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Sortir du nucléaire n°45



Avril 2010

Alternatives

Accompagner l’habitat groupé : des professionnels pour faire aboutir les projets

Article paru dans la revue Sortir du nucléaire n°45 - Avril 2010

 Habitat écologique
Article publié le : 1er avril 2010


Changer notre rapport à l’habitat pour économiser l’énergie et préserver l’environnement... De nombreux groupes d’habitants se constituent aujourd’hui en France pour concevoir des lieux de vie mêlant espaces privatifs et collectifs, écologie et convivialité. Mais face à la complexité de former un groupe cohérent, maîtrisant technique et juridique, ce nouvel art de vivre ensemble peine à se concrétiser. D’où l’émergence d’un nouveau métier : accompagnateur de groupes d’habitants.



Un petit immeuble en ville, une buanderie et des chambres d’amis communes, un jardin partagé… Voilà ce qu’ont imaginé puis concrétisé les membres de l’association Éco-Quartier Strasbourg, à travers leur projet Éco-Logis. Celui-ci a réuni dix familles qui ont initié et conçu un immeuble de 1 287 m2, à la fois écologique et basse consommation, dont la construction commence cet été. Ne plus être consommateur mais acteur d’un lieu de vie qui réponde aux besoins et envies de ses habitants, en même temps qu’aux enjeux de l’urbanisme durable. Ce, en réalisant au passage des économies substantielles. Au nord de l’Europe et au Québec, les projets immobiliers gérés par les habitants sont monnaie courante. À Hambourg, en Allemagne, ils représentent même 20 % des logements neufs réalisés. En France, en revanche, ils peinent à aboutir. "J’ai une certaine expérience de la maîtrise d’ouvrage, précise Bruno Parasote, ingénieur urbaniste et président d’Éco-Logis, mais si dans un groupe personne n’a l’habitude du montage de projet immobilier, mieux vaut faire appel à l’extérieur." Ce besoin de compétences a suscité des vocations au cours des derniers mois.

Génération spontanée

L’Ouest compte déjà trois structures d’accompagnement de groupes d’habitants, la Scop Kejal (Morlaix) et les associations L’Écho-Habitants (Nantes) et Parasol (Rennes). Cette dernière est née en septembre 2008. "Il y avait d’un côté des groupes qui végétaient, explique Samuel Lanoë, salarié de Parasol, et de l’autre des professionnels de l’économie sociale et solidaire intéressés par l’habitat groupé, comme le promoteur Coop de Construction." Toutes ces parties administrent aujourd’hui l’association qui compte trois salariés, un ingénieur, une urbaniste et un spécialiste des organisations sociales et solidaires. Six groupes sont constitués dans le pays rennais, dont deux qui en sont au dépôt du permis de construire, et les demandes affluent.
"Derrière le terme habitat groupé on rencontre des situations très différentes, poursuit Matthieu Theurier, un autre salarié de l’association. Les groupes d’habitants peuvent ne compter que 4 foyers ou concevoir un quartier de 1 200 personnes comme on le voit aux Pays-Bas. Parfois ce sont des communes qui suscitent ce genre de projet, parfois ils naissent de l’initiative de groupes d’habitants." Ainsi, Parasol offre une palette de services en fonction des besoins, comme simple centre de ressources, appui pour la rédaction d’un cahier des charges, assistant à la maîtrise d’ouvrage jusqu’à celui d’animateur de comité de pilotage incluant tous les acteurs : urbanistes, architectes, habitants, collectivités, bureau d’études. Selon eux, l’accompagnement va plus loin qu’une simple assistance technique. "L’architecte peut jouer ce rôle, mais il n’est pas sociologue et va surtout travailler l’aspect technique. Or, au-delà du logement, il y a la vie ensemble et les projets collectifs. Notre rôle est d’aider le groupe à définir ses ambitions et ses valeurs. Certains veulent la mise en place d’un système d’échange local (SEL), de jardins partagés, d’une Amap, etc."

Mission : créer du lien

Cette opinion est largement partagée par Bruno Thouvenin, qui a animé des groupes dans le cadre de l’association l’Atelier blanc.
"Certaines personnes veulent se lancer dans de l’habitat partagé alors qu’elles n’ont pas l’expérience du collectif, explique-t-il, même pas un apéro entre voisins. L’habitat groupé implique de travailler à la fois l’humain, le juridique et le technique." Depuis janvier dernier, il s’est associé avec deux personnes, Anna Fischer et Mathieu Tavan, pour formaliser une offre d’accompagnement, la Coop Adhoc1. Ils ont fait un tour de France des groupes existants et interviewé des dizaines d’élus et de professionnels pour mettre sur pied leur méthodologie. "L’idée était d’apprendre à connaître les problèmes et désirs de chacun, explique Mathieu Tavan, d’apprendre à parler le langage de chacun pour pouvoir faire le pont entre les acteurs. Sans surprise, les soucis des élus tels que la lutte contre la paupérisation ou l’étalement urbain sont en cohérence avec les aspirations des habitants." Outre l’animation d’ateliers sur les statuts juridiques, l’architecture ou la recherche de foncier, leur intervention tourne parfois à la médiation. "Les membres d’Habiter autrement de Besançon ont fait appel à nous, ajoute-t-il, parce qu’ils ne savaient plus quelle était leur identité. Étaient-ils une association militante ou les porteurs d’un projet ? Nous avons travaillé pendant trois jours pour les recentrer sur leur idée, en faisant appel à des techniques d’expression, de communication."

Maîtrise totale : l’autopromotion

L’autopromotion, la conception de bout en bout d’un projet immobilier comme à Strasbourg, est un peu l’idéal de l’habitat groupé. Mais, "elle suppose un groupe avec un fort capital culturel et économique, des compétences techniques. Elle est plutôt adaptée à des projets ruraux, estime Matthieu Theurier. En ville, il est très difficile de se passer d’un promoteur immobilier, qui est la garantie pour les services de l’urbanisme que les logements verront bien le jour. Il est aussi indispensable pour élaborer un habitat mixte, en accession sociale à la propriété par exemple." C’est néanmoins sur ce modèle que Stefan Singer, écoconstructeur expérimenté ayant pratiqué la promotion immobilière, a décidé de fonder l’activité de sa société Toits de Choix, située dans le Gard. Pour lui, la clé du succès n’est ni technique ni économique mais organisationnelle. Il propose ses conseils du début jusqu’à la fin du projet. Ses interventions ont donné naissance à l’association ÉcoHabiter 30 et il suit un groupe d’habitants très actif à Aix-en-Provence. "Aujourd’hui j’ai plusieurs demandes éloignées, assure-t-il, il y a un manque visible de structures d’accompagnement." Avis aux amateurs…
L’esprit coopératif

À Lyon, l’association Habicoop a décidé de jouer une partition originale en militant pour l’importation du concept de coopérative d’habitants, répandu au Danemark et en Allemagne. Une mission difficile car ce statut juridique, idéal pour l’habitat groupé, n’existe pas. Tout est à faire, depuis la base légale, ce qui rend l’aventure un brin complexe. En attendant, Habicoop suit trois groupes d’habitants en Rhônes-Alpes et élabore sa propre méthodologie.
Emmanuel Guyot et Vincent Boulanger

Article paru dans La Maison écologique n°52 (août-septembre 2009)

Un petit immeuble en ville, une buanderie et des chambres d’amis communes, un jardin partagé… Voilà ce qu’ont imaginé puis concrétisé les membres de l’association Éco-Quartier Strasbourg, à travers leur projet Éco-Logis. Celui-ci a réuni dix familles qui ont initié et conçu un immeuble de 1 287 m2, à la fois écologique et basse consommation, dont la construction commence cet été. Ne plus être consommateur mais acteur d’un lieu de vie qui réponde aux besoins et envies de ses habitants, en même temps qu’aux enjeux de l’urbanisme durable. Ce, en réalisant au passage des économies substantielles. Au nord de l’Europe et au Québec, les projets immobiliers gérés par les habitants sont monnaie courante. À Hambourg, en Allemagne, ils représentent même 20 % des logements neufs réalisés. En France, en revanche, ils peinent à aboutir. "J’ai une certaine expérience de la maîtrise d’ouvrage, précise Bruno Parasote, ingénieur urbaniste et président d’Éco-Logis, mais si dans un groupe personne n’a l’habitude du montage de projet immobilier, mieux vaut faire appel à l’extérieur." Ce besoin de compétences a suscité des vocations au cours des derniers mois.

Génération spontanée

L’Ouest compte déjà trois structures d’accompagnement de groupes d’habitants, la Scop Kejal (Morlaix) et les associations L’Écho-Habitants (Nantes) et Parasol (Rennes). Cette dernière est née en septembre 2008. "Il y avait d’un côté des groupes qui végétaient, explique Samuel Lanoë, salarié de Parasol, et de l’autre des professionnels de l’économie sociale et solidaire intéressés par l’habitat groupé, comme le promoteur Coop de Construction." Toutes ces parties administrent aujourd’hui l’association qui compte trois salariés, un ingénieur, une urbaniste et un spécialiste des organisations sociales et solidaires. Six groupes sont constitués dans le pays rennais, dont deux qui en sont au dépôt du permis de construire, et les demandes affluent.
"Derrière le terme habitat groupé on rencontre des situations très différentes, poursuit Matthieu Theurier, un autre salarié de l’association. Les groupes d’habitants peuvent ne compter que 4 foyers ou concevoir un quartier de 1 200 personnes comme on le voit aux Pays-Bas. Parfois ce sont des communes qui suscitent ce genre de projet, parfois ils naissent de l’initiative de groupes d’habitants." Ainsi, Parasol offre une palette de services en fonction des besoins, comme simple centre de ressources, appui pour la rédaction d’un cahier des charges, assistant à la maîtrise d’ouvrage jusqu’à celui d’animateur de comité de pilotage incluant tous les acteurs : urbanistes, architectes, habitants, collectivités, bureau d’études. Selon eux, l’accompagnement va plus loin qu’une simple assistance technique. "L’architecte peut jouer ce rôle, mais il n’est pas sociologue et va surtout travailler l’aspect technique. Or, au-delà du logement, il y a la vie ensemble et les projets collectifs. Notre rôle est d’aider le groupe à définir ses ambitions et ses valeurs. Certains veulent la mise en place d’un système d’échange local (SEL), de jardins partagés, d’une Amap, etc."

Mission : créer du lien

Cette opinion est largement partagée par Bruno Thouvenin, qui a animé des groupes dans le cadre de l’association l’Atelier blanc.
"Certaines personnes veulent se lancer dans de l’habitat partagé alors qu’elles n’ont pas l’expérience du collectif, explique-t-il, même pas un apéro entre voisins. L’habitat groupé implique de travailler à la fois l’humain, le juridique et le technique." Depuis janvier dernier, il s’est associé avec deux personnes, Anna Fischer et Mathieu Tavan, pour formaliser une offre d’accompagnement, la Coop Adhoc1. Ils ont fait un tour de France des groupes existants et interviewé des dizaines d’élus et de professionnels pour mettre sur pied leur méthodologie. "L’idée était d’apprendre à connaître les problèmes et désirs de chacun, explique Mathieu Tavan, d’apprendre à parler le langage de chacun pour pouvoir faire le pont entre les acteurs. Sans surprise, les soucis des élus tels que la lutte contre la paupérisation ou l’étalement urbain sont en cohérence avec les aspirations des habitants." Outre l’animation d’ateliers sur les statuts juridiques, l’architecture ou la recherche de foncier, leur intervention tourne parfois à la médiation. "Les membres d’Habiter autrement de Besançon ont fait appel à nous, ajoute-t-il, parce qu’ils ne savaient plus quelle était leur identité. Étaient-ils une association militante ou les porteurs d’un projet ? Nous avons travaillé pendant trois jours pour les recentrer sur leur idée, en faisant appel à des techniques d’expression, de communication."

Maîtrise totale : l’autopromotion

L’autopromotion, la conception de bout en bout d’un projet immobilier comme à Strasbourg, est un peu l’idéal de l’habitat groupé. Mais, "elle suppose un groupe avec un fort capital culturel et économique, des compétences techniques. Elle est plutôt adaptée à des projets ruraux, estime Matthieu Theurier. En ville, il est très difficile de se passer d’un promoteur immobilier, qui est la garantie pour les services de l’urbanisme que les logements verront bien le jour. Il est aussi indispensable pour élaborer un habitat mixte, en accession sociale à la propriété par exemple." C’est néanmoins sur ce modèle que Stefan Singer, écoconstructeur expérimenté ayant pratiqué la promotion immobilière, a décidé de fonder l’activité de sa société Toits de Choix, située dans le Gard. Pour lui, la clé du succès n’est ni technique ni économique mais organisationnelle. Il propose ses conseils du début jusqu’à la fin du projet. Ses interventions ont donné naissance à l’association ÉcoHabiter 30 et il suit un groupe d’habitants très actif à Aix-en-Provence. "Aujourd’hui j’ai plusieurs demandes éloignées, assure-t-il, il y a un manque visible de structures d’accompagnement." Avis aux amateurs…
L’esprit coopératif

À Lyon, l’association Habicoop a décidé de jouer une partition originale en militant pour l’importation du concept de coopérative d’habitants, répandu au Danemark et en Allemagne. Une mission difficile car ce statut juridique, idéal pour l’habitat groupé, n’existe pas. Tout est à faire, depuis la base légale, ce qui rend l’aventure un brin complexe. En attendant, Habicoop suit trois groupes d’habitants en Rhônes-Alpes et élabore sa propre méthodologie.
Emmanuel Guyot et Vincent Boulanger

Article paru dans La Maison écologique n°52 (août-septembre 2009)



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