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Sortir du nucléaire n°54



Eté 2012

Lobby nucléaire

Ces députés au service du nucléaire

Article paru dans la revue Sortir du nucléaire n°54 - Eté 2012

 Nucléaire et démocratie  Lobby nucléaire


Face au pouvoir d’EDF et Areva, et à la traditionnelle fascination des chefs d’État français pour l’atome, il serait indispensable que les députés puissent exercer un contre-pouvoir et proposent enfin une réorientation de la politique énergétique. Cependant, loin de défendre l’intérêt général, certains d’entre eux se mettent au service des intérêts de l’industrie nucléaire. À l’occasion des dernières élections législatives, le Réseau "Sortir du nucléaire" a enquêté sur ces "élus radioactifs".



Depuis des décennies, des députés de droite comme de gauche ont résolument pris le parti de défendre le nucléaire civil et militaire, et se sont fait les courroies de transmission de cette industrie. Qui sont-ils ? Où les retrouve-t-on ? Quels sont leurs terrains d’action ?

Avant tout, des élus zélés…

Alain Decool à Dunkerque, Franck Reynier à Montélimar, Hervé Novelli à Chinon, Charles de la Verpillière dans l’Ain… nombreux sont les députés élus locaux qui se font les défenseurs de leur centrale nucléaire locale, avec un acharnement qui dépasse souvent la simple défense des emplois.

D’autres, comme Hervé Mariton (UMP, Drôme), déplorent de ne pas en avoir sur leur territoire, ou se battent pour en accueillir une. Sandrine Hurel, députée PS de Dieppe, n’entend toujours pas renoncer à l’EPR de Penly, bien que François Hollande ait décidé l’abandon du projet. Quant à l’ancien député UMP Claude Gatignol*, il a recouru à un intense lobbying auprès du gouvernement Raffarin pour que le tout premier réacteur EPR de France soit construit à Flamanville.

La même logique prévaut d’ailleurs pour les élus dont la circonscription accueille des installations militaires : la base aérienne atomique de Saint-Dizier, qui héberge des missiles nucléaires, peut compter sur le député UMP François Cornut-Gentille* pour réclamer une augmentation des budgets militaires.

La palme des élus locaux "courroie de transmission" revient-elle à Éric Besson, maire de Donzère (au pied du Tricastin) et anciennement député de la Drôme, qui fut un ministre de l’énergie pro-nucléaire exceptionnellement zélé ? Ou à Bernard Cazeneuve*, élu de Cherbourg, qui, sur la demande d’Areva, a fait retirer de l’accord EELV-PS lors de la campagne présidentielle un paragraphe prévoyant l’arrêt de la production de combustible MOX ?

Quelques transfuges

On compte évidemment quelques anciens salariés du nucléaire parmi les élus les plus nucléophiles. Jean-Claude Lenoir, député de l’Orne jusqu’en 2011, était cadre chez EDF. Michel Destot (PS)*, député-maire de Grenoble et physicien nucléaire de formation, a travaillé pendant 15 ans au CEA avant de fonder Corys, une start-up spécialisée dans la réalisation de simulateurs pour les centrales nucléaires. Au comité de direction de cette société, on retrouvera également l’actuelle ministre de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur, l’élue iséroise Geneviève Fioraso (PS)*. Enfin, citons Dominique Strauss-Kahn, qui, entre deux mandats de députés, avait exercé dans les années 1990 la fonction de lobbyiste pour EDF.

L’OPECST, terrain de jeu des élus pronucléaires

L’Office Parlementaire d’Évaluation des Choix Scientifiques et Techniques, qui regroupe députés et sénateurs, a pour mission de réaliser des rapports destinés à éclairer les choix du Parlement sur des sujets comme les OGM, les nanotechnologies… et bien sûr le nucléaire.

Nos élus pronucléaires y interviennent fréquemment en tandem regroupant deux couleurs politiques, à l’instar du couple Christian Bataille* (PS) – Claude Birraux (UMP), pour rédiger des rapports dont le ton enthousiaste traduit un manque d’objectivité certain. Quelques-uns de ces élus sont de formation scientifique, tels Jean-Yves Le Déaut* (PS), d’autres ont avant tout une formation littéraire, comme Geneviève Fioraso* et surtout Christian Bataille*, professeur de lettres. Mais tous sont de fervents scientistes, fascinés par la technologie.

Les pseudo-écolos

On retrouve certains de nos élus radioactifs dans des associations écologistes douteuses. La "Fédération Environnement Durable" compte parmi ses dirigeants l’ancien PDG d’EDF Marcel Boiteux ainsi que Valéry Giscard d’Estaing, grand bâtisseur de centrales ; dans son orbite, on retrouve des défenseurs de nos paysages qui n’ont rien contre les pylônes THT mais ne peuvent supporter un mât d’éolienne. C’est le cas de Claude Gatignol* et de Patrick Ollier* : ce dernier fut dépositaire de nombreux amendements anti-éoliens, ainsi que d’amendements visant à favoriser le chauffage électrique.

D’autres préfèrent s’investir au sein de "Sauvons le climat", collectif pseudo-écolo soutenu entre autres par les retraités du CEA et l’Association des Écologistes Pour le Nucléaire… Au comité de parrainage, aux côtés de l’incontournable Marcel Boiteux, on retrouve d’anciens ou actuels députés : Roselyne Bachelot, Michel Destot*, Jean-Pierre Chevènement et Jean-Yves Le Déaut*. Son président d’honneur, le physicien nucléaire Hervé Nifenecker, s’était présenté en juin 2012 sous les couleurs du MRC.

Les éboueurs du nucléaire

Certains parlementaires ont fort bien compris que la question des déchets radioactifs restait le talon d’Achille de l’industrie nucléaire. Pour "résoudre" ce problème, ils se sont investis au sein du conseil d’administration de l’Agence Nationale pour la gestion des Déchets Radioactifs (ANDRA), qui est pourtant censée afficher un positionnement neutre en matière de politique énergétique. À sa présidence, on retrouve François-Michel Gonnot*, fondateur et président du Club Énergie et Développement, dont le but est de rapprocher producteurs d’énergie et pouvoirs publics.

Avant de laisser la place à Geneviève Fioraso*, Christian Bataille* a longtemps considéré l’ANDRA comme son fief. Pour le compte de l’Agence, le député a pendant des années démarché des communes pour leur faire accepter un site d’enfouissement de déchets radioactifs. Pour mieux faire passer la pilule, il a forgé dans la loi qui porte son nom le concept trompeur de "réversibilité", laissant croire à la possibilité de récupérer les déchets.

Face à la question des déchets, certains députés choisissent le passage en force, tel Nicolas Dhuicq*, maire UMP de Brienne-le-Château qui a fait voter à sa commune l’accord pour implanter un site de stockage de déchets à l’intitulé trompeur (FAVL, soit "faible activité – vie longue") en refusant de consulter la population.

D’autres, comme Bertrand Pancher* (UMP), élu près du futur site d’enfouissement de Bure, préfèrent parier sur l’acceptabilité sociale et préconisent une conception du débat bien particulière ; il ne s’agit pas de discuter du projet en laissant ouverte la possibilité de sa remise en cause, mais d’en parler afin que les habitants y adhèrent enfin. Peu lui importe que 40 000 personnes aient demandé un référendum sur l’enfouissement ! Enfin, d’autres, comme François Cornut-Gentille*, ne se prononcent pas, mais ne disent pas non aux subventions…

Les Françafricains

Enfin, quelques députés, qui entretiennent des relations d’amitié avec des chefs d’État peu recommandables, mettent volontiers leurs réseaux au service des intérêts nucléaires français. Patrick Ollier*, vice-président du groupe d’amitié France-Libye, a ainsi œuvré pour la signature d’un accord nucléaire avec Kadhafi, estimant qu’il n’y avait "plus rien à reprocher" au dictateur.
Quant à Patrick Balkany* (UMP), qui accompagnait Nicolas Sarkozy dans tous ses voyages en Afrique, il a effectué plusieurs missions officieuses pour négocier pour Areva des permis d’exploitation d’uranium en République Centrafricaine et en République Démocratique du Congo.

Presque tous réélus en juin, ces députés sont à surveiller de près…

Charlotte Mijeon
Chargée de communication du Réseau "Sortir du nucléaire"

Notes :

* Pour en savoir plus :

La campagne "Élections législatives : pas de sièges pour les pronucléaires !" (https://www.sortirdunucleaire.org/Legislatives ). Les personnes dont le nom est suivi d’un astérisque y disposent d’une fiche détaillée et sourcée.

Greenpeace a mis en place Facenuke, le "réseau social" du nucléaire (https://greenpeace.fr/facenuke/ ), qui permet de voir les interactions entre différentes personnalités.

Depuis des décennies, des députés de droite comme de gauche ont résolument pris le parti de défendre le nucléaire civil et militaire, et se sont fait les courroies de transmission de cette industrie. Qui sont-ils ? Où les retrouve-t-on ? Quels sont leurs terrains d’action ?

Avant tout, des élus zélés…

Alain Decool à Dunkerque, Franck Reynier à Montélimar, Hervé Novelli à Chinon, Charles de la Verpillière dans l’Ain… nombreux sont les députés élus locaux qui se font les défenseurs de leur centrale nucléaire locale, avec un acharnement qui dépasse souvent la simple défense des emplois.

D’autres, comme Hervé Mariton (UMP, Drôme), déplorent de ne pas en avoir sur leur territoire, ou se battent pour en accueillir une. Sandrine Hurel, députée PS de Dieppe, n’entend toujours pas renoncer à l’EPR de Penly, bien que François Hollande ait décidé l’abandon du projet. Quant à l’ancien député UMP Claude Gatignol*, il a recouru à un intense lobbying auprès du gouvernement Raffarin pour que le tout premier réacteur EPR de France soit construit à Flamanville.

La même logique prévaut d’ailleurs pour les élus dont la circonscription accueille des installations militaires : la base aérienne atomique de Saint-Dizier, qui héberge des missiles nucléaires, peut compter sur le député UMP François Cornut-Gentille* pour réclamer une augmentation des budgets militaires.

La palme des élus locaux "courroie de transmission" revient-elle à Éric Besson, maire de Donzère (au pied du Tricastin) et anciennement député de la Drôme, qui fut un ministre de l’énergie pro-nucléaire exceptionnellement zélé ? Ou à Bernard Cazeneuve*, élu de Cherbourg, qui, sur la demande d’Areva, a fait retirer de l’accord EELV-PS lors de la campagne présidentielle un paragraphe prévoyant l’arrêt de la production de combustible MOX ?

Quelques transfuges

On compte évidemment quelques anciens salariés du nucléaire parmi les élus les plus nucléophiles. Jean-Claude Lenoir, député de l’Orne jusqu’en 2011, était cadre chez EDF. Michel Destot (PS)*, député-maire de Grenoble et physicien nucléaire de formation, a travaillé pendant 15 ans au CEA avant de fonder Corys, une start-up spécialisée dans la réalisation de simulateurs pour les centrales nucléaires. Au comité de direction de cette société, on retrouvera également l’actuelle ministre de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur, l’élue iséroise Geneviève Fioraso (PS)*. Enfin, citons Dominique Strauss-Kahn, qui, entre deux mandats de députés, avait exercé dans les années 1990 la fonction de lobbyiste pour EDF.

L’OPECST, terrain de jeu des élus pronucléaires

L’Office Parlementaire d’Évaluation des Choix Scientifiques et Techniques, qui regroupe députés et sénateurs, a pour mission de réaliser des rapports destinés à éclairer les choix du Parlement sur des sujets comme les OGM, les nanotechnologies… et bien sûr le nucléaire.

Nos élus pronucléaires y interviennent fréquemment en tandem regroupant deux couleurs politiques, à l’instar du couple Christian Bataille* (PS) – Claude Birraux (UMP), pour rédiger des rapports dont le ton enthousiaste traduit un manque d’objectivité certain. Quelques-uns de ces élus sont de formation scientifique, tels Jean-Yves Le Déaut* (PS), d’autres ont avant tout une formation littéraire, comme Geneviève Fioraso* et surtout Christian Bataille*, professeur de lettres. Mais tous sont de fervents scientistes, fascinés par la technologie.

Les pseudo-écolos

On retrouve certains de nos élus radioactifs dans des associations écologistes douteuses. La "Fédération Environnement Durable" compte parmi ses dirigeants l’ancien PDG d’EDF Marcel Boiteux ainsi que Valéry Giscard d’Estaing, grand bâtisseur de centrales ; dans son orbite, on retrouve des défenseurs de nos paysages qui n’ont rien contre les pylônes THT mais ne peuvent supporter un mât d’éolienne. C’est le cas de Claude Gatignol* et de Patrick Ollier* : ce dernier fut dépositaire de nombreux amendements anti-éoliens, ainsi que d’amendements visant à favoriser le chauffage électrique.

D’autres préfèrent s’investir au sein de "Sauvons le climat", collectif pseudo-écolo soutenu entre autres par les retraités du CEA et l’Association des Écologistes Pour le Nucléaire… Au comité de parrainage, aux côtés de l’incontournable Marcel Boiteux, on retrouve d’anciens ou actuels députés : Roselyne Bachelot, Michel Destot*, Jean-Pierre Chevènement et Jean-Yves Le Déaut*. Son président d’honneur, le physicien nucléaire Hervé Nifenecker, s’était présenté en juin 2012 sous les couleurs du MRC.

Les éboueurs du nucléaire

Certains parlementaires ont fort bien compris que la question des déchets radioactifs restait le talon d’Achille de l’industrie nucléaire. Pour "résoudre" ce problème, ils se sont investis au sein du conseil d’administration de l’Agence Nationale pour la gestion des Déchets Radioactifs (ANDRA), qui est pourtant censée afficher un positionnement neutre en matière de politique énergétique. À sa présidence, on retrouve François-Michel Gonnot*, fondateur et président du Club Énergie et Développement, dont le but est de rapprocher producteurs d’énergie et pouvoirs publics.

Avant de laisser la place à Geneviève Fioraso*, Christian Bataille* a longtemps considéré l’ANDRA comme son fief. Pour le compte de l’Agence, le député a pendant des années démarché des communes pour leur faire accepter un site d’enfouissement de déchets radioactifs. Pour mieux faire passer la pilule, il a forgé dans la loi qui porte son nom le concept trompeur de "réversibilité", laissant croire à la possibilité de récupérer les déchets.

Face à la question des déchets, certains députés choisissent le passage en force, tel Nicolas Dhuicq*, maire UMP de Brienne-le-Château qui a fait voter à sa commune l’accord pour implanter un site de stockage de déchets à l’intitulé trompeur (FAVL, soit "faible activité – vie longue") en refusant de consulter la population.

D’autres, comme Bertrand Pancher* (UMP), élu près du futur site d’enfouissement de Bure, préfèrent parier sur l’acceptabilité sociale et préconisent une conception du débat bien particulière ; il ne s’agit pas de discuter du projet en laissant ouverte la possibilité de sa remise en cause, mais d’en parler afin que les habitants y adhèrent enfin. Peu lui importe que 40 000 personnes aient demandé un référendum sur l’enfouissement ! Enfin, d’autres, comme François Cornut-Gentille*, ne se prononcent pas, mais ne disent pas non aux subventions…

Les Françafricains

Enfin, quelques députés, qui entretiennent des relations d’amitié avec des chefs d’État peu recommandables, mettent volontiers leurs réseaux au service des intérêts nucléaires français. Patrick Ollier*, vice-président du groupe d’amitié France-Libye, a ainsi œuvré pour la signature d’un accord nucléaire avec Kadhafi, estimant qu’il n’y avait "plus rien à reprocher" au dictateur.
Quant à Patrick Balkany* (UMP), qui accompagnait Nicolas Sarkozy dans tous ses voyages en Afrique, il a effectué plusieurs missions officieuses pour négocier pour Areva des permis d’exploitation d’uranium en République Centrafricaine et en République Démocratique du Congo.

Presque tous réélus en juin, ces députés sont à surveiller de près…

Charlotte Mijeon
Chargée de communication du Réseau "Sortir du nucléaire"

Notes :

* Pour en savoir plus :

La campagne "Élections législatives : pas de sièges pour les pronucléaires !" (https://www.sortirdunucleaire.org/Legislatives ). Les personnes dont le nom est suivi d’un astérisque y disposent d’une fiche détaillée et sourcée.

Greenpeace a mis en place Facenuke, le "réseau social" du nucléaire (https://greenpeace.fr/facenuke/ ), qui permet de voir les interactions entre différentes personnalités.



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