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Transition énergétique allemande : et si on s’informait vraiment ?

Article issu du n°91 de la revue Sortir du nucléaire - Automne 2021

En Allemagne, on a – presque – tourné la page du nucléaire

Article publié le 8 octobre 2021



Fin 2022, l’Allemagne devrait définitivement cesser de produire de l’électricité nucléaire. Ce sera l’aboutissement de plusieurs décennies de luttes et de décisions politiques.

Centrale nucléaire de Gundremmingen

Crédit : Adobe stock


Première décision début 2000

La sortie du nucléaire allemande s’ancre dans un long processus. Dès les années 1970, le mouvement anti-nucléaire était monté en puissance, avec des combats emblématiques comme l’abandon d’un projet de centrale à Wyhl (près de l’Alsace), d’un surgénérateur à Kalkar en Rhénanie du Nord-Westphalie (maintenant reconverti en parc d’attraction), d’une usine de retraitement de combustible à Wackersdorf, en Bavière, ou encore des transports de déchets radioactifs très médiatisés.

L’ampleur des protestations mena à l’adoption, le 22 avril 2002, d’une modification de la loi atomique portée par les socialistes et les écologistes, engageant l’Allemagne dans une sortie progressive du nucléaire. La construction de nouveaux réacteurs fut interdite ; les réacteurs existants, eux, se virent allouer une durée maximale de 32 ans de production d’électricité et un quota d’électricité restant à produire. Mais le mouvement antinucléaire dénonçait un mécanisme autorisant à transférer d’une installation à l’autre les quantités d’électricité restant à produire, si bien que la fermeture de réacteurs anciens permettait de faire fonctionner plus longtemps les plus récents. De fait, sur les 19 réacteurs du parc allemand, seuls deux en fin de vie, Stade et Obrigheim, furent fermés, l’un en 2003 et l’autre en 2005. Par ailleurs, le “consensus atomique“ restait politiquement contesté.

En 2010, le gouvernement d’Angela Merkel développa le nouveau concept de “technologie transitoire“ (Brückentechnologie) censée continuer à fonctionner tant que les énergies renouvelables ne seraient pas suffisamment développées. La durée maximale de production d’électricité des centrales fut rallongée de dix années en moyenne. Cette décision suscita de fortes protestations, dont une chaîne humaine réunissant 120 000 personnes le 24 avril 2010 entre les vieilles centrales de Krümmel et Brunsbuttel. Malgré les manifestations, le gouvernement restait inflexible... jusqu’à ce que survienne la catastrophe de Fukushima.

Fukushima, déclencheur de la sortie définitive

Prenant enfin le risque au sérieux, Angela Merkel opéra un revirement complet. Dès le 14 mars 2011, le gouvernement ordonna une série de tests approfondis et l’arrêt de sept réacteurs. Il convoqua une commission d’éthique, qui conclut à la nécessité d’une sortie du nucléaire en une décennie. À l’été 2011, une nouvelle modification de la loi atomique annula la prolongation accordée en 2010. Les sept réacteurs retirés du réseau électrique, mis en service avant 1980, virent la prolongation de leur durée de fonctionnement annulée et furent définitivement arrêtés, ainsi qu’un huitième qui enchaînait panne sur panne. En 2015, 2017 et 2019, trois autres ont été arrêtés. D’ici fin 2021, trois doivent encore cesser de fonctionner et les trois derniers devraient être débranchés fin 2022.

Dix ans après l’accident de Fukushima, la sortie du nucléaire fait l’objet d’un très large consensus en Allemagne. Selon un sondage mené en 2021 par l’Office fédéral pour la gestion des déchets, 76% de la population allemande l’approuve. Ce chiffre monte à 81 % chez les femmes et les plus diplômé·es. Seuls 5,8 % des sondé·es considèrent que le nucléaire ne représente “aucun risque“. Et le consensus politique tient toujours : dans son programme, la CDU post-Merkel n’évoque pas de retour au nucléaire. Seule l’AfD (extrême-droite) plaide pour la construction de nouveaux réacteurs. Et si certaines entreprises, gérant des centrales, ont exigé un copieux dédommagement, aucune n’envisage de retour en arrière, conscientes que l’avenir énergétique se joue ailleurs.

Une transition loin des idées reçues

De 22 % en 2010, la part du nucléaire passera à 0 % fin 2022. Contrairement à une idée reçue largement répandue, la sortie du nucléaire allemande ne s’est jamais accompagnée d’un “retour au charbon“. À l’inverse, la perspective de la fermeture des centrales, alliée à des décisions politiques de soutien aux alternatives mises en place dès les années 2000, a fortement stimulé le développement des énergies renouvelables, porté par une myriade de petites entreprises, coopératives citoyennes et régies communales. Celui-ci a largement compensé l’arrêt des réacteurs et permis la décroissance du recours au charbon, historiquement élevé. Au premier semestre 2021, les renouvelables représentaient 44 % de la production électrique allemande.

Le prochain défi pour l’Allemagne sera la sortie des fossiles. Si elle veut atteindre ses nouveaux objectifs climatiques, d’ici 2030, il lui faudra réduire de 65 % ses émissions de gaz à effet de serre par rapport au niveau de 1990, et donc en finir avec le charbon d’ici cette date. Le développement des renouvelables devra donc se poursuivre, accompagné d’un effort important pour réduire le gaspillage énergétique. Plusieurs études indiquent cependant que l’objectif de 100 % renouvelables est techniquement atteignable pour l’Allemagne, que ce soit en 2030 (étude de l’Energy Watch Group [1]) ou d’ici 10 à 15 ans (selon le DIW - l’Institut Allemand pour la Recherche Économique [2]).

Première décision début 2000

La sortie du nucléaire allemande s’ancre dans un long processus. Dès les années 1970, le mouvement anti-nucléaire était monté en puissance, avec des combats emblématiques comme l’abandon d’un projet de centrale à Wyhl (près de l’Alsace), d’un surgénérateur à Kalkar en Rhénanie du Nord-Westphalie (maintenant reconverti en parc d’attraction), d’une usine de retraitement de combustible à Wackersdorf, en Bavière, ou encore des transports de déchets radioactifs très médiatisés.

L’ampleur des protestations mena à l’adoption, le 22 avril 2002, d’une modification de la loi atomique portée par les socialistes et les écologistes, engageant l’Allemagne dans une sortie progressive du nucléaire. La construction de nouveaux réacteurs fut interdite ; les réacteurs existants, eux, se virent allouer une durée maximale de 32 ans de production d’électricité et un quota d’électricité restant à produire. Mais le mouvement antinucléaire dénonçait un mécanisme autorisant à transférer d’une installation à l’autre les quantités d’électricité restant à produire, si bien que la fermeture de réacteurs anciens permettait de faire fonctionner plus longtemps les plus récents. De fait, sur les 19 réacteurs du parc allemand, seuls deux en fin de vie, Stade et Obrigheim, furent fermés, l’un en 2003 et l’autre en 2005. Par ailleurs, le “consensus atomique“ restait politiquement contesté.

En 2010, le gouvernement d’Angela Merkel développa le nouveau concept de “technologie transitoire“ (Brückentechnologie) censée continuer à fonctionner tant que les énergies renouvelables ne seraient pas suffisamment développées. La durée maximale de production d’électricité des centrales fut rallongée de dix années en moyenne. Cette décision suscita de fortes protestations, dont une chaîne humaine réunissant 120 000 personnes le 24 avril 2010 entre les vieilles centrales de Krümmel et Brunsbuttel. Malgré les manifestations, le gouvernement restait inflexible... jusqu’à ce que survienne la catastrophe de Fukushima.

Fukushima, déclencheur de la sortie définitive

Prenant enfin le risque au sérieux, Angela Merkel opéra un revirement complet. Dès le 14 mars 2011, le gouvernement ordonna une série de tests approfondis et l’arrêt de sept réacteurs. Il convoqua une commission d’éthique, qui conclut à la nécessité d’une sortie du nucléaire en une décennie. À l’été 2011, une nouvelle modification de la loi atomique annula la prolongation accordée en 2010. Les sept réacteurs retirés du réseau électrique, mis en service avant 1980, virent la prolongation de leur durée de fonctionnement annulée et furent définitivement arrêtés, ainsi qu’un huitième qui enchaînait panne sur panne. En 2015, 2017 et 2019, trois autres ont été arrêtés. D’ici fin 2021, trois doivent encore cesser de fonctionner et les trois derniers devraient être débranchés fin 2022.

Dix ans après l’accident de Fukushima, la sortie du nucléaire fait l’objet d’un très large consensus en Allemagne. Selon un sondage mené en 2021 par l’Office fédéral pour la gestion des déchets, 76% de la population allemande l’approuve. Ce chiffre monte à 81 % chez les femmes et les plus diplômé·es. Seuls 5,8 % des sondé·es considèrent que le nucléaire ne représente “aucun risque“. Et le consensus politique tient toujours : dans son programme, la CDU post-Merkel n’évoque pas de retour au nucléaire. Seule l’AfD (extrême-droite) plaide pour la construction de nouveaux réacteurs. Et si certaines entreprises, gérant des centrales, ont exigé un copieux dédommagement, aucune n’envisage de retour en arrière, conscientes que l’avenir énergétique se joue ailleurs.

Une transition loin des idées reçues

De 22 % en 2010, la part du nucléaire passera à 0 % fin 2022. Contrairement à une idée reçue largement répandue, la sortie du nucléaire allemande ne s’est jamais accompagnée d’un “retour au charbon“. À l’inverse, la perspective de la fermeture des centrales, alliée à des décisions politiques de soutien aux alternatives mises en place dès les années 2000, a fortement stimulé le développement des énergies renouvelables, porté par une myriade de petites entreprises, coopératives citoyennes et régies communales. Celui-ci a largement compensé l’arrêt des réacteurs et permis la décroissance du recours au charbon, historiquement élevé. Au premier semestre 2021, les renouvelables représentaient 44 % de la production électrique allemande.

Le prochain défi pour l’Allemagne sera la sortie des fossiles. Si elle veut atteindre ses nouveaux objectifs climatiques, d’ici 2030, il lui faudra réduire de 65 % ses émissions de gaz à effet de serre par rapport au niveau de 1990, et donc en finir avec le charbon d’ici cette date. Le développement des renouvelables devra donc se poursuivre, accompagné d’un effort important pour réduire le gaspillage énergétique. Plusieurs études indiquent cependant que l’objectif de 100 % renouvelables est techniquement atteignable pour l’Allemagne, que ce soit en 2030 (étude de l’Energy Watch Group [1]) ou d’ici 10 à 15 ans (selon le DIW - l’Institut Allemand pour la Recherche Économique [2]).



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