Faire un don

Sortir du nucléaire n°21



Avril 2003

Bure

Choisir entre géothermie et projet d’enfouissement de déchets nucléaires

Article paru dans la revue Sortir du nucléaire n°21 - Avril 2003

 Déchets radioactifs
Article publié le : 1er avril 2003


La découverte de ressources géothermiques dans la région de Bure et de ses alentours n’est pas nouvelle. Elle a fait l’objet de rapports d’inventaires des ressources géothermiques du Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM) pour la région Champagne Ardenne en 1979 et pour le département de la Meuse en 1981.



La règle fondamentale de sûreté édictée par le Ministère de l’Industrie a pour objet de définir, pour le stockage définitif des déchets radioactifs en formation géologique profonde, les objectifs qui doivent être retenus dès les phases d’études et de travaux pour permettre d’assurer la sûreté après la période d’exploitation du stockage. Elle prend également en compte les recommandations émises par les organisations internationales techniquement compétentes.

Mise au jour d’une ressource propre et durable
Les rapports du BRGM ont fait l’objet d’une note intitulée « Bure et la règle fondamentale de Sûreté » publiée en décembre 2002, par l’auteur de cet article. Les cartes extraites des documents du BRGM révèlent la présence d’un gisement de ressources géothermiques. Et si on se réfère à la règle fondamentale de sûreté, il est clair que cette ressource naturelle est un obstacle à la réalisation d’un stockage de déchets nucléaires en géologie profonde.

Position officielle
Certains auteurs contestent le caractère exceptionnel de cette ressource en utilisant un argument convaincant dans la période actuelle : il n’y a personne pour utiliser une telle ressource, dans cette région assez désertique. Il faut ajouter que ce type de ressource naturelle n’est pas transportable. Elle doit être utilisée sur place.
Ces arguments peuvent se comprendre dans le contexte socio-économique actuel. Mais seront-ils vrais demain ? Dans l’ouvrage cité en référence *, il est dit page 35 que les ressources d’énergie fossile vont en diminuant ; les réserves de charbon sont estimées à 200 ans, les réserves de gaz à 70 ans et les réserves de pétroles à 43 ans (estimations en 1995). Même si on admet une centaine d’années pour l’épuisement du pétrole, ces années devront être utilisées au développement d’énergies durables. L’uranium est aussi en quantité limitée au même titre que les énergies fossiles.
Rappelons que ces produits pétroliers sont surtout utilisés pour le chauffage et le transport. On commence à voir des procédés de substitution pour le transport mais rien en ce qui concerne le chauffage. Un siècle c’est demain si on le compare aux milliers de siècles, période pendant laquelle un centre de stockage de déchets radioactifs restera violemment nocif. Par conséquent il faut considérer comme une chance le fait de disposer d’une énorme ressource de chaleur, énergie propre, là sous nos pieds et utilisable pendant un temps quasi infini.

Un piège
Dans l’annexe 2 de la RFS, on lit au chapitre 3 : Situations hypothétiques correspondant à l’occurrence d’événements aléatoires de caractère conventionnel, au sous paragraphe 3.1.5. Géothermie et stockage de chaleur : « cette situation n’est pas étudiée car les sites retenus ne devront pas présenter d’intérêt particulier de ce point de vue ». Ceci est parfaitement clair. L’existence d’un stockage de déchets nucléaires est incompatible avec celle d’une ressource d’énergie géothermique importante.
Avons-nous le droit de saccager, de stériliser un gisement géothermique aussi colossal que celui qui est sous nos villages et que nous devrons léguer intact à nos descendants ? Ce type de gisement d’énergie ne se transporte pas mais il est très facile de faire venir des entreprises pouvant utiliser sur place une énergie propre et des populations qui pourront bénéficier d’un cadre de vie que beaucoup nous envient, et nous envieront. Merveilleux moyens de développer sur le plan économique toute cette région qui aujourd’hui n’est encore qu’un désert, mais qui par la volonté de ses habitants et de ses élus peut devenir un endroit très prospère et non pas un cimetière où même nos descendants ne pourront plus venir.

Embarras de l’Administration
Bien entendu les administrations contestent cette vision de la chose, avec d’ailleurs une parfaite mauvaise foi, mais les arguments ne tiennent pas la route. D’autre part les raisons avancées par les nucléophiles font passer les géologues du Bureau de Recherches Géologiques et Minières pour des faiseurs de mauvaises nouvelles voire même de fausses nouvelles. Je les connais de puis assez longtemps pour savoir que ce n’est pas le cas Il arrive même fréquemment que certains, en privé, ne se gênent pas pour me donner raison. Curieusement, les inventaires sur la géothermie en Champagne-Ardenne et le département de la Meuse, n’avaient jusqu’à présent provoqué aucune protestation de la part des enfouisseurs. Et voilà qu’ils montent au créneau dès qu’on soulève un problème qui les gêne énormément. Cela ne fait pas très sérieux de la part de notre administration enfouisseuse.
Par conséquent le choix est clair pour les politiques :
• ou bien on enfouit les déchets nucléaires dans la région de Bure en stérilisant la région pour une période quasi infinie
• ou bien on développe cette région grâce à l’énergie propre du sous-sol en faisant venir des entreprises qui auront toute la place voulue pour s’installer, avec les populations qui auront ainsi du travail et de l’espace dans une région, ma foi, bien agréable.
Tout compte fait, il n’y a pas vraiment de choix.

André Mourot
Ingénieur géophysicien IPGS - Licencié ès Sciences de l’Université de Strasbourg
Ancien expert auprès du Tribunal de Commerce International de Paris
Courriel : andre.mourot@wanadoo.fr

* Raymond Ferrandes. Yves Benderitter, Jean Lemale, Florence Jaudin. La chaleur de la Terre, de l’origine de la chaleur à l’exploitation des gisements géothermiques. Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie. 1998, 398 p.
A voir la carte des “Provinces géothermiques européennes (d’après Ungemach, 1984)” p. 259

La règle fondamentale de sûreté édictée par le Ministère de l’Industrie a pour objet de définir, pour le stockage définitif des déchets radioactifs en formation géologique profonde, les objectifs qui doivent être retenus dès les phases d’études et de travaux pour permettre d’assurer la sûreté après la période d’exploitation du stockage. Elle prend également en compte les recommandations émises par les organisations internationales techniquement compétentes.

Mise au jour d’une ressource propre et durable
Les rapports du BRGM ont fait l’objet d’une note intitulée « Bure et la règle fondamentale de Sûreté » publiée en décembre 2002, par l’auteur de cet article. Les cartes extraites des documents du BRGM révèlent la présence d’un gisement de ressources géothermiques. Et si on se réfère à la règle fondamentale de sûreté, il est clair que cette ressource naturelle est un obstacle à la réalisation d’un stockage de déchets nucléaires en géologie profonde.

Position officielle
Certains auteurs contestent le caractère exceptionnel de cette ressource en utilisant un argument convaincant dans la période actuelle : il n’y a personne pour utiliser une telle ressource, dans cette région assez désertique. Il faut ajouter que ce type de ressource naturelle n’est pas transportable. Elle doit être utilisée sur place.
Ces arguments peuvent se comprendre dans le contexte socio-économique actuel. Mais seront-ils vrais demain ? Dans l’ouvrage cité en référence *, il est dit page 35 que les ressources d’énergie fossile vont en diminuant ; les réserves de charbon sont estimées à 200 ans, les réserves de gaz à 70 ans et les réserves de pétroles à 43 ans (estimations en 1995). Même si on admet une centaine d’années pour l’épuisement du pétrole, ces années devront être utilisées au développement d’énergies durables. L’uranium est aussi en quantité limitée au même titre que les énergies fossiles.
Rappelons que ces produits pétroliers sont surtout utilisés pour le chauffage et le transport. On commence à voir des procédés de substitution pour le transport mais rien en ce qui concerne le chauffage. Un siècle c’est demain si on le compare aux milliers de siècles, période pendant laquelle un centre de stockage de déchets radioactifs restera violemment nocif. Par conséquent il faut considérer comme une chance le fait de disposer d’une énorme ressource de chaleur, énergie propre, là sous nos pieds et utilisable pendant un temps quasi infini.

Un piège
Dans l’annexe 2 de la RFS, on lit au chapitre 3 : Situations hypothétiques correspondant à l’occurrence d’événements aléatoires de caractère conventionnel, au sous paragraphe 3.1.5. Géothermie et stockage de chaleur : « cette situation n’est pas étudiée car les sites retenus ne devront pas présenter d’intérêt particulier de ce point de vue ». Ceci est parfaitement clair. L’existence d’un stockage de déchets nucléaires est incompatible avec celle d’une ressource d’énergie géothermique importante.
Avons-nous le droit de saccager, de stériliser un gisement géothermique aussi colossal que celui qui est sous nos villages et que nous devrons léguer intact à nos descendants ? Ce type de gisement d’énergie ne se transporte pas mais il est très facile de faire venir des entreprises pouvant utiliser sur place une énergie propre et des populations qui pourront bénéficier d’un cadre de vie que beaucoup nous envient, et nous envieront. Merveilleux moyens de développer sur le plan économique toute cette région qui aujourd’hui n’est encore qu’un désert, mais qui par la volonté de ses habitants et de ses élus peut devenir un endroit très prospère et non pas un cimetière où même nos descendants ne pourront plus venir.

Embarras de l’Administration
Bien entendu les administrations contestent cette vision de la chose, avec d’ailleurs une parfaite mauvaise foi, mais les arguments ne tiennent pas la route. D’autre part les raisons avancées par les nucléophiles font passer les géologues du Bureau de Recherches Géologiques et Minières pour des faiseurs de mauvaises nouvelles voire même de fausses nouvelles. Je les connais de puis assez longtemps pour savoir que ce n’est pas le cas Il arrive même fréquemment que certains, en privé, ne se gênent pas pour me donner raison. Curieusement, les inventaires sur la géothermie en Champagne-Ardenne et le département de la Meuse, n’avaient jusqu’à présent provoqué aucune protestation de la part des enfouisseurs. Et voilà qu’ils montent au créneau dès qu’on soulève un problème qui les gêne énormément. Cela ne fait pas très sérieux de la part de notre administration enfouisseuse.
Par conséquent le choix est clair pour les politiques :
• ou bien on enfouit les déchets nucléaires dans la région de Bure en stérilisant la région pour une période quasi infinie
• ou bien on développe cette région grâce à l’énergie propre du sous-sol en faisant venir des entreprises qui auront toute la place voulue pour s’installer, avec les populations qui auront ainsi du travail et de l’espace dans une région, ma foi, bien agréable.
Tout compte fait, il n’y a pas vraiment de choix.

André Mourot
Ingénieur géophysicien IPGS - Licencié ès Sciences de l’Université de Strasbourg
Ancien expert auprès du Tribunal de Commerce International de Paris
Courriel : andre.mourot@wanadoo.fr

* Raymond Ferrandes. Yves Benderitter, Jean Lemale, Florence Jaudin. La chaleur de la Terre, de l’origine de la chaleur à l’exploitation des gisements géothermiques. Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie. 1998, 398 p.
A voir la carte des “Provinces géothermiques européennes (d’après Ungemach, 1984)” p. 259



Soyez au coeur de l'information !

Tous les 3 mois, retrouvez 36 pages (en couleur) de brèves, interviews, articles, BD, alternatives concrètes, actions originales, luttes antinucléaires à l’étranger, décryptages, etc.

Je m'abonne à la revue du Réseau