Samedi 1er mai, dix pays ont rejoint en fanfare lUnion européenne. Leur appartenance à cette alliance exclusive va, du moins espèrent-ils, leur apporter la stabilité, la prospérité grâce à lintégration économique, politique et sociale avec leurs voisins.
Ce qui a moins retenu lattention, cest quils vont rejoindre le plus grand club nucléaire mondial. En effet, lEurope est liée par lengagement de développer une puissante industrie nucléaire capable de fournir lélectricité nécessaire à lélévation du niveau de vie de ses citoyens.
Un traité Euratom qui devrait être abandonné
Cet engagement est basé sur le traité Euratom, vieux de 47 ans, que beaucoup considèrent comme anachronique, contradictoire et qui devrait être abandonné. Pourtant, ce traité, qui établit la Communauté Européenne de lEnergie Atomique, nest vraisemblablement pas sur le point de disparaître. Ce sera au contraire le seul traité prééxistant au traité de lUnion européenne qui sera conservé avec la Constitution Européenne naissante.
La décision de lEurope de maintenir le statu quo sur lénergie nucléaire éclaire la confusion au cur de sa politique sur cette énergie. Une confusion qui va maintenant sintensifier.
En effet, tandis que cinq des nouveaux membres qui nont pas de centrale nucléaire (Pologne, Estonie, Lettonie, Malte et Chypre), vont être légalement contraints den promouvoir le développement, certains des autres pays seront confrontés à lexigence contraire.
La Slovénie, la Slovaquie, la Hongrie, la Lituanie et la République Tchèque comptent sur lénergie nucléaire pour répondre à leurs besoins énergétiques, mais deux de ces pays sont déjà soumis à dintenses pressions de la part des pays de lUnion européenne pour fermer leurs vieux réacteurs de modèle soviétique, pour éviter un accident de type Tchernobyl.
Le traité Euratom est né en 1957, à une époque où le statut de lénergie nucléaire nétait pas remis en question. Au fil des années, il a subventionné à hauteur de 55 milliards deuros la recherche sur lénergie nucléaire et a prêté des centaines de millions deuros pour la construction et la remise en état des centrales nucléaires.
Conflits dintérêts
En fin de compte, lUnion européenne est le plus gros producteur mondial dénergie dorigine nucléaire. LEurope élargie fait fonctionner 156 réacteurs , qui produisent 32% de son électricité, proportion plus importante quen Amérique du Nord, au Japon ou en Russie.
Mais la plupart de ces réacteurs sont anciens, ils ont fonctionné en moyenne 22 ans et, depuis laccident de Tchernobyl en Ukraine, il y a 18 ans, de nombreux pays ont perdu leurs enthousiasme pour cette technologie. Seules la France et la Finlande envisagent de nouveaux réacteurs, tandis que lAllemagne, la Suède, la Belgique et lEspagne envisagent de les fermer, ce que lItalie a déjà fait.
Cela fait du traité Euratom un fossile qui a perdu la plupart de ses raisons dêtre déclare Benjamin Görlach, de lInstitut pour la politique de lenvironnement européenne et internationale à Berlin.
LAutriche, la nation la plus antinucléaire dEurope, fait campagne pour remplacer le traité Euratom par un traité techniquement neutre ne favorisant pas telle ou telle méthode de production dénergie. Elle est soutenue par lIrlande, le Luxembourg, le Danemark, lAllemagne, la Suède, lEstonie, le Parlement Européen et par environ cent associations environnementalistes. Mais aucune décision dabandon dEuratom ne pourra être prise facilement.
Lindustrie nucléaire soutient le traité et, bien que des nations nucléarisées comme lAngleterre reconnaissent lintérêt dune réforme, il y a dénormes divergences sur ce que pourrait être son contenu.
En même temps quil assure la promotion de lénergie nucléaire, le traité Euratom établit les normes de sûreté pour protéger la santé des travailleurs et du public. Cest ce conflit dintérêts qui poursuit les tentatives européennes de fermeture des vieilles centrales de modèle soviétique dans les pays candidats à laccession, déclarent les critiques du traité, comme par exemple les Amis de la Terre.
Pour réduire le risque daccident, lUnion européenne encourage la Lituanie à fermer les réacteurs 1 et 2 dIgnalina et la Slovaquie ses deux réacteurs Bohunice 1 et 2. Mais, malgré un investissement de 355 millions deuros de lUnion européenne et la promesse de 375 millions supplémentaires, les quatre réacteurs sont toujours en fonctionnement.
Ignalina 1 doit être fermé vers 2005, mais lagence de régulation nationale Vatesi a insisté la semaine dernière sur le fait que ce ne serait pas possible pour des raisons de sécurité.
Ignalina 2 doit être fermé en 2009, tandis que Bohunice 1 et 2 doivent être fermés en 2006 et 2008, dates qui peuvent très bien être repoussées.
Etats-Unis : inquiétudes sur la sécurité des matières radioactives
Les autorités américaines ont recensé 1.300 cas de matières radioactives perdues, volées ou abandonnées aux Etats-Unis au cours des cinq dernières années, et en ont conclu quil y avait un risque important que des terroristes puissent utiliser ces éléments pour fabriquer une bombe sale.
Des études du laboratoire du département de lEnergie, à Los Alamos, et du General Accounting Office (GAO) ont découvert des failles importantes dans le système de sécurité américain.
Le monde des matières radioactives sest développé avant les récentes craintes sur le terrorisme et beaucoup de ces sources sont soit non sécurisées soit, au mieux, dotées dun niveau de sécurité de type industriel, a conclu il y a deux mois le laboratoire de Los Alamos dans un rapport examiné par lagence Associated Press (AP). Le rapport conclut que la menace des bombes sales, qui pourraient disperser des matières radioactives dans un large périmètre, semble très importante.
Source : AP-11 novembre 2003
Rob Edwards
Traduction Alain Dorange
Article paru dans le journal New Scientist du 28 avril 2004
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