les méga-systèmes installés dans le monde moderne, ces "limites énergétiques", quoique repoussées plus loin, existent encore bel et bien : "black-out" occasionnels pour des régions entières, épuisement des énergies fossiles, infâme nucléaire avec ses éventuels Tchernobyls, ses déchets éternels et ses coûts réels insupportables... si bien qu’il nous faut les répercuter sur les nombreuses prochaines générations, leur léguant un énorme fardeau par égoïsme myope.

Saison chaude...

Pour nous, en l’occurence, cette autonomie électrique veut dire que du printemps à l’automne nous surproduisons en quasi-permanence ; au point que le parc de 12 batteries à décharge et recharge lente est saturé et qu’il laisse "filer" (sans la retenir) une bonne partie de la généreuse énergie du soleil.

Du printemps à l’automne, c’est donc le temps de faire diverses expériences avec des électro-ménagers plus voraces (pas plus d’un à la fois et de préférence avec soleil pour ménager les batteries). Les "voraces" sont surtout ceux qui produisent du chaud et du froid ; tandis que les petits moteurs du genre mixeur ne prennent presque rien. Entre juin et septembre, c’est le temps de brancher le frigo puisque la "souillarde", arrière-cuisine située côté nord et semi-enterrée, n’est plus très fraîche pour conserver les aliments ; quoique ce ne soit pas vraiment problématique quand on est végétarien puisque ce sont surtout la viande et le poisson qui sont éminemment putrescibles. Temps aussi de brancher le grille-pain et la bouilloire, récupérés aux encombrants, puisque le poêle à bois se repose de ses ardeurs hivernales.

… et saison froide !

Par contre, de l’automne au printemps, spécialement de fin novembre à début février, il nous faut veiller au grain. Les jours sont courts et souvent gris avec brouillards persistants, particulièrement en montagne. Même si on peut "tenir" jusqu’à une semaine et demie sans soleil grâce au parc de batteries, mieux vaut être préventif et économe... puisqu’on ne sait d’avance combien de temps tiendra la grisaille. Nous comptons les watts. Tous les postes éclairages utilisés pendant des heures - table à manger, bureau, coin lecture - sont passés en LEDs (entre 2 et 4 W par ampoule ; soit cinq fois moins que les dites "économes"…). Et dans la salle de bain, on a le réflexe d’allumer le petit néon à 8 W plutôt que les deux économes qui totalisent 30 W. Et on éteint aussi la box pour téléphone et ordi (25 W en continu) quand elle ne sert pas.

La plupart des électro-ménagers sont rangés. Et on attend impérativement le plein soleil pour démarrer le lave-linge. Celui-ci consomme un aberrant 2000 W pour chauffer l’eau (au-delà de notre capacité-crête qui est autour de 1500 W) et seulement 300 W pour toutes les autres mécaniques. Nous lui commandons donc de laver exclusivement à l’eau froide mais en fait, nous lui fournissons - sans qu’il le sache - à l’aide d’un mitigeur, de l’eau déjà pré-chauffée à 35 ou 40 °C, soit par le solaire thermique soit par le fourneau bouilleur à bois.

Cohérence écologique

Car nous n’en avons pas encore parlé mais cette maison est à forte cohérence écologique. En plus de l’électricité photovoltaïque, l’eau est chauffée soit par panneaux solaires thermiques soit par fourneau bouilleur à bois (11 stères par année pour chauffer 140 m2) selon le temps qu’il fait. De plus, les vieux murs de pierre sont recouverts sur 2 ou 3 cm de terre avec paille hachée menue dedans. L’étage tout en bois local. Et isolation de chanvre dans le toit. Toit dont on récupère 1100 litres d’eau de pluie pour arroser serre et jardins ; ce qui permet d’être autonome pour deux à près de 80 % en fruits et légumes (avec conserves en bocaux de verre). Et le four de cuisson solaire qui sert, entre autres, à stériliser ces conserves.

En fait, veiller au grain sur l’énergie devient une sorte de jeu avec le soleil, les heures et les saisons. Un jeu qui nous tient aussi en éveil quant aux améliorations possibles de notre installation. Ainsi, par exemple, un simple "aquastat" installé sur la petite pompe du fourneau bouilleur a permis de "pousser" l’eau chaude vers radiateurs et ballon d’eau chaude seulement quand cette eau a atteint 65 °C, économisant ainsi près de 50 % sur les 35 W utilisés en continu par cette pompe.

Combiner les énergies

Toute énergie de la nature étant irrégulière et variable, il est important, autant que faire se peut, de fonctionner avec des renouvelables différentes et complémentaires. Le solaire thermique pour production d’eau chaude couplé au fourneau bouilleur à bois en est un bon exemple.

Pour la production d’électricité, nous avions envisagé une petite éolienne pour compenser le manque de soleil en hiver. Mais les grimaces des voisins, aussitôt mentionné le mot "éolienne", car confrontés par l’ancien proprio à un vieux modèle bruyant comme un avion à hélice de la deuxième guerre mondiale, et les coûts d’entretien car beaucoup de pièces mobiles (en plus de l’installation), nous ont plutôt fait choisir une nouvelle génération de panneaux photovoltaïques (micro-cristallin amorphe à couches minces) qui constituent un complémentaire partiel car ces types de panneaux savent capter et transformer en électricité
 quoique en quantité moindre - une lumière plus diffuse par ciel voilé et sans rayons directs du soleil. Nous verrons l’hiver prochain si cette innovation nous aide à traverser plus facilement la période creuse du solstice d’hiver.
L’expérience continue…

À noter que les plus vieux panneaux (30 ans d’âge) que nous venons de remplacer étaient français, fabriqués par Photowatt... qui vient de tomber entre les mains d’EDF ! Notre génération intermédiaire de panneaux photovoltaïques sont des Atersa espagnols et les tout frais installés sont des Sharp japonais. Mondialisation oblige... ainsi que le manque de soutien à la filière française ! Et si l’Europe (hormis l’Allemagne, l’Espagne et le Danemark qui déjà avancent très vite avec leurs propres renouvelables) relocalisait la production des renouvelables ?

Un choix pionnier... et motivant !

Bien sûr, une telle installation en maison autonome (donc, sans vente à EDF du courant produit) reste encore aujourd’hui un choix pionnier, et pour le moment, plus coûteux à court terme. Et bien sûr, les batteries restent le point faible de l’installation sur le plan écologique (même si elles durent 20 ans quand elles sont traitées correctement).

Mais quel plaisir de vivre sans les factures et le mauvais esprit d’EDF ; et de ne pas alimenter la sale machine nucléaire qui hypothèque gravement l’avenir de toute la planète et de ses habitants. Combien de kilos de déchets radioactifs produit-on par personne chaque année avec cette aberration énergétique qu’est le nucléaire ? Et quel plaisir enfin de renforcer doucement la cohérence écologique et l’autonomie de son chez-soi...

Le 17 avril 2011, histoire de signaler autrement les 25 ans de Tchernobyl, nous avions proposé une porte ouverte afin de faire découvrir cette maison autonome. Une centaine de personnes curieuses sont soudainement apparues dans notre hameau de cinq maisons pour la visiter. C’est dire l’intérêt que cela suscite. Une petite vidéo a été tournée à cette occasion et est toujours visible1.

André Larivière

Notes :
1 : https://vimeo.com/22834439

Pour toute info généraliste sur le thème, vous pouvez contacter André Larivière (04 63 31 50 12 ; andre.lariviere@free.fr)

Pour toute info technique, André vous recommande chaudement le livre de Valéry Borraz, bricoleur génial et pionnier des installations hors réseau. "Électron libre", Éd. La Plage, 96 pages, à commander dans la boutique en ligne du Réseau : https://boutique.sortirdunucleaire.org

Via le réseau (inter)national d’électricité, la prise de courant et le commutateur donnent l’impression - mensongère - d’avoir accès à une énergie illimitée et nous laissent croire que nous n’avons pas à nous préoccuper des "limites énergétiques". Pourtant, malgré les méga-systèmes installés dans le monde moderne, ces "limites énergétiques", quoique repoussées plus loin, existent encore bel et bien : "black-out" occasionnels pour des régions entières, épuisement des énergies fossiles, infâme nucléaire avec ses éventuels Tchernobyls, ses déchets éternels et ses coûts réels insupportables... si bien qu’il nous faut les répercuter sur les nombreuses prochaines générations, leur léguant un énorme fardeau par égoïsme myope.

Saison chaude...

Pour nous, en l’occurence, cette autonomie électrique veut dire que du printemps à l’automne nous surproduisons en quasi-permanence ; au point que le parc de 12 batteries à décharge et recharge lente est saturé et qu’il laisse "filer" (sans la retenir) une bonne partie de la généreuse énergie du soleil.

Du printemps à l’automne, c’est donc le temps de faire diverses expériences avec des électro-ménagers plus voraces (pas plus d’un à la fois et de préférence avec soleil pour ménager les batteries). Les "voraces" sont surtout ceux qui produisent du chaud et du froid ; tandis que les petits moteurs du genre mixeur ne prennent presque rien. Entre juin et septembre, c’est le temps de brancher le frigo puisque la "souillarde", arrière-cuisine située côté nord et semi-enterrée, n’est plus très fraîche pour conserver les aliments ; quoique ce ne soit pas vraiment problématique quand on est végétarien puisque ce sont surtout la viande et le poisson qui sont éminemment putrescibles. Temps aussi de brancher le grille-pain et la bouilloire, récupérés aux encombrants, puisque le poêle à bois se repose de ses ardeurs hivernales.

… et saison froide !

Par contre, de l’automne au printemps, spécialement de fin novembre à début février, il nous faut veiller au grain. Les jours sont courts et souvent gris avec brouillards persistants, particulièrement en montagne. Même si on peut "tenir" jusqu’à une semaine et demie sans soleil grâce au parc de batteries, mieux vaut être préventif et économe... puisqu’on ne sait d’avance combien de temps tiendra la grisaille. Nous comptons les watts. Tous les postes éclairages utilisés pendant des heures - table à manger, bureau, coin lecture - sont passés en LEDs (entre 2 et 4 W par ampoule ; soit cinq fois moins que les dites "économes"…). Et dans la salle de bain, on a le réflexe d’allumer le petit néon à 8 W plutôt que les deux économes qui totalisent 30 W. Et on éteint aussi la box pour téléphone et ordi (25 W en continu) quand elle ne sert pas.

La plupart des électro-ménagers sont rangés. Et on attend impérativement le plein soleil pour démarrer le lave-linge. Celui-ci consomme un aberrant 2000 W pour chauffer l’eau (au-delà de notre capacité-crête qui est autour de 1500 W) et seulement 300 W pour toutes les autres mécaniques. Nous lui commandons donc de laver exclusivement à l’eau froide mais en fait, nous lui fournissons - sans qu’il le sache - à l’aide d’un mitigeur, de l’eau déjà pré-chauffée à 35 ou 40 °C, soit par le solaire thermique soit par le fourneau bouilleur à bois.

Cohérence écologique

Car nous n’en avons pas encore parlé mais cette maison est à forte cohérence écologique. En plus de l’électricité photovoltaïque, l’eau est chauffée soit par panneaux solaires thermiques soit par fourneau bouilleur à bois (11 stères par année pour chauffer 140 m2) selon le temps qu’il fait. De plus, les vieux murs de pierre sont recouverts sur 2 ou 3 cm de terre avec paille hachée menue dedans. L’étage tout en bois local. Et isolation de chanvre dans le toit. Toit dont on récupère 1100 litres d’eau de pluie pour arroser serre et jardins ; ce qui permet d’être autonome pour deux à près de 80 % en fruits et légumes (avec conserves en bocaux de verre). Et le four de cuisson solaire qui sert, entre autres, à stériliser ces conserves.

En fait, veiller au grain sur l’énergie devient une sorte de jeu avec le soleil, les heures et les saisons. Un jeu qui nous tient aussi en éveil quant aux améliorations possibles de notre installation. Ainsi, par exemple, un simple "aquastat" installé sur la petite pompe du fourneau bouilleur a permis de "pousser" l’eau chaude vers radiateurs et ballon d’eau chaude seulement quand cette eau a atteint 65 °C, économisant ainsi près de 50 % sur les 35 W utilisés en continu par cette pompe.

Combiner les énergies

Toute énergie de la nature étant irrégulière et variable, il est important, autant que faire se peut, de fonctionner avec des renouvelables différentes et complémentaires. Le solaire thermique pour production d’eau chaude couplé au fourneau bouilleur à bois en est un bon exemple.

Pour la production d’électricité, nous avions envisagé une petite éolienne pour compenser le manque de soleil en hiver. Mais les grimaces des voisins, aussitôt mentionné le mot "éolienne", car confrontés par l’ancien proprio à un vieux modèle bruyant comme un avion à hélice de la deuxième guerre mondiale, et les coûts d’entretien car beaucoup de pièces mobiles (en plus de l’installation), nous ont plutôt fait choisir une nouvelle génération de panneaux photovoltaïques (micro-cristallin amorphe à couches minces) qui constituent un complémentaire partiel car ces types de panneaux savent capter et transformer en électricité
 quoique en quantité moindre - une lumière plus diffuse par ciel voilé et sans rayons directs du soleil. Nous verrons l’hiver prochain si cette innovation nous aide à traverser plus facilement la période creuse du solstice d’hiver.
L’expérience continue…

À noter que les plus vieux panneaux (30 ans d’âge) que nous venons de remplacer étaient français, fabriqués par Photowatt... qui vient de tomber entre les mains d’EDF ! Notre génération intermédiaire de panneaux photovoltaïques sont des Atersa espagnols et les tout frais installés sont des Sharp japonais. Mondialisation oblige... ainsi que le manque de soutien à la filière française ! Et si l’Europe (hormis l’Allemagne, l’Espagne et le Danemark qui déjà avancent très vite avec leurs propres renouvelables) relocalisait la production des renouvelables ?

Un choix pionnier... et motivant !

Bien sûr, une telle installation en maison autonome (donc, sans vente à EDF du courant produit) reste encore aujourd’hui un choix pionnier, et pour le moment, plus coûteux à court terme. Et bien sûr, les batteries restent le point faible de l’installation sur le plan écologique (même si elles durent 20 ans quand elles sont traitées correctement).

Mais quel plaisir de vivre sans les factures et le mauvais esprit d’EDF ; et de ne pas alimenter la sale machine nucléaire qui hypothèque gravement l’avenir de toute la planète et de ses habitants. Combien de kilos de déchets radioactifs produit-on par personne chaque année avec cette aberration énergétique qu’est le nucléaire ? Et quel plaisir enfin de renforcer doucement la cohérence écologique et l’autonomie de son chez-soi...

Le 17 avril 2011, histoire de signaler autrement les 25 ans de Tchernobyl, nous avions proposé une porte ouverte afin de faire découvrir cette maison autonome. Une centaine de personnes curieuses sont soudainement apparues dans notre hameau de cinq maisons pour la visiter. C’est dire l’intérêt que cela suscite. Une petite vidéo a été tournée à cette occasion et est toujours visible1.

André Larivière

Notes :
1 : https://vimeo.com/22834439

Pour toute info généraliste sur le thème, vous pouvez contacter André Larivière (04 63 31 50 12 ; andre.lariviere@free.fr)

Pour toute info technique, André vous recommande chaudement le livre de Valéry Borraz, bricoleur génial et pionnier des installations hors réseau. "Électron libre", Éd. La Plage, 96 pages, à commander dans la boutique en ligne du Réseau : https://boutique.sortirdunucleaire.org



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