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Sortir du nucléaire n°52



Hiver 2012

Convois radioactifs

Contre les transports radioactifs : La mobilisation gagne du terrain

Article paru dans la revue Sortir du nucléaire n°52 - Hiver 2012

 Luttes et actions  Transports radioactifs


Parce que les transports de matières radioactives sont l’épine dorsale du nucléaire, ils en sont aussi le maillon faible. Depuis le lancement de notre campagne nationale contre ces transports, de nombreux groupes et associations, en partenariat avec SUD-Rail, se sont mobilisés pour dénoncer l’impasse nucléaire à l’occasion des différents transports de déchets radioactifs étrangers qui traversent notre territoire, avec comme point d’orgue la mobilisation autour du convoi de La Hague à Gorleben en novembre 2011.



Ce transport était le dernier retour d’une série de douze convois de déchets allemands "retraités" puis vitrifiés à l’usine AREVA de La Hague. En Allemagne, il était attendu par les antinucléaires depuis des mois. En France, pendant qu’AREVA organisait en catimini, début novembre, une réunion de propagande à destination des élus et des représentants des différentes entreprises et administrations concernées, nous nous préparions aussi.

Plusieurs semaines avant le départ du convoi, le Réseau "Sortir du nucléaire" était déjà mobilisé pour obtenir des informations relatives à ce transport – contenu, inventaire radioactif, autorisation d’exécution, horaires et trajets - et les rendre publiques. Il lançait également un appel pour que des rassemblements soient organisés tout au long des différents trajets qu’avaient prévus AREVA et la SNCF pour tenter d’éviter les militants. En parallèle, c’est une dynamique sans précédent en France qui était lancée par le Collectif Valognes Stop Castor.

126 heures de suivi jour et nuit

Pendant les 126 heures qu’a duré ce dangereux périple, le Réseau a assuré un suivi du convoi presque minute par minute, grâce à plusieurs personnes mobilisées jour et nuit : une fabuleuse équipe de vigies d’abord, qui nous transmettait des informations précises en temps réel, une folle équipe véhiculée ensuite, qui a suivi en voiture le train du début à la fin, une équipe de blogueurs enfin, qui retransmettait les informations sur notre site et à la presse. Nos porte-parole ont également donné des dizaines d’interviews, retransmises dans les principaux médias. Le Réseau a enfin révélé plusieurs failles de sûreté, comme à Longueau (gare de triage d’Amiens) où une vigie a pu s’approcher sans problème du train pendant de longues minutes, alors que dans le même temps la quinzaine de personnes qui manifestaient pacifiquement en gare d’Amiens Saint-Roch se faisait contrôler et importuner par les forces de l’ordre. On voit vraiment là où sont les priorités...

En France, 24 rassemblements et des syndicalistes mobilisés

Au total, ce sont 24 manifestations qui ont eu lieu, rassemblant plusieurs centaines de personnes, parfois au milieu de la nuit. Du côté des cheminots, l’indignation était de mise puisque SUD-Rail s’est amplement mobilisé et a réussi à faire poser plusieurs droits d’alerte par les sections locales du syndicat.

Une mobilisation d’ampleur en Allemagne

En Allemagne, nous avons pu assister à nouveau à une mobilisation d’ampleur. L’avancée du convoi a ainsi fortement été perturbée pendant de longues heures par des actions diverses et variées : déballastage des voies à Dahlenburg et à Göhrde, sit-in pacifiques et présence sur les voies à Hitzacker, Metzingen, Possad, Hebenshausen, Dannenberg, Lünebourg, Harlingen et Gorleben. Quatre agriculteurs seront même parvenus à bloquer le train pendant 14 heures, en s’attachant à une pyramide de béton fixée aux voies. Un record !

Plus de 25 000 personnes et 500 tracteurs se sont également rassemblés dans une ambiance festive à Dannenberg, à proximité du terminal ferroviaire, où un X jaune géant symbolisant la résistance contre les transports et l’enfouissement des déchets a été déployé au-dessus de la foule, ainsi qu’une grande banderole de 10 mètres sur 15 du Réseau "Sortir du nucléaire" affichant en français "Le nucléaire tue l’avenir". Une mobilisation réussie, comme souvent là-bas.

Ce qui est d’ailleurs frappant, quand on arrive dans le Wendland, ce sont tout ces X jaunes symbolisant la résistance, mais c’est surtout que l’action antinucléaire va de soi, que le mouvement ne connait ni barrière générationnelle, ni barrière sociale. C’est enfin ce grand déploiement de forces de l’ordre qui se conduisent bien souvent fort différemment de leurs homologues français.

Une solidarité des antinucléaires à travers les frontières

Plusieurs organisations et mouvements étrangers était venus marquer leur solidarité aux antinucléaires allemands et apporter leur témoignage. Le Réseau "Sortir du nucléaire" était bien entendu présent. Lors d’une intervention saluée par les manifestants allemands à Dannenberg, nos représentants ont exprimé leur solidarité avec les Allemands et dénoncé les dangers des transports radioactifs, le mythe du "retraitement" des déchets et les projets d’enfouissement en profondeur imposés d’un côté et de l’autre du Rhin à Gorleben ou à Bure. Ils ont également appelé nos voisins allemands, ravis de constater que de nouvelles nitiatives voyaient le jour en France, à rejoindre la grande Chaîne Humaine pour sortir du nucléaire le 11 mars 2012.

C’était aussi l’un des objectifs du camp de Valognes, organisé à l’initiative d’une poignée de militants qui, "partie du constat que l’action non violente en petit groupe est devenue trop dangereuse en France, sur cette lutte en particulier - nous ne pouvons pas oublier le décès de Sébastien à Avricourt en novembre 2004, ni les quatre blessés aux mains du blocage de novembre 2010 près de Caen - a vu apparaître la nécessité de populariser l’opposition aux transports, déjà de grande échelle en Allemagne mais groupusculaire en France"1.

Laura Hameaux

Notes :

1 : Extrait du témoignage d’un participant au camp de Valognes

-------------------

Valognes : la désobéissance prend de l’ampleur face au nucléaire


Nous publions ci-après un important texte du Collectif Valognes Stop Castor

À Valognes, le 23 novembre dernier, c’est un peu de l’arrogance du lobby nucléaire qui a dû en rabattre, et c’est un peu du sentiment d’impuissance qui poisse depuis tant d’années celles et ceux qui le combattent qui s’en est allé. Alors qu’AREVA se permettait la semaine précédente d’exposer aux journalistes comme il leur avait été simple de faire retirer le paragraphe sur le MOX de l’accord PS-EELV, dévoilant ainsi aux yeux de tous qui est le maître en ces matières, ils offraient à Valognes l’image du plus complet désarroi : ils hâtaient d’un jour, dans la précipitation, le départ du train CASTOR, faisaient boucler par la préfecture tout le centre de Valognes, fermer les collèges et lycée de la ville pour la journée et dénonçaient ensuite ces gens "qui ont perturbé le fonctionnement de toute une région". Tout cela parce que 500 personnes venant de toute la France s’étaient donné rendez-vous dans un camp pour bloquer un train et partager leur désir d’en finir avec la mainmise du nucléaire sur leur vie.

L’efficacité véritable de l’action collective réside rarement dans ses effets les plus perceptibles. Que nous ayons réussi par trois fois à accéder en masse aux voies, à y soulever les rails, en ôter le ballast sur plusieurs dizaines de mètres et finalement à retarder le départ du train de plusieurs heures, et ce malgré l’énormité du dispositif policier, n’est certes pas un résultat négligeable. Mais nous accordons plus d’importance à la façon dont nous sommes parvenus à un tel résultat, à l’intelligence collective qu’il faut avoir acquise pour arriver, par une marche nocturne à travers champs, à prendre de court les forces adverses et, de là, à les fixer en un point pour que d’autres trouvent les rails libres quelques centaines de mètres plus loin. Nous nous souviendrons pour longtemps du soleil qui se lève sur une brume à l’odeur de gaz lacrymogène, des habitants et habitantes de Flottemanville qui nous offrent spontanément du café et nous encouragent, de ces maires qui nous ouvrent leur mairie, réconfortent nos blessés, nous offrent le refuge. Et nous n’oublierons pas de sitôt ces cartouches de gaz CS qui pleuvent indistinctement sur tout le village, dans ses maisons, ses poulaillers, et qui témoignent assez de tout le respect que la police éprouve à l’endroit de la population. Qui a dit, d’ailleurs, que la population du Cotentin était uniformément favorable au nucléaire qui la fait vivre ? Nous avons, nous, croisé ce ce jour-là, de nombreux soutiens actifs dans la population, tout comme auparavant des voisins, des familles, étaient venues sur le camp pour partager le repas.

Plutôt que de minorer le nombre des manifestants, de les traiter de "casseurs", de se féliciter que le train soit tout de même parti, AREVA et sa préfecture feraient bien de s’inquiéter de la détermination de celles et ceux qui ont agi là, comme de la solidarité qui s’est exprimée à leur endroit, que ce soit localement ou en Allemagne. À combien de décennies remonte, en France et toute proportion gardée, la dernière grande bataille contre la pieuvre atomique ? Faut-il être aux abois pour inculper une manifestante de 65 ans pour vol, parce qu’elle a prélevé quelques canettes de soda sur un camion de livraison de repas de la gendarmerie en flammes et nier devant les journalistes tout coup de matraque quand cela fait plusieurs heures que les images de manifestants tabassés sont sur tous les écrans ?

Le feuilleton national des dernières semaines autour du nucléaire ne peut guère laisser de doute sur ce qu’il y a à attendre des gouvernements pour ce qui est d’en sortir. En la matière, nous ne pouvons compter que sur nos propres forces. Si Valognes nous a renforcés et a renforcé notre cause, c’est en cela : que ce soit pour l’organisation du camp ou de l’action, pour ce qui est de prendre les décisions justes ou d’exprimer nos idées, nous n’avons attendu personne. Nous avons fait ce que nous pouvions, dans la mesure de nos moyens certes limités, mais non dérisoires. Et en dépit des manoeuvres d’AREVA, de la SNCF et de leurs complices, nous avons réussi à faire ce que nous nous étions proposés de faire. La chose n’est pas si courante. Qui plus est, nous savons que Valognes ne fut pas le seul point de blocage du CASTOR en France, et même si AREVA et la SNCF tentent de taire le harcèlement dont ils font l’objet, nous sommes omniprésents et irréductibles. Les retards du CASTOR, consécutifs à l’action de blocage de la voie dans le sud-Manche et à l’usage de signaux d’alarme dans la région de Rouen en sont la preuve. Nous espérons seulement que cet exemple donnera de la force à toutes celles et tous ceux qui, ailleurs, brûlent d’en faire autant.

Nous n’avons jamais envisagé Valognes comme un coup d’éclat, mais plutôt comme un nouveau départ, un apport de vigueur, une contribution déterminée à tout ce qui, en France, veut s’affranchir de la fatalité nucléaire. Nous savons que le chemin sera long et âpre. En même temps qu’il nous faut nous arracher à la production électrique centralisée et retrouver dans notre façon de vivre comme dans ce qui nous entoure l’énergie dont nous avons besoin, il nous faut perturber par tous les moyens les flux d’uranium et de déchets qui tissent le fonctionnement régulier et soigneusement occulté de l’industrie de l’atome aussi bien que son maillon faible. Il nous faut empêcher la construction de l’EPR de Flamanville et déboulonner les lignes THT qui doivent y aboutir, si nous ne voulons pas en reprendre pour 40 ans de plus de soumission au chantage nucléaire. Il y a tout un décrochage à organiser, un décrochage technique et politique vis-à-vis de la normalité nucléarisée. AREVA juge nos méthodes "inacceptables" ; nous jugeons que c’est l’existence même d’AREVA qui est, en chacun de ses détails, inacceptable. Les milliards investis dans le lifting de son image, depuis que la Cogema est devenue AREVA, n’y changeront rien. Il faut que la production d’énergie à partir de l’atome devienne partout visiblement le problème qu’elle est essentiellement. Comptez sur celles et ceux de Valognes pour y travailler.

Le Collectif Valognes Stop Castor

Ce transport était le dernier retour d’une série de douze convois de déchets allemands "retraités" puis vitrifiés à l’usine AREVA de La Hague. En Allemagne, il était attendu par les antinucléaires depuis des mois. En France, pendant qu’AREVA organisait en catimini, début novembre, une réunion de propagande à destination des élus et des représentants des différentes entreprises et administrations concernées, nous nous préparions aussi.

Plusieurs semaines avant le départ du convoi, le Réseau "Sortir du nucléaire" était déjà mobilisé pour obtenir des informations relatives à ce transport – contenu, inventaire radioactif, autorisation d’exécution, horaires et trajets - et les rendre publiques. Il lançait également un appel pour que des rassemblements soient organisés tout au long des différents trajets qu’avaient prévus AREVA et la SNCF pour tenter d’éviter les militants. En parallèle, c’est une dynamique sans précédent en France qui était lancée par le Collectif Valognes Stop Castor.

126 heures de suivi jour et nuit

Pendant les 126 heures qu’a duré ce dangereux périple, le Réseau a assuré un suivi du convoi presque minute par minute, grâce à plusieurs personnes mobilisées jour et nuit : une fabuleuse équipe de vigies d’abord, qui nous transmettait des informations précises en temps réel, une folle équipe véhiculée ensuite, qui a suivi en voiture le train du début à la fin, une équipe de blogueurs enfin, qui retransmettait les informations sur notre site et à la presse. Nos porte-parole ont également donné des dizaines d’interviews, retransmises dans les principaux médias. Le Réseau a enfin révélé plusieurs failles de sûreté, comme à Longueau (gare de triage d’Amiens) où une vigie a pu s’approcher sans problème du train pendant de longues minutes, alors que dans le même temps la quinzaine de personnes qui manifestaient pacifiquement en gare d’Amiens Saint-Roch se faisait contrôler et importuner par les forces de l’ordre. On voit vraiment là où sont les priorités...

En France, 24 rassemblements et des syndicalistes mobilisés

Au total, ce sont 24 manifestations qui ont eu lieu, rassemblant plusieurs centaines de personnes, parfois au milieu de la nuit. Du côté des cheminots, l’indignation était de mise puisque SUD-Rail s’est amplement mobilisé et a réussi à faire poser plusieurs droits d’alerte par les sections locales du syndicat.

Une mobilisation d’ampleur en Allemagne

En Allemagne, nous avons pu assister à nouveau à une mobilisation d’ampleur. L’avancée du convoi a ainsi fortement été perturbée pendant de longues heures par des actions diverses et variées : déballastage des voies à Dahlenburg et à Göhrde, sit-in pacifiques et présence sur les voies à Hitzacker, Metzingen, Possad, Hebenshausen, Dannenberg, Lünebourg, Harlingen et Gorleben. Quatre agriculteurs seront même parvenus à bloquer le train pendant 14 heures, en s’attachant à une pyramide de béton fixée aux voies. Un record !

Plus de 25 000 personnes et 500 tracteurs se sont également rassemblés dans une ambiance festive à Dannenberg, à proximité du terminal ferroviaire, où un X jaune géant symbolisant la résistance contre les transports et l’enfouissement des déchets a été déployé au-dessus de la foule, ainsi qu’une grande banderole de 10 mètres sur 15 du Réseau "Sortir du nucléaire" affichant en français "Le nucléaire tue l’avenir". Une mobilisation réussie, comme souvent là-bas.

Ce qui est d’ailleurs frappant, quand on arrive dans le Wendland, ce sont tout ces X jaunes symbolisant la résistance, mais c’est surtout que l’action antinucléaire va de soi, que le mouvement ne connait ni barrière générationnelle, ni barrière sociale. C’est enfin ce grand déploiement de forces de l’ordre qui se conduisent bien souvent fort différemment de leurs homologues français.

Une solidarité des antinucléaires à travers les frontières

Plusieurs organisations et mouvements étrangers était venus marquer leur solidarité aux antinucléaires allemands et apporter leur témoignage. Le Réseau "Sortir du nucléaire" était bien entendu présent. Lors d’une intervention saluée par les manifestants allemands à Dannenberg, nos représentants ont exprimé leur solidarité avec les Allemands et dénoncé les dangers des transports radioactifs, le mythe du "retraitement" des déchets et les projets d’enfouissement en profondeur imposés d’un côté et de l’autre du Rhin à Gorleben ou à Bure. Ils ont également appelé nos voisins allemands, ravis de constater que de nouvelles nitiatives voyaient le jour en France, à rejoindre la grande Chaîne Humaine pour sortir du nucléaire le 11 mars 2012.

C’était aussi l’un des objectifs du camp de Valognes, organisé à l’initiative d’une poignée de militants qui, "partie du constat que l’action non violente en petit groupe est devenue trop dangereuse en France, sur cette lutte en particulier - nous ne pouvons pas oublier le décès de Sébastien à Avricourt en novembre 2004, ni les quatre blessés aux mains du blocage de novembre 2010 près de Caen - a vu apparaître la nécessité de populariser l’opposition aux transports, déjà de grande échelle en Allemagne mais groupusculaire en France"1.

Laura Hameaux

Notes :

1 : Extrait du témoignage d’un participant au camp de Valognes

-------------------

Valognes : la désobéissance prend de l’ampleur face au nucléaire


Nous publions ci-après un important texte du Collectif Valognes Stop Castor

À Valognes, le 23 novembre dernier, c’est un peu de l’arrogance du lobby nucléaire qui a dû en rabattre, et c’est un peu du sentiment d’impuissance qui poisse depuis tant d’années celles et ceux qui le combattent qui s’en est allé. Alors qu’AREVA se permettait la semaine précédente d’exposer aux journalistes comme il leur avait été simple de faire retirer le paragraphe sur le MOX de l’accord PS-EELV, dévoilant ainsi aux yeux de tous qui est le maître en ces matières, ils offraient à Valognes l’image du plus complet désarroi : ils hâtaient d’un jour, dans la précipitation, le départ du train CASTOR, faisaient boucler par la préfecture tout le centre de Valognes, fermer les collèges et lycée de la ville pour la journée et dénonçaient ensuite ces gens "qui ont perturbé le fonctionnement de toute une région". Tout cela parce que 500 personnes venant de toute la France s’étaient donné rendez-vous dans un camp pour bloquer un train et partager leur désir d’en finir avec la mainmise du nucléaire sur leur vie.

L’efficacité véritable de l’action collective réside rarement dans ses effets les plus perceptibles. Que nous ayons réussi par trois fois à accéder en masse aux voies, à y soulever les rails, en ôter le ballast sur plusieurs dizaines de mètres et finalement à retarder le départ du train de plusieurs heures, et ce malgré l’énormité du dispositif policier, n’est certes pas un résultat négligeable. Mais nous accordons plus d’importance à la façon dont nous sommes parvenus à un tel résultat, à l’intelligence collective qu’il faut avoir acquise pour arriver, par une marche nocturne à travers champs, à prendre de court les forces adverses et, de là, à les fixer en un point pour que d’autres trouvent les rails libres quelques centaines de mètres plus loin. Nous nous souviendrons pour longtemps du soleil qui se lève sur une brume à l’odeur de gaz lacrymogène, des habitants et habitantes de Flottemanville qui nous offrent spontanément du café et nous encouragent, de ces maires qui nous ouvrent leur mairie, réconfortent nos blessés, nous offrent le refuge. Et nous n’oublierons pas de sitôt ces cartouches de gaz CS qui pleuvent indistinctement sur tout le village, dans ses maisons, ses poulaillers, et qui témoignent assez de tout le respect que la police éprouve à l’endroit de la population. Qui a dit, d’ailleurs, que la population du Cotentin était uniformément favorable au nucléaire qui la fait vivre ? Nous avons, nous, croisé ce ce jour-là, de nombreux soutiens actifs dans la population, tout comme auparavant des voisins, des familles, étaient venues sur le camp pour partager le repas.

Plutôt que de minorer le nombre des manifestants, de les traiter de "casseurs", de se féliciter que le train soit tout de même parti, AREVA et sa préfecture feraient bien de s’inquiéter de la détermination de celles et ceux qui ont agi là, comme de la solidarité qui s’est exprimée à leur endroit, que ce soit localement ou en Allemagne. À combien de décennies remonte, en France et toute proportion gardée, la dernière grande bataille contre la pieuvre atomique ? Faut-il être aux abois pour inculper une manifestante de 65 ans pour vol, parce qu’elle a prélevé quelques canettes de soda sur un camion de livraison de repas de la gendarmerie en flammes et nier devant les journalistes tout coup de matraque quand cela fait plusieurs heures que les images de manifestants tabassés sont sur tous les écrans ?

Le feuilleton national des dernières semaines autour du nucléaire ne peut guère laisser de doute sur ce qu’il y a à attendre des gouvernements pour ce qui est d’en sortir. En la matière, nous ne pouvons compter que sur nos propres forces. Si Valognes nous a renforcés et a renforcé notre cause, c’est en cela : que ce soit pour l’organisation du camp ou de l’action, pour ce qui est de prendre les décisions justes ou d’exprimer nos idées, nous n’avons attendu personne. Nous avons fait ce que nous pouvions, dans la mesure de nos moyens certes limités, mais non dérisoires. Et en dépit des manoeuvres d’AREVA, de la SNCF et de leurs complices, nous avons réussi à faire ce que nous nous étions proposés de faire. La chose n’est pas si courante. Qui plus est, nous savons que Valognes ne fut pas le seul point de blocage du CASTOR en France, et même si AREVA et la SNCF tentent de taire le harcèlement dont ils font l’objet, nous sommes omniprésents et irréductibles. Les retards du CASTOR, consécutifs à l’action de blocage de la voie dans le sud-Manche et à l’usage de signaux d’alarme dans la région de Rouen en sont la preuve. Nous espérons seulement que cet exemple donnera de la force à toutes celles et tous ceux qui, ailleurs, brûlent d’en faire autant.

Nous n’avons jamais envisagé Valognes comme un coup d’éclat, mais plutôt comme un nouveau départ, un apport de vigueur, une contribution déterminée à tout ce qui, en France, veut s’affranchir de la fatalité nucléaire. Nous savons que le chemin sera long et âpre. En même temps qu’il nous faut nous arracher à la production électrique centralisée et retrouver dans notre façon de vivre comme dans ce qui nous entoure l’énergie dont nous avons besoin, il nous faut perturber par tous les moyens les flux d’uranium et de déchets qui tissent le fonctionnement régulier et soigneusement occulté de l’industrie de l’atome aussi bien que son maillon faible. Il nous faut empêcher la construction de l’EPR de Flamanville et déboulonner les lignes THT qui doivent y aboutir, si nous ne voulons pas en reprendre pour 40 ans de plus de soumission au chantage nucléaire. Il y a tout un décrochage à organiser, un décrochage technique et politique vis-à-vis de la normalité nucléarisée. AREVA juge nos méthodes "inacceptables" ; nous jugeons que c’est l’existence même d’AREVA qui est, en chacun de ses détails, inacceptable. Les milliards investis dans le lifting de son image, depuis que la Cogema est devenue AREVA, n’y changeront rien. Il faut que la production d’énergie à partir de l’atome devienne partout visiblement le problème qu’elle est essentiellement. Comptez sur celles et ceux de Valognes pour y travailler.

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