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Sortir du nucléaire n°33



Décembre 2006

Nucléaire militaire

Bombe atomique : la Corée du Nord veut-elle copier la France ?

Article paru dans la revue Sortir du nucléaire n°33 - Décembre 2006

 Nucléaire militaire
Article publié le : 1er décembre 2006


L’arme nucléaire a fait récemment les gros titres de la presse. La Corée du Nord a fait le premier essai de sa bombe le 9 octobre 2006, l’Iran est soupçonné de préparer la sienne avec un programme “civil”. Mais la presse ne souffle mot des vrais proliférateurs, les Etats-Unis et la France en tête. Pourquoi ?



Pourquoi vouloir la bombe ?

Aujourd’hui, Kim Jung-il annonce que son arsenal nucléaire a été conçu “pour défendre la paix et la stabilité sur la péninsule coréenne et sa région” ! Mais est-ce si différent du discours de Jacques Chirac le 19 janvier 2006 qui justifiait la modernisation de l’arsenal nucléaire français pour “l’intégrité de notre territoire, la protection de notre population, le libre exercice de notre souveraineté, la garantie de nos approvisionnements stratégiques”. La bombe nucléaire ainsi justifiée devrait être à disposition de tous les pays et le Traité de non-prolifération (TNP) n’a plus de raison d’être !

Le Traité de non-prolifération (TNP) est la loi internationale

Rappelons qu’un traité international impose des règles qui prévalent sur les lois nationales. La France qui a signé et ratifié le TNP doit donc préparer “l’élimination totale de ses armes nucléaires sous un contrôle international strict et efficace” (article VI) et depuis la délibération de la Conférence de révision à l’ONU en mai 2000 “la diminution du rôle des armes nucléaires dans la politique de Défense” (article 9).

Comment alors justifier que la France mette au point un nouveau missile, le M51, destiné à pouvoir atteindre des objectifs plus éloignés, dont la Chine et plus précisément Pékin ? La France renouvelle tout son arsenal nucléaire, nouveaux sous-marins, nouveaux avions (les Rafale), nouvelles têtes nucléaires, nouveaux missiles, et lance un programme de recherche pour des bombes à fusion pure, le laser Mégajoule. En violation du TNP, article 9, déjà cité.

Au moins la Corée du Nord a eu la pudeur de se retirer du TNP en 2003 pour faire ses bombes !!! Et, grave erreur de l’époque, la communauté internationale n’a quasiment pas protesté, alors que c’était à ce moment-là qu’il fallait dénoncer le non-respect des engagements !!! Quant à l’Iran, il respecte complètement le TNP qui l’autorise à procéder à l’enrichissement de l’uranium pour des réacteurs civils. Vis-à-vis de l’Iran, il s’agit d’une crise de confiance et non pas d’une violation du droit international.

Mais qui contrôle qui ?

L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) est censée contrôler tout… Jusqu’en 1990 l’Agence contrôlait les installations civiles “déclarées”. Mais, après le commerce frauduleux d’Abdul Khan au Pakistan qui a montré qu’il est facile de dissimuler des unités d’ultracentrifugeuses pour enrichir l’uranium et faire des bombes, il a été mis au point ce qu’on appelle le “protocole additionnel” qui permet à l’AIEA d’inspecter à l’improviste n’importe quelle installation (même un vieux réacteur à l’arrêt) et de surveiller toutes les importations et exportations. Mais l’Agence n’inspecte pas les installations militaires des pays “dotés”, ceux qui, comme la France, ont le “droit” à l’arme nucléaire !

Dernier appel en date : Blix

La commission “Blix” est née en décembre 2003 à l’initiative de la Suède pour proposer des recommandations pour l’élimination des armes nucléaires. Elle a rendu son rapport final en juin 2006. Rappelons que Hans Blix était le responsable de la commission d’inspection de l’AIEA en Irak concernant les armes nucléaires.

“Aussi longtemps que certains Etats auront des armes nucléaires, d’autres voudront en avoir. Et tant que ces armes existent, il y a le risque qu’elles soient utilisées, volontairement ou accidentellement. La commission rejette la suggestion que les armes nucléaires ne seraient pas dangereuses dans les mains de certains et menaçantes possédées par d’autres. La question de réduire le nombre d’armes nucléaires doit être posée, que ces armes soient dans les mains d’Etats nucléaires, d’Etats proliférants ou de terroristes”.

Merci à Hans Blix de mettre dans le même panier les Etats nucléaires et les terroristes ! Nous le disons depuis longtemps, mais cela fait plaisir de le voir dans un rapport d’experts de haut niveau !

Comment faire sa bombe ?

Le recours à l’énergie nucléaire implique des usines d’enrichissement pour fabriquer le “combustible” et produit du plutonium dans le “combustible usé”. Dans un réacteur nucléaire PWR français, 250 kilos de plutonium sont produits chaque année. Il en suffit de 5 à 10 kilos pour faire une bombe.

Une usine d’enrichissement d’uranium peut enrichir l’uranium à 4% pour un réacteur ou à 90% pour une bombe, il suffit d’enrichir plus longtemps le gaz d’hexafluorure d’uranium en le faisant passer plusieurs fois dans les centrifugeuses. Au lieu de faire un cœur de réacteur de 100 tonnes, on pourra faire 4 tonnes d’uranium pour des bombes. Une douzaine de kilos suffisent pour faire une bombe !

La cinquantième conférence générale de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) à Vienne du 18 au 22 septembre 2006 en tire deux conséquences. Le respect du TNP est compromis si l’enrichissement de l’uranium d’une part, et la séparation du plutonium d’autre part, sont autorisés pour tous les pays. En clair, pour certains pays, ces deux activités doivent être interdites. Ce que ne prévoit pas le TNP actuel.

Que faudrait-il faire immédiatement ?

Bien sûr, interdire l’enrichissement de l’uranium… pour tous. Pourquoi seulement pour l’Iran ? Déjà cela condamnerait tous les réacteurs actuels, mais le recours à l’énergie nucléaire avec des réacteurs à uranium “naturel” serait encore possible.

Ensuite interdire la séparation du plutonium. Nous devrions arrêter l’usine de La Hague en France. C’est de toute façon ce que prévoit la “convention OSPAR” qui regroupe tous les pays européens riverains de l’océan Atlantique du Nord-Est car en 2020 il faudra atteindre le niveau “zéro rejet radioactif”. Pour être clair, la France et la Grande-Bretagne ont déjà annoncé qu’elles n’appliqueraient pas cette directive… Comme on le voit, quand on parle de nucléaire, il n’est pas simple de respecter la loi…

Disons tout de suite qu’avec ces deux contraintes, le recours à l’énergie nucléaire serait une telle absurdité économique que plus personne n’envisagerait une telle possibilité. Alors, que faire ? La réponse d’Abolition 2000, le réseau mondial pour l’abolition des armes nucléaires, est la suivante : “sortir du nucléaire, civil et militaire” au plus vite et profiter des 30 années qui viennent pour faire un énorme effort d’approvisionnement en énergies renouvelables. Et donc enlever à l’AIEA son rôle de promotion de l’énergie nucléaire et créer une autre Agence mondiale, une Agence pour les énergies renouvelables.
A LIRE

Le complexe nucléaire
Des liens entre l’atome civil et l’atome militaire


Derrière les centrales nucléaires, on retrouve souvent la bombe atomique...

La lutte contre la prolifération est d’actualité. À défaut
d’interdire l’arme nucléaire, la communauté internationale fait le choix de limiter impérativement le “club” des possesseurs de l’arme nucléaire.

Bien que nul n’ignore que la voie d’accès à la bombe est le développement de l’industrie nucléaire civile (dite “à des fins pacifiques”), ceux-là même qui veulent mettre le holà à la prolifération sont les ardents promoteurs de cette industrie. La France qui s’est relevée de la Deuxième Guerre mondiale tout autant par sa bombe que par ses centrales nucléaires s’est faite le champion de cette “prolifération à des fins pacifiques”.

À la distinction, prévue par l’hypocrite Traité de non-proliferation (TNP), entre États “dotés de l’arme nucléaire” et États “non dotés de l’arme nucléaire”, faudra-t-il créer une nouvelle discrimination entre les États “nucléairement sûrs” et les États “nucléairement non sûrs” ?

Depuis Hiroshima et Nagasaki et le développement de l’industrie nucléaire, le complexe nucléaire n’a pas fini d’agiter la planète !

Le complexe nucléaire, un livre de 144 pages de Bruno Barillot : 13 e port compris, à commander au
Réseau Sortir du nucléaire
9, rue Dumenge
69317 Lyon Cedex 04.
Chèque à l’ordre de “Sortir du nucléaire” ou par paiement sécurisé dans notre boutique en ligne sur :
www.sortirdunucleaire.fr
Dominique Lalanne - lalanne@lal.in2p3.fr
Directeur de recherche au CNRS en physique nucléaire
Co-président de Stop Essais/Abolition des armes nucléaires- Membre du comité de coordination du réseau mondial Abolition 2000

Contact : Stop Essais
114 rue de Vaugirard, 75006 Paris

Pourquoi vouloir la bombe ?

Aujourd’hui, Kim Jung-il annonce que son arsenal nucléaire a été conçu “pour défendre la paix et la stabilité sur la péninsule coréenne et sa région” ! Mais est-ce si différent du discours de Jacques Chirac le 19 janvier 2006 qui justifiait la modernisation de l’arsenal nucléaire français pour “l’intégrité de notre territoire, la protection de notre population, le libre exercice de notre souveraineté, la garantie de nos approvisionnements stratégiques”. La bombe nucléaire ainsi justifiée devrait être à disposition de tous les pays et le Traité de non-prolifération (TNP) n’a plus de raison d’être !

Le Traité de non-prolifération (TNP) est la loi internationale

Rappelons qu’un traité international impose des règles qui prévalent sur les lois nationales. La France qui a signé et ratifié le TNP doit donc préparer “l’élimination totale de ses armes nucléaires sous un contrôle international strict et efficace” (article VI) et depuis la délibération de la Conférence de révision à l’ONU en mai 2000 “la diminution du rôle des armes nucléaires dans la politique de Défense” (article 9).

Comment alors justifier que la France mette au point un nouveau missile, le M51, destiné à pouvoir atteindre des objectifs plus éloignés, dont la Chine et plus précisément Pékin ? La France renouvelle tout son arsenal nucléaire, nouveaux sous-marins, nouveaux avions (les Rafale), nouvelles têtes nucléaires, nouveaux missiles, et lance un programme de recherche pour des bombes à fusion pure, le laser Mégajoule. En violation du TNP, article 9, déjà cité.

Au moins la Corée du Nord a eu la pudeur de se retirer du TNP en 2003 pour faire ses bombes !!! Et, grave erreur de l’époque, la communauté internationale n’a quasiment pas protesté, alors que c’était à ce moment-là qu’il fallait dénoncer le non-respect des engagements !!! Quant à l’Iran, il respecte complètement le TNP qui l’autorise à procéder à l’enrichissement de l’uranium pour des réacteurs civils. Vis-à-vis de l’Iran, il s’agit d’une crise de confiance et non pas d’une violation du droit international.

Mais qui contrôle qui ?

L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) est censée contrôler tout… Jusqu’en 1990 l’Agence contrôlait les installations civiles “déclarées”. Mais, après le commerce frauduleux d’Abdul Khan au Pakistan qui a montré qu’il est facile de dissimuler des unités d’ultracentrifugeuses pour enrichir l’uranium et faire des bombes, il a été mis au point ce qu’on appelle le “protocole additionnel” qui permet à l’AIEA d’inspecter à l’improviste n’importe quelle installation (même un vieux réacteur à l’arrêt) et de surveiller toutes les importations et exportations. Mais l’Agence n’inspecte pas les installations militaires des pays “dotés”, ceux qui, comme la France, ont le “droit” à l’arme nucléaire !

Dernier appel en date : Blix

La commission “Blix” est née en décembre 2003 à l’initiative de la Suède pour proposer des recommandations pour l’élimination des armes nucléaires. Elle a rendu son rapport final en juin 2006. Rappelons que Hans Blix était le responsable de la commission d’inspection de l’AIEA en Irak concernant les armes nucléaires.

“Aussi longtemps que certains Etats auront des armes nucléaires, d’autres voudront en avoir. Et tant que ces armes existent, il y a le risque qu’elles soient utilisées, volontairement ou accidentellement. La commission rejette la suggestion que les armes nucléaires ne seraient pas dangereuses dans les mains de certains et menaçantes possédées par d’autres. La question de réduire le nombre d’armes nucléaires doit être posée, que ces armes soient dans les mains d’Etats nucléaires, d’Etats proliférants ou de terroristes”.

Merci à Hans Blix de mettre dans le même panier les Etats nucléaires et les terroristes ! Nous le disons depuis longtemps, mais cela fait plaisir de le voir dans un rapport d’experts de haut niveau !

Comment faire sa bombe ?

Le recours à l’énergie nucléaire implique des usines d’enrichissement pour fabriquer le “combustible” et produit du plutonium dans le “combustible usé”. Dans un réacteur nucléaire PWR français, 250 kilos de plutonium sont produits chaque année. Il en suffit de 5 à 10 kilos pour faire une bombe.

Une usine d’enrichissement d’uranium peut enrichir l’uranium à 4% pour un réacteur ou à 90% pour une bombe, il suffit d’enrichir plus longtemps le gaz d’hexafluorure d’uranium en le faisant passer plusieurs fois dans les centrifugeuses. Au lieu de faire un cœur de réacteur de 100 tonnes, on pourra faire 4 tonnes d’uranium pour des bombes. Une douzaine de kilos suffisent pour faire une bombe !

La cinquantième conférence générale de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) à Vienne du 18 au 22 septembre 2006 en tire deux conséquences. Le respect du TNP est compromis si l’enrichissement de l’uranium d’une part, et la séparation du plutonium d’autre part, sont autorisés pour tous les pays. En clair, pour certains pays, ces deux activités doivent être interdites. Ce que ne prévoit pas le TNP actuel.

Que faudrait-il faire immédiatement ?

Bien sûr, interdire l’enrichissement de l’uranium… pour tous. Pourquoi seulement pour l’Iran ? Déjà cela condamnerait tous les réacteurs actuels, mais le recours à l’énergie nucléaire avec des réacteurs à uranium “naturel” serait encore possible.

Ensuite interdire la séparation du plutonium. Nous devrions arrêter l’usine de La Hague en France. C’est de toute façon ce que prévoit la “convention OSPAR” qui regroupe tous les pays européens riverains de l’océan Atlantique du Nord-Est car en 2020 il faudra atteindre le niveau “zéro rejet radioactif”. Pour être clair, la France et la Grande-Bretagne ont déjà annoncé qu’elles n’appliqueraient pas cette directive… Comme on le voit, quand on parle de nucléaire, il n’est pas simple de respecter la loi…

Disons tout de suite qu’avec ces deux contraintes, le recours à l’énergie nucléaire serait une telle absurdité économique que plus personne n’envisagerait une telle possibilité. Alors, que faire ? La réponse d’Abolition 2000, le réseau mondial pour l’abolition des armes nucléaires, est la suivante : “sortir du nucléaire, civil et militaire” au plus vite et profiter des 30 années qui viennent pour faire un énorme effort d’approvisionnement en énergies renouvelables. Et donc enlever à l’AIEA son rôle de promotion de l’énergie nucléaire et créer une autre Agence mondiale, une Agence pour les énergies renouvelables.
A LIRE

Le complexe nucléaire
Des liens entre l’atome civil et l’atome militaire


Derrière les centrales nucléaires, on retrouve souvent la bombe atomique...

La lutte contre la prolifération est d’actualité. À défaut
d’interdire l’arme nucléaire, la communauté internationale fait le choix de limiter impérativement le “club” des possesseurs de l’arme nucléaire.

Bien que nul n’ignore que la voie d’accès à la bombe est le développement de l’industrie nucléaire civile (dite “à des fins pacifiques”), ceux-là même qui veulent mettre le holà à la prolifération sont les ardents promoteurs de cette industrie. La France qui s’est relevée de la Deuxième Guerre mondiale tout autant par sa bombe que par ses centrales nucléaires s’est faite le champion de cette “prolifération à des fins pacifiques”.

À la distinction, prévue par l’hypocrite Traité de non-proliferation (TNP), entre États “dotés de l’arme nucléaire” et États “non dotés de l’arme nucléaire”, faudra-t-il créer une nouvelle discrimination entre les États “nucléairement sûrs” et les États “nucléairement non sûrs” ?

Depuis Hiroshima et Nagasaki et le développement de l’industrie nucléaire, le complexe nucléaire n’a pas fini d’agiter la planète !

Le complexe nucléaire, un livre de 144 pages de Bruno Barillot : 13 e port compris, à commander au
Réseau Sortir du nucléaire
9, rue Dumenge
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Dominique Lalanne - lalanne@lal.in2p3.fr
Directeur de recherche au CNRS en physique nucléaire
Co-président de Stop Essais/Abolition des armes nucléaires- Membre du comité de coordination du réseau mondial Abolition 2000

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