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Sortir du nucléaire n°24



Juin 2004

Dans le monde

Confusion nucléaire avec l’élargissement de l’Europe à l’Est

Article paru dans la revue Sortir du nucléaire n°24 - Juin 2004


Article publié le : 1er juin 2004


Samedi 1er mai, dix pays ont rejoint en fanfare l’Union européenne. Leur appartenance à cette alliance exclusive va, du moins espèrent-ils, leur apporter la stabilité, la prospérité grâce à l’intégration économique, politique et sociale avec leurs voisins.

Ce qui a moins retenu l’attention, c’est qu’ils vont rejoindre le plus grand club nucléaire mondial. En effet, l’Europe est liée par l’engagement de développer une puissante industrie nucléaire capable de fournir l’électricité nécessaire à l’élévation du niveau de vie de ses citoyens.

Un traité Euratom qui devrait être abandonné

Cet engagement est basé sur le traité Euratom, vieux de 47 ans, que beaucoup considèrent comme anachronique, contradictoire et qui devrait être abandonné. Pourtant, ce traité, qui établit la Communauté Européenne de l’Energie Atomique, n’est vraisemblablement pas sur le point de disparaître. Ce sera au contraire le seul traité prééxistant au traité de l’Union européenne qui sera conservé avec la Constitution Européenne naissante.

La décision de l’Europe de maintenir le statu quo sur l’énergie nucléaire éclaire la confusion au cœur de sa politique sur cette énergie. Une confusion qui va maintenant s’intensifier.

En effet, tandis que cinq des nouveaux membres qui n’ont pas de centrale nucléaire (Pologne, Estonie, Lettonie, Malte et Chypre), vont être légalement contraints d’en promouvoir le développement, certains des autres pays seront confrontés à l’exigence contraire.

La Slovénie, la Slovaquie, la Hongrie, la Lituanie et la République Tchèque comptent sur l’énergie nucléaire pour répondre à leurs besoins énergétiques, mais deux de ces pays sont déjà soumis à d’intenses pressions de la part des pays de l’Union européenne pour fermer leurs vieux réacteurs de modèle soviétique, pour éviter un accident de type Tchernobyl.

Le traité Euratom est né en 1957, à une époque où le statut de l’énergie nucléaire n’était pas remis en question. Au fil des années, il a subventionné à hauteur de 55 milliards d’euros la recherche sur l’énergie nucléaire et a prêté des centaines de millions d’euros pour la construction et la remise en état des centrales nucléaires.

Conflits d’intérêts

En fin de compte, l’Union européenne est le plus gros producteur mondial d’énergie d’origine nucléaire. L’Europe élargie fait fonctionner 156 réacteurs , qui produisent 32% de son électricité, proportion plus importante qu’en Amérique du Nord, au Japon ou en Russie.

Mais la plupart de ces réacteurs sont anciens, ils ont fonctionné en moyenne 22 ans et, depuis l’accident de Tchernobyl en Ukraine, il y a 18 ans, de nombreux pays ont perdu leurs enthousiasme pour cette technologie. Seules la France et la Finlande envisagent de nouveaux réacteurs, tandis que l’Allemagne, la Suède, la Belgique et l’Espagne envisagent de les fermer, ce que l’Italie a déjà fait.

“ Cela fait du traité Euratom un fossile qui a perdu la plupart de ses raisons “ d’être déclare Benjamin Görlach, de l’Institut pour la politique de l’environnement européenne et internationale à Berlin.

L’Autriche, la nation la plus antinucléaire d’Europe, fait campagne pour remplacer le traité Euratom par un traité “ techniquement neutre “ ne favorisant pas telle ou telle méthode de production d’énergie. Elle est soutenue par l’Irlande, le Luxembourg, le Danemark, l’Allemagne, la Suède, l’Estonie, le Parlement Européen et par environ cent associations environnementalistes. Mais aucune décision d’abandon d’Euratom ne pourra être prise facilement.

L’industrie nucléaire soutient le traité et, bien que des nations nucléarisées comme l’Angleterre reconnaissent l’intérêt d’une réforme, il y a d’énormes divergences sur ce que pourrait être son contenu.

En même temps qu’il assure la promotion de l’énergie nucléaire, le traité Euratom établit les normes de sûreté pour protéger la santé des travailleurs et du public. C’est ce conflit d’intérêts qui poursuit les tentatives européennes de fermeture des vieilles centrales de modèle soviétique dans les pays candidats à l’accession, déclarent les critiques du traité, comme par exemple les Amis de la Terre.

Pour réduire le risque d’accident, l’Union européenne encourage la Lituanie à fermer les réacteurs 1 et 2 d’Ignalina et la Slovaquie ses deux réacteurs Bohunice 1 et 2. Mais, malgré un investissement de 355 millions d’euros de l’Union européenne et la promesse de 375 millions supplémentaires, les quatre réacteurs sont toujours en fonctionnement.

Ignalina 1 doit être fermé vers 2005, mais l’agence de régulation nationale Vatesi a insisté la semaine dernière sur le fait que ce ne serait pas possible pour des raisons de sécurité.

Ignalina 2 doit être fermé en 2009, tandis que Bohunice 1 et 2 doivent être fermés en 2006 et 2008, dates qui peuvent très bien être repoussées.
Etats-Unis : inquiétudes sur la sécurité des matières radioactives

Les autorités américaines ont recensé 1.300 cas de matières radioactives perdues, volées ou abandonnées aux Etats-Unis au cours des cinq dernières années, et en ont conclu qu’il y avait un risque important que des terroristes puissent utiliser ces éléments pour fabriquer une “bombe sale”.

Des études du laboratoire du département de l’Energie, à Los Alamos, et du General Accounting Office (GAO) ont découvert des failles importantes dans le système de sécurité américain.

“Le monde des matières radioactives s’est développé avant les récentes craintes sur le terrorisme et beaucoup de ces sources sont soit non sécurisées soit, au mieux, dotées d’un niveau de sécurité de type industriel”, a conclu il y a deux mois le laboratoire de Los Alamos dans un rapport examiné par l’agence Associated Press (AP). Le rapport conclut que la menace des “bombes sales”, qui pourraient disperser des matières radioactives dans un large périmètre, “semble très importante”.

Source : AP-11 novembre 2003
Rob Edwards

Traduction Alain Dorange

Article paru dans le journal New Scientist du 28 avril 2004

Samedi 1er mai, dix pays ont rejoint en fanfare l’Union européenne. Leur appartenance à cette alliance exclusive va, du moins espèrent-ils, leur apporter la stabilité, la prospérité grâce à l’intégration économique, politique et sociale avec leurs voisins.

Ce qui a moins retenu l’attention, c’est qu’ils vont rejoindre le plus grand club nucléaire mondial. En effet, l’Europe est liée par l’engagement de développer une puissante industrie nucléaire capable de fournir l’électricité nécessaire à l’élévation du niveau de vie de ses citoyens.

Un traité Euratom qui devrait être abandonné

Cet engagement est basé sur le traité Euratom, vieux de 47 ans, que beaucoup considèrent comme anachronique, contradictoire et qui devrait être abandonné. Pourtant, ce traité, qui établit la Communauté Européenne de l’Energie Atomique, n’est vraisemblablement pas sur le point de disparaître. Ce sera au contraire le seul traité prééxistant au traité de l’Union européenne qui sera conservé avec la Constitution Européenne naissante.

La décision de l’Europe de maintenir le statu quo sur l’énergie nucléaire éclaire la confusion au cœur de sa politique sur cette énergie. Une confusion qui va maintenant s’intensifier.

En effet, tandis que cinq des nouveaux membres qui n’ont pas de centrale nucléaire (Pologne, Estonie, Lettonie, Malte et Chypre), vont être légalement contraints d’en promouvoir le développement, certains des autres pays seront confrontés à l’exigence contraire.

La Slovénie, la Slovaquie, la Hongrie, la Lituanie et la République Tchèque comptent sur l’énergie nucléaire pour répondre à leurs besoins énergétiques, mais deux de ces pays sont déjà soumis à d’intenses pressions de la part des pays de l’Union européenne pour fermer leurs vieux réacteurs de modèle soviétique, pour éviter un accident de type Tchernobyl.

Le traité Euratom est né en 1957, à une époque où le statut de l’énergie nucléaire n’était pas remis en question. Au fil des années, il a subventionné à hauteur de 55 milliards d’euros la recherche sur l’énergie nucléaire et a prêté des centaines de millions d’euros pour la construction et la remise en état des centrales nucléaires.

Conflits d’intérêts

En fin de compte, l’Union européenne est le plus gros producteur mondial d’énergie d’origine nucléaire. L’Europe élargie fait fonctionner 156 réacteurs , qui produisent 32% de son électricité, proportion plus importante qu’en Amérique du Nord, au Japon ou en Russie.

Mais la plupart de ces réacteurs sont anciens, ils ont fonctionné en moyenne 22 ans et, depuis l’accident de Tchernobyl en Ukraine, il y a 18 ans, de nombreux pays ont perdu leurs enthousiasme pour cette technologie. Seules la France et la Finlande envisagent de nouveaux réacteurs, tandis que l’Allemagne, la Suède, la Belgique et l’Espagne envisagent de les fermer, ce que l’Italie a déjà fait.

“ Cela fait du traité Euratom un fossile qui a perdu la plupart de ses raisons “ d’être déclare Benjamin Görlach, de l’Institut pour la politique de l’environnement européenne et internationale à Berlin.

L’Autriche, la nation la plus antinucléaire d’Europe, fait campagne pour remplacer le traité Euratom par un traité “ techniquement neutre “ ne favorisant pas telle ou telle méthode de production d’énergie. Elle est soutenue par l’Irlande, le Luxembourg, le Danemark, l’Allemagne, la Suède, l’Estonie, le Parlement Européen et par environ cent associations environnementalistes. Mais aucune décision d’abandon d’Euratom ne pourra être prise facilement.

L’industrie nucléaire soutient le traité et, bien que des nations nucléarisées comme l’Angleterre reconnaissent l’intérêt d’une réforme, il y a d’énormes divergences sur ce que pourrait être son contenu.

En même temps qu’il assure la promotion de l’énergie nucléaire, le traité Euratom établit les normes de sûreté pour protéger la santé des travailleurs et du public. C’est ce conflit d’intérêts qui poursuit les tentatives européennes de fermeture des vieilles centrales de modèle soviétique dans les pays candidats à l’accession, déclarent les critiques du traité, comme par exemple les Amis de la Terre.

Pour réduire le risque d’accident, l’Union européenne encourage la Lituanie à fermer les réacteurs 1 et 2 d’Ignalina et la Slovaquie ses deux réacteurs Bohunice 1 et 2. Mais, malgré un investissement de 355 millions d’euros de l’Union européenne et la promesse de 375 millions supplémentaires, les quatre réacteurs sont toujours en fonctionnement.

Ignalina 1 doit être fermé vers 2005, mais l’agence de régulation nationale Vatesi a insisté la semaine dernière sur le fait que ce ne serait pas possible pour des raisons de sécurité.

Ignalina 2 doit être fermé en 2009, tandis que Bohunice 1 et 2 doivent être fermés en 2006 et 2008, dates qui peuvent très bien être repoussées.
Etats-Unis : inquiétudes sur la sécurité des matières radioactives

Les autorités américaines ont recensé 1.300 cas de matières radioactives perdues, volées ou abandonnées aux Etats-Unis au cours des cinq dernières années, et en ont conclu qu’il y avait un risque important que des terroristes puissent utiliser ces éléments pour fabriquer une “bombe sale”.

Des études du laboratoire du département de l’Energie, à Los Alamos, et du General Accounting Office (GAO) ont découvert des failles importantes dans le système de sécurité américain.

“Le monde des matières radioactives s’est développé avant les récentes craintes sur le terrorisme et beaucoup de ces sources sont soit non sécurisées soit, au mieux, dotées d’un niveau de sécurité de type industriel”, a conclu il y a deux mois le laboratoire de Los Alamos dans un rapport examiné par l’agence Associated Press (AP). Le rapport conclut que la menace des “bombes sales”, qui pourraient disperser des matières radioactives dans un large périmètre, “semble très importante”.

Source : AP-11 novembre 2003
Rob Edwards

Traduction Alain Dorange

Article paru dans le journal New Scientist du 28 avril 2004



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