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Sortir du nucléaire n°65



Mai 2015

Alternatives

Combrailles Durables : une coopérative citoyenne à l’assaut de la Bastille de l’énergie

Article paru dans la revue Sortir du nucléaire n°65 - Mai 2015

 Alternatives et sortie du nucléaire  Energies renouvelables


Lorsqu’une foule d’émeutiers s’est emparée de la Bastille le 14 juillet 1789, Louis XVI s’interrogea : "Est-ce une révolte ?" Le duc de La Rochefoucauld répondit : "Non, Sire, ce n’est pas une révolte, c’est une révolution". Une autre Bastille existe sur notre territoire, c’est le modèle énergétique français actuel. Dans le pays des Combrailles, au nord du Parc des Volcans d’Auvergne, les citoyens comptent bien se l’approprier. La SCIC Combrailles Durables montre déjà qu’une alternative positive est envisageable.



Sur le toit de l’école de Loubeyrat, la première réalisation de Combrailles Durables totalise une puissance d’environ 13,7 kW.

Produire localement des énergies renouvelables sur un modèle d’économie sociale et solidaire

Ce territoire de semi-montagne, faiblement industrialisé, économiquement peu dynamique et peu peuplé, bénéficie pourtant chaque jour de ressources inépuisables : soleil, vent, chaleur souterraine, pluie, etc. Des citoyens du pays des Combrailles ont donc initié fin 2008 un projet pour valoriser ses ressources locales. Des modèles existent ailleurs en Allemagne notamment, où les coopératives de production d’énergies renouvelables ont fleuri. Tout va très vite car il ne s’agit pas de réinventer mais de recycler les bonnes idées ayant déjà fait leurs preuves. Ressources du web, échanges téléphoniques et de courriels, réunions publiques et groupes de travail, permettent de mettre en production un premier toit photovoltaïque sur l’école du village de Loubeyrat (63) dès 2010. Localement, l’idée séduit très vite de nombreux citoyens, facilitant une nouvelle réalisation sur le toit de l’école de Manzat, commune voisine, puis sur les gradins du terrain de rugby ou encore sur le toit du lycée de St Gervais d’Auvergne (63). Fin 2014, la coopérative a en production dix centrales photovoltaïques de 4 à 36 kWc, soit de 20 à 250 m2 de surface.

Même en Auvergne, le photovoltaïque est économiquement crédible

Parce qu’un sou est un sou (on est en Auvergne tout de même !) chaque projet est étudié techniquement et économiquement par les bénévoles de la structure. Seuls les projets rentables sont poursuivis car le financement se fait en grande partie par de l’emprunt bancaire nécessitant un rendement minimum. Le chiffre d’affaires de l’exercice 2013- 2014 était de 48 000 €, de quoi dégager 12 000 € de bénéfices bloqués dans la structure pour financer la suite du développement. Les gros et très gros projets étant suffisamment rentables pour être réalisés par les grands groupes industriels, l’objet de cette coopérative est justement de venir valoriser ce qui n’intéresse pas ces opérateurs, au plus près du territoire. Avec des centrales de petite taille, Combrailles Durables génère assez de profit pour assurer son développement mais conserve une ligne de conduite très claire :

  • la non lucrativité,
  • la démocratie : un coopérateur = une voix
  • le multi-sociétariat, associant citoyens, collectivités, entreprises.

Coopérative d’Intérêt Collectif de forme SA, à capital variable, elle a à sa tête un PDG et un Conseil d’Administration, tous bénévoles. Elle a surtout réuni 208 coopérateurs qui apportent le capital social indispensable (51000€) et attendent en retour la réalisation de ces projets bien plus que la rémunération. Aucune plus-value, pas de rémuné- ration les premières années et vraisemblablement très limitée à l’avenir, très faible disponibilité de l’argent, pas d’avantage fiscal, risque direct avec possibles pertes en capital... et pourtant le projet séduit et fait boule de neige !

La dynamique des nouveaux coopérateurs ne s’essouffle pas et les nouveaux projets sont loin de manquer. Le principe : embarquer un maximum de monde souscrivant des parts coopératives à 50 € (en moyenne deux parts soit 100 €) pour diluer le risque et offrir au plus grand nombre la possibilité de devenir producteur d’énergies renouvelables par procuration via la coopérative. Les bénéfices, tous réinjectés dans les futurs projets, ne sont pas soumis à l’impôt sur les sociétés du fait du label SCIC doublé de celui d’entreprise sociale et solidaire.

Une des réunions publiques organisées par Combrailles Durables, ici à Manzat le 27 février 2009.

Une vraie production d’électricité et de vraies perspectives de développement

Fin 2014, la production livrable atteint près de 200 000 kWh annuels, soit la couverture des besoins de 75 foyers (électricité spécifique). Chaque part coopérative produit un peu plus de 200 kWh/an et ce pour 20 ans. Ce qui veut dire que la souscription de 12 parts coopératives à 50 € permet à un foyer de s’assurer que l’équivalent de sa consommation annuelle est produite et injectée sur le réseau et ce pour 20 ans.

La coopération a une force de frappe étonnante et rend accessible des objectifs fort difficiles à atteindre par ailleurs en poursuivant un intérêt individuel. La SCIC travaille actuellement sur cinq nouveaux projets concernant des bâtiments publics pour l’exercice en cours. Notons que l’ensemble du matériel utilisé est européen, recyclable (certification PV-cycle), et mis en œuvre par des artisans locaux.

Par ailleurs, le solaire au sol représente un réel avenir notamment pour la réhabilitation de sols abîmés par l’activité humaine et dégradés dans le cadre de la construction de l’autoroute A89. Ce projet est déjà bien avancé, le stade de pré-diagnostic environnemental validé, et les discussions sont en cours avec les collectivités locales, notamment propriétaires de la parcelle. Enfin, en tache de fond, une campagne de mesure de vent se déroule depuis de nombreux mois pour viser une production éolienne. Ce n’est pas simple, dans ce territoire faiblement peuplé mais à l’habitat très dispersé où la ressource en vent est modeste. Les évolutions techniques récentes permettent de valoriser des régimes de vents moyens et pourraient ainsi donner un nouvel élan à ce mode de production techniquement abouti.

Des partenariats bien au-delà des monts d’Auvergne

Combrailles Durables a bénéficié de l’aide bienveillante de partenaires locaux (communes, intercommunalités, Région...) mais aussi de partenaires plus éloignés géographiquement : Énergie Partagée investissement, France Active, la Nef, la Fondation Macif, la Fondation de France... Les coopérateurs eux-mêmes, majoritairement locaux, ont parfois des adresses plus exotiques. Devenir coopérateur reste un privilège réservé... à tous, de tout horizon et de tout âge.

Des électrons livrés au réseau public d’électricité... pour le moment

Toute la production est livrée et vendue à ERDF via les contrats subventionnés et garantis par l’État. La baisse continue de ces tarifs et l’amélioration simultanée des performances et des prix des équipements permet d’envisager et espérer à courte échéance une sortie de ce modèle économique. Par ailleurs, il devrait bientôt être envisageable de vendre cette énergie à Énercoop. Un client coopérateur de chez Énercoop qui serait aussi coopérateur de Combrailles Durables serait alors intégré dans une AMAP de l’électricité... Wait and see. Les projets 2015 atteignent des coûts de production à 11 c€ le kWh (sur de petites centrales de moins de 100 kWc !). On se rapproche nettement du prix de détail sur le marché, le temps du kWh ultra- subventionné est fini, l’énergie solaire se sèvre petit à petit d’argent public.

Sur le toit du lycée Claude et Pierre Virlogeux (Riom), la coopérative Combrailles Durables a installé une centrale photovoltaïque d’une puissance d’environ 36 kWc.

Yapluka !

Ce que des citoyens auvergnats organisés et déterminés ont su faire, les acteurs d’autres territoires peuvent le faire. La démarche de transition énergétique ne se réalisera que si chacun s’en empare. En association, pour une seule réalisation, devenir producteur est déjà une réalité pour de très nombreuses autres structures ailleurs en France, alors, pourquoi pas vous ? Essayez ! Une telle initiative, très positive et très concrète, est particulièrement fédératrice, et ce bien au-delà des cercles des initiés ou des militants. Il faut prendre la Bastille de l’énergie sur nos territoires !

L’équipe bénévole de Combrailles Durables www.combraillesdurables.fr

Sur le toit de l’école de Loubeyrat, la première réalisation de Combrailles Durables totalise une puissance d’environ 13,7 kW.

Produire localement des énergies renouvelables sur un modèle d’économie sociale et solidaire

Ce territoire de semi-montagne, faiblement industrialisé, économiquement peu dynamique et peu peuplé, bénéficie pourtant chaque jour de ressources inépuisables : soleil, vent, chaleur souterraine, pluie, etc. Des citoyens du pays des Combrailles ont donc initié fin 2008 un projet pour valoriser ses ressources locales. Des modèles existent ailleurs en Allemagne notamment, où les coopératives de production d’énergies renouvelables ont fleuri. Tout va très vite car il ne s’agit pas de réinventer mais de recycler les bonnes idées ayant déjà fait leurs preuves. Ressources du web, échanges téléphoniques et de courriels, réunions publiques et groupes de travail, permettent de mettre en production un premier toit photovoltaïque sur l’école du village de Loubeyrat (63) dès 2010. Localement, l’idée séduit très vite de nombreux citoyens, facilitant une nouvelle réalisation sur le toit de l’école de Manzat, commune voisine, puis sur les gradins du terrain de rugby ou encore sur le toit du lycée de St Gervais d’Auvergne (63). Fin 2014, la coopérative a en production dix centrales photovoltaïques de 4 à 36 kWc, soit de 20 à 250 m2 de surface.

Même en Auvergne, le photovoltaïque est économiquement crédible

Parce qu’un sou est un sou (on est en Auvergne tout de même !) chaque projet est étudié techniquement et économiquement par les bénévoles de la structure. Seuls les projets rentables sont poursuivis car le financement se fait en grande partie par de l’emprunt bancaire nécessitant un rendement minimum. Le chiffre d’affaires de l’exercice 2013- 2014 était de 48 000 €, de quoi dégager 12 000 € de bénéfices bloqués dans la structure pour financer la suite du développement. Les gros et très gros projets étant suffisamment rentables pour être réalisés par les grands groupes industriels, l’objet de cette coopérative est justement de venir valoriser ce qui n’intéresse pas ces opérateurs, au plus près du territoire. Avec des centrales de petite taille, Combrailles Durables génère assez de profit pour assurer son développement mais conserve une ligne de conduite très claire :

  • la non lucrativité,
  • la démocratie : un coopérateur = une voix
  • le multi-sociétariat, associant citoyens, collectivités, entreprises.

Coopérative d’Intérêt Collectif de forme SA, à capital variable, elle a à sa tête un PDG et un Conseil d’Administration, tous bénévoles. Elle a surtout réuni 208 coopérateurs qui apportent le capital social indispensable (51000€) et attendent en retour la réalisation de ces projets bien plus que la rémunération. Aucune plus-value, pas de rémuné- ration les premières années et vraisemblablement très limitée à l’avenir, très faible disponibilité de l’argent, pas d’avantage fiscal, risque direct avec possibles pertes en capital... et pourtant le projet séduit et fait boule de neige !

La dynamique des nouveaux coopérateurs ne s’essouffle pas et les nouveaux projets sont loin de manquer. Le principe : embarquer un maximum de monde souscrivant des parts coopératives à 50 € (en moyenne deux parts soit 100 €) pour diluer le risque et offrir au plus grand nombre la possibilité de devenir producteur d’énergies renouvelables par procuration via la coopérative. Les bénéfices, tous réinjectés dans les futurs projets, ne sont pas soumis à l’impôt sur les sociétés du fait du label SCIC doublé de celui d’entreprise sociale et solidaire.

Une des réunions publiques organisées par Combrailles Durables, ici à Manzat le 27 février 2009.

Une vraie production d’électricité et de vraies perspectives de développement

Fin 2014, la production livrable atteint près de 200 000 kWh annuels, soit la couverture des besoins de 75 foyers (électricité spécifique). Chaque part coopérative produit un peu plus de 200 kWh/an et ce pour 20 ans. Ce qui veut dire que la souscription de 12 parts coopératives à 50 € permet à un foyer de s’assurer que l’équivalent de sa consommation annuelle est produite et injectée sur le réseau et ce pour 20 ans.

La coopération a une force de frappe étonnante et rend accessible des objectifs fort difficiles à atteindre par ailleurs en poursuivant un intérêt individuel. La SCIC travaille actuellement sur cinq nouveaux projets concernant des bâtiments publics pour l’exercice en cours. Notons que l’ensemble du matériel utilisé est européen, recyclable (certification PV-cycle), et mis en œuvre par des artisans locaux.

Par ailleurs, le solaire au sol représente un réel avenir notamment pour la réhabilitation de sols abîmés par l’activité humaine et dégradés dans le cadre de la construction de l’autoroute A89. Ce projet est déjà bien avancé, le stade de pré-diagnostic environnemental validé, et les discussions sont en cours avec les collectivités locales, notamment propriétaires de la parcelle. Enfin, en tache de fond, une campagne de mesure de vent se déroule depuis de nombreux mois pour viser une production éolienne. Ce n’est pas simple, dans ce territoire faiblement peuplé mais à l’habitat très dispersé où la ressource en vent est modeste. Les évolutions techniques récentes permettent de valoriser des régimes de vents moyens et pourraient ainsi donner un nouvel élan à ce mode de production techniquement abouti.

Des partenariats bien au-delà des monts d’Auvergne

Combrailles Durables a bénéficié de l’aide bienveillante de partenaires locaux (communes, intercommunalités, Région...) mais aussi de partenaires plus éloignés géographiquement : Énergie Partagée investissement, France Active, la Nef, la Fondation Macif, la Fondation de France... Les coopérateurs eux-mêmes, majoritairement locaux, ont parfois des adresses plus exotiques. Devenir coopérateur reste un privilège réservé... à tous, de tout horizon et de tout âge.

Des électrons livrés au réseau public d’électricité... pour le moment

Toute la production est livrée et vendue à ERDF via les contrats subventionnés et garantis par l’État. La baisse continue de ces tarifs et l’amélioration simultanée des performances et des prix des équipements permet d’envisager et espérer à courte échéance une sortie de ce modèle économique. Par ailleurs, il devrait bientôt être envisageable de vendre cette énergie à Énercoop. Un client coopérateur de chez Énercoop qui serait aussi coopérateur de Combrailles Durables serait alors intégré dans une AMAP de l’électricité... Wait and see. Les projets 2015 atteignent des coûts de production à 11 c€ le kWh (sur de petites centrales de moins de 100 kWc !). On se rapproche nettement du prix de détail sur le marché, le temps du kWh ultra- subventionné est fini, l’énergie solaire se sèvre petit à petit d’argent public.

Sur le toit du lycée Claude et Pierre Virlogeux (Riom), la coopérative Combrailles Durables a installé une centrale photovoltaïque d’une puissance d’environ 36 kWc.

Yapluka !

Ce que des citoyens auvergnats organisés et déterminés ont su faire, les acteurs d’autres territoires peuvent le faire. La démarche de transition énergétique ne se réalisera que si chacun s’en empare. En association, pour une seule réalisation, devenir producteur est déjà une réalité pour de très nombreuses autres structures ailleurs en France, alors, pourquoi pas vous ? Essayez ! Une telle initiative, très positive et très concrète, est particulièrement fédératrice, et ce bien au-delà des cercles des initiés ou des militants. Il faut prendre la Bastille de l’énergie sur nos territoires !

L’équipe bénévole de Combrailles Durables www.combraillesdurables.fr



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