La découverte de ressources géothermiques dans la région de Bure et de ses alentours nest pas nouvelle. Elle a fait lobjet de rapports dinventaires des ressources géothermiques du Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM) pour la région Champagne Ardenne en 1979 et pour le département de la Meuse en 1981.
La règle fondamentale de sûreté édictée par le Ministère de lIndustrie a pour objet de définir, pour le stockage définitif des déchets radioactifs en formation géologique profonde, les objectifs qui doivent être retenus dès les phases détudes et de travaux pour permettre dassurer la sûreté après la période dexploitation du stockage. Elle prend également en compte les recommandations émises par les organisations internationales techniquement compétentes.
Mise au jour dune ressource propre et durable
Les rapports du BRGM ont fait lobjet dune note intitulée « Bure et la règle fondamentale de Sûreté » publiée en décembre 2002, par lauteur de cet article. Les cartes extraites des documents du BRGM révèlent la présence dun gisement de ressources géothermiques. Et si on se réfère à la règle fondamentale de sûreté, il est clair que cette ressource naturelle est un obstacle à la réalisation dun stockage de déchets nucléaires en géologie profonde.
Position officielle
Certains auteurs contestent le caractère exceptionnel de cette ressource en utilisant un argument convaincant dans la période actuelle : il ny a personne pour utiliser une telle ressource, dans cette région assez désertique. Il faut ajouter que ce type de ressource naturelle nest pas transportable. Elle doit être utilisée sur place.
Ces arguments peuvent se comprendre dans le contexte socio-économique actuel. Mais seront-ils vrais demain ? Dans louvrage cité en référence *, il est dit page 35 que les ressources dénergie fossile vont en diminuant ; les réserves de charbon sont estimées à 200 ans, les réserves de gaz à 70 ans et les réserves de pétroles à 43 ans (estimations en 1995). Même si on admet une centaine dannées pour lépuisement du pétrole, ces années devront être utilisées au développement dénergies durables. Luranium est aussi en quantité limitée au même titre que les énergies fossiles.
Rappelons que ces produits pétroliers sont surtout utilisés pour le chauffage et le transport. On commence à voir des procédés de substitution pour le transport mais rien en ce qui concerne le chauffage. Un siècle cest demain si on le compare aux milliers de siècles, période pendant laquelle un centre de stockage de déchets radioactifs restera violemment nocif. Par conséquent il faut considérer comme une chance le fait de disposer dune énorme ressource de chaleur, énergie propre, là sous nos pieds et utilisable pendant un temps quasi infini.
Un piège
Dans lannexe 2 de la RFS, on lit au chapitre 3 : Situations hypothétiques correspondant à loccurrence dévénements aléatoires de caractère conventionnel, au sous paragraphe 3.1.5. Géothermie et stockage de chaleur : « cette situation nest pas étudiée car les sites retenus ne devront pas présenter dintérêt particulier de ce point de vue ». Ceci est parfaitement clair. Lexistence dun stockage de déchets nucléaires est incompatible avec celle dune ressource dénergie géothermique importante.
Avons-nous le droit de saccager, de stériliser un gisement géothermique aussi colossal que celui qui est sous nos villages et que nous devrons léguer intact à nos descendants ? Ce type de gisement dénergie ne se transporte pas mais il est très facile de faire venir des entreprises pouvant utiliser sur place une énergie propre et des populations qui pourront bénéficier dun cadre de vie que beaucoup nous envient, et nous envieront. Merveilleux moyens de développer sur le plan économique toute cette région qui aujourdhui nest encore quun désert, mais qui par la volonté de ses habitants et de ses élus peut devenir un endroit très prospère et non pas un cimetière où même nos descendants ne pourront plus venir.
Embarras de lAdministration
Bien entendu les administrations contestent cette vision de la chose, avec dailleurs une parfaite mauvaise foi, mais les arguments ne tiennent pas la route. Dautre part les raisons avancées par les nucléophiles font passer les géologues du Bureau de Recherches Géologiques et Minières pour des faiseurs de mauvaises nouvelles voire même de fausses nouvelles. Je les connais de puis assez longtemps pour savoir que ce nest pas le cas Il arrive même fréquemment que certains, en privé, ne se gênent pas pour me donner raison. Curieusement, les inventaires sur la géothermie en Champagne-Ardenne et le département de la Meuse, navaient jusquà présent provoqué aucune protestation de la part des enfouisseurs. Et voilà quils montent au créneau dès quon soulève un problème qui les gêne énormément. Cela ne fait pas très sérieux de la part de notre administration enfouisseuse.
Par conséquent le choix est clair pour les politiques :
ou bien on enfouit les déchets nucléaires dans la région de Bure en stérilisant la région pour une période quasi infinie
ou bien on développe cette région grâce à lénergie propre du sous-sol en faisant venir des entreprises qui auront toute la place voulue pour sinstaller, avec les populations qui auront ainsi du travail et de lespace dans une région, ma foi, bien agréable.
Tout compte fait, il ny a pas vraiment de choix.
André Mourot
Ingénieur géophysicien IPGS - Licencié ès Sciences de lUniversité de Strasbourg
Ancien expert auprès du Tribunal de Commerce International de Paris
Courriel : andre.mourot@wanadoo.fr
* Raymond Ferrandes. Yves Benderitter, Jean Lemale, Florence Jaudin. La chaleur de la Terre, de lorigine de la chaleur à lexploitation des gisements géothermiques. Agence de lEnvironnement et de la Maîtrise de lÉnergie. 1998, 398 p.
A voir la carte des Provinces géothermiques européennes (daprès Ungemach, 1984) p. 259
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